Insuffisance cardiaque
Publié le 22 déc 2023Lecture 4 min
Traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée : quoi de neuf ?
Jean-Sébastien HULOT, Hôpital européen Georges-Pompidou, APHP, Paris
Alors que l’arsenal thérapeutique de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite (ICFEr) n’a cessé de s’amplifier ces toutes dernières années(1), le nombre de traitements efficaces pour sa sœur jumelle (i.e. avec une fraction d’éjection préservée, ICFEp) est largement plus limité. Au point qu’on en arrive à se demander s’il s’agit d’une sœur jumelle ou d’un faux-semblant ? Car il faut tout d’abord rappeler que si le traitement de l’ICFEp est aussi pauvre, ce n’est pas faute d’avoir testé les médicaments ayant montré leur efficacité en cas de fraction d’éjection réduite. Bêtabloquants(2), IEC(3), sartans(4,5), autant d’échecs que de tentatives. La spironolactone a été étudiée dans l’essai TOPCAT(6), avec un résultat neutre sur le critère primaire de jugement et tout de même une réduction significative des réhospitalisations pour insuffisance cardiaque décompensée. Mais des soucis méthodologiques et une disparité forte entre les pays recruteurs ont jeté un doute sur cette étude. Restait le sacubitril/valsartan dans l’essai PARAGON-HF, avec ici aussi un résultat neutre sur le critère primaire de jugement(7). Les analyses en sous-groupes montraient une efficacité pour des fractions d’éjection modérément réduite (entre 40 et 50 %), mais finalement plus d’effet pour les patients avec une FEVG vraiment préservée.
Si bien qu’en 2021, les recommandations ESC de prise en charge de l’ICFEp restaient dramatiquement pauvres(1) : 1/ rechercher une étiologie sous-jacente et la traiter et 2/ utiliser des diurétiques (de l’anse notamment) pour traiter la congestion…
Cette situation ne pouvait pas rester éternellement bloquée, et heureusement les 18 derniers mois ont été porteurs de grandes avancées dans le domaine.
L’avènement des inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2)
Après une démonstration tonitruante de leur efficacité dans la prise en charge de l’ICFEr en 2019 (avec les études DAPA-HF(8) pour la dapagliflozine et EMPEROR-Reduced(9) pour l’empagliflozine), on attendait avec impatience les résultats des deux essais cliniques étudiant les iSGLT2 chez des patients avec une insuffisance cardiaque chronique et une fraction d’éjection ventriculaire gauche > 40 %, DELIVER(10) pour la dapagliflozine et EMPEROR-preserved(11) pour l’empagliflozine. Et ces deux essais cliniques nous ont apporté la preuve d’efficacité des iSGLT2 chez ces patients, devenant donc la première et la seule classe thérapeutique avec une efficacité démontrée chez les patients avec une ICFEp. Brièvement, les deux études sont positives sur le critère primaire de jugement qui combinait mortalité cardiovasculaire et ré-hospitalisations pour décompensation cardiaque. Dans le détail, l’effet est surtout apparent sur les réhospitalisations pour décompensation cardiaque, le bénéfice sur la mortalité cardiovasculaire étant un peu plus limité que celui observé chez les patients avec ICFEr. Mais ce résultat s’explique par le fait que la population des patients avec ICFEp diffère sur de nombreux points des patients ICFEr avec notamment un âge moyen plus élevé et une mortalité non cardiovasculaire plus importante. Les analyses en sous-groupe montrent aussi une belle homogénéité de l’effet, quelle que soit la FE. On est donc aussi sur la première classe thérapeutique à pouvoir être utilisé chez tous les patients insuffisants cardiaques, ce qui est aussi une première.
Enfin, la tolérance du traitement est très bonne, et il n’y a pas de titration à prévoir. Le traitement est donc simple à utiliser. Et tout ceci a conduit à une révision anticipée des recommandations ESC(12), avec un grade I A en faveur de l’introduction d’un inhibiteur de SGLT2 (dapagliflozine ou empagliflozine) chez les patients avec fraction d’éjection moyennement réduite (FE : 40 à 50 %) et les patients avec fraction d’éjection > 50 %. Enfin du changement, et avec le plus haut niveau d’évidence !
Et après les iSGLT2 ?
Le bénéfice de l’ICFEp amène aussi à reconsidérer l’approche thérapeutique pour ces patients. Même si le mécanisme d’action exact soutenant le bénéfice dans l’insuffisance cardiaque n’est pas parfaitement établi, il y a un faisceau d’arguments assez forts pour penser qu’il existe une double action diurétique d’une part (en raison du fait que SGLT2 est un cotransporteur rénal de glucose et de sodium), et une action métabolique d’autre part (avec une amélioration de la capacité bioénergétique cardiaque). Ce dernier mode d’action est très intéressant, car l’axe métabolique a finalement peu été exploité jusqu’à présent dans le traitement de l’insuffisance cardiaque. Pourtant d’autres traitements sont susceptibles d’agir aussi sur le métabolisme, et pourraient donc se montrer aussi bénéfiques, notamment dans l’ICFEp. L’étude STEPHFpEF(13) a ainsi testé les effets fonctionnels du sémaglutide, un agoniste des récepteurs du GLP1, une molécule connue pour ses effets sur le contrôle glycémique post-prandial en stimulant la sécrétion d’insuline et inhibant le glucagon. Initialement utilisé pour le traitement du diabète, le sémaglutide provoque aussi une perte de poids importante, ce qui a contribué à le rendre populaire. Il a donc une indication de choix chez les obèses diabétiques. Mais certains de ces patients peuvent aussi avoir une insuffisance cardiaque, notamment une ICFEp. STEP-HFpEF(13) a donc étudié l’utilisation du sémaglutide dans cette population de patient (avec un IMC > 30 kg/m2), avec un critère de jugement basé sur l’évolution du questionnaire KCCQ, un questionnaire qui estime le retentissement fonctionn el de l’insuffisance cardiaque. Le sémaglutide est associé à une amélioration fonctionnelle significative, avec aussi une amélioration de la distance de marche. Comme attendu, la perte de poids est aussi importante (-13 % en moyenne), et c’est un point très important, car le bénéfice semble très lié au degré de perte de poids(14). L’étude nous apprend donc que le sémaglutide est un excellent traitement de l’obésité qui peut être utilisé chez les patients obèses avec ICFEp, et que la perte de poids s’associe à une amélioration symptomatique. Mais l’effet va-t-il au-delà ? La CRP est aussi nettement baissée chez les patients ICFEp traités par sémaglutide, et on sait que cette forme d’insuffisance cardiaque est associée à une inflammation de bas grade. Il sera donc intéressant de connaître l’effet du sémaglutide sur les événements cardiaques liés à l’insuffisance cardiaque.
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