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Publié le 30 oct 2022Lecture 10 min

Quoi de neuf en interventionnel à l’ESC 2022 ?

Vincent PHAM, Fabien PICARD, Hôpital Cochin, Paris

Le congrès de l’European Society of Cardiology (ESC) a réuni cette année à Barcelone plus d’une vingtaine de milliers de cardiologues sur site. Une édition virtuelle permettait également de suivre le congrès à distance. Un large programme de cardiologie générale mais également de multiples présentations en cardiologie interventionnelle et de nouvelles recommandations dont nous vous faisons un bref résumé.

  CORONAROPATHIE   Revascularisation par angioplastie en cas de dysfonction ventriculaire gauche sévère L’étude REVIVED-BCIS2 a été présentée par Divaka Perera (Londres, Angleterre) et publiée simultanément dans le New England Journal of Medicine(1). Les patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche inférieure à 35 % en rapport avec une cardiopathie ischémique bénéficient fréquemment d’une revascularisation coronaire. Cette revascularisation fait l’objet d’une recommandation ESC grade IIa avec un niveau de preuve faible (grade C)(2) et est tirée du bénéfice démontré d’une chirurgie de pontages sur la mortalité à 10 ans chez le patient pluritronculaire et porteur d’une FEVG < 35 % (étude STICH)(3). Par analogie, ces patients bénéficient fréquemment d’une revascularisation par angioplastie qui constitue une alternative à la chirurgie. REVIVED-BCIS2, a randomisé 700 patients présentant une cardiopathie ischémique pluritronculaire avec FEVG < 35 % et viabilité myocardique sur au moins 4 segments en deux groupes : traitement médical optimal ou traitement médical optimal associé à une revascularisation coronaire par angioplastie. Le critère de jugement principal était un critère composite associant mortalité toutes causes ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Les critères secondaires comprenaient notamment la FEVG et la qualité de vie. La médiane du suivi était de 41 mois (au moins 2 ans) avec un taux d’événements de 37,2 % dans le groupe angioplastie contre 38 % dans le groupe traitement médical optimal sans différence significative (HR = 0,99 ; IC95 % : 0,78-1,27 ; p = 0,96) (figure 1). Aucune différence n’a été retrouvée concernant le critère secondaire de FEVG (différence entre groupe angioplastie et traitement médical de 0,9 % à 12 mois). La qualité de vie semblait favoriser la revascularisation à 6 et 12 mois mais ce bénéfice disparaissait à 24 mois. De plus, les résultats étaient concordants dans les différents sous-groupes étudiés (patients âgés, diabétiques, lésions du tronc commun, fibrillation auriculaire, dysfonction VG < 29 %, classe NYHA, NT-proBNP, score BCIS) (figure 1). Dans cette étude, il n’existait pas de bénéfice à la revascularisation par angioplastie par rapport au traitement médical optimal chez les patients porteurs d’une cardiopathie ischémique tritronculaire avec FEVG < 35 %. Plusieurs limites sont à cependant à noter. La durée du suivi n’était que de 3,4 ans or le bénéfice observé précédemment de la revascularisation chirurgicale n’était pas présent à l’analyse faite à 5 ans mais bien présente à celle faite à 10 ans. Deuxièmement, le taux d’événements observés était inférieur au taux d’événements attendu de 20 % diminuant ainsi la puissance de l’étude. Néanmoins, le bénéfice observé dans l’essai STICH n’a pas été retrouvé dans cette étude. Plusieurs facteurs limitent la comparaison de ces deux essais, notamment les caractéristiques de base des patients (patients plus âgés dans REVIVED BCIS2) ainsi que la période où ces deux études ont été conduites (notamment en raison de l’évolution du traitement médical optimal de la prise en charge de l’insuffisance cardiaque).   SCA : angioplastie guidée par la FFR en cas de maladie coronaire pluritronclaire ? En cas de syndrome coronaire aigu (SCA) chez un patient pluritronculaire, l’angioplastie percutanée des lésions non coupables a montré un bénéfice sur le taux de revascularisations. La stratégie optimale de sélection des lésions non coupables à traiter reste débattue. L’essai FRAME-AMI est un essai contrôlé randomisé multicentrique (Corée) chez des patients ayant présenté un infarctus du myocarde faisant découvrir une maladie coronaire pluritronculaire (SCA avec ou sans sus-décalage du segment ST). Ces patients ont été randomisés soit vers une stratégie de revascularisation guidée par FFR contre une stratégie guidée par angiographie seule. Dans le « groupe FFR », les lésions ayant une FFR ≤ 0,80 ont été revascularisées alors que dans le « groupe angiographie » toutes les lésions > 50 % visuellement ont été traitées. Le calcul de l’effectif nécessaire était de 1 292 (646 par groupe) pour assurer une puissance de 90 % avec un risque bilatéral d’erreur de type 1 de 5 %. Néanmoins, la pandémie de Covid 19 a largement ralenti le recrutement de malades et il a été décidé d’arrêter prématurément l'étude. Entre août 2016 et décembre 2022, 562 patients ont été randomisés. La durée moyenne de suivi était de 3,5 ans. La moitié des patients environ avait présenté un SCA avec sus-décalage du segment ST et près d’un tiers des malades a bénéficié d’imagerie intracoronaire pour l’angioplastie de l’artère non coupable. Dans le groupe FFR, la FFR moyenne avant angioplastie était de 0,79 contre 0,88 à la fin de la procédure. Le critère de jugement principal (décès toute cause, IDM ou revascularisation) était significativement inférieur dans le groupe FFR versus le groupe angiographie (7,4 % vs 19,7 % ; p = 0,003). Le taux de décès était également plus faible dans le groupe FFR (2,1 % vs 8,9 % ; p = 0,020). Il en était de même pour le taux d’IDM (2,5 vs 8,9 % ; p = 0,009). Le bénéfice observé de la FFR était persistant dans les différents sous-groupes (SCA-ST+ ou ST-, âge < ou > 65 ans, diabète, dysfonction VG, etc.). Malgré l’effectif réduit, la différence du taux d’événements sur le critère de jugement principal et la durée de suivi, la puissance calculée de l’essai était de 95,3 %. Les résultats de cette étude sont différents de ceux de l’essai FLOWER-MI publié en 2021 dans le New England Journal of Medicine(4). L’étude s’était concentrée sur les infarctus avec sus-décalage du segment ST et avait randomisé deux fois plus de patients que FRAME-AMI (1 171). Le suivi était plus court et à 1 an, il n’existait pas de différence significative sur le critère de jugement principal décès ou IDM ou hospitalisation en urgence pour revascularisation (5,5 % dans le groupe FFR contre 4,2 % dans le groupe angiographie ; p = 0,31) (figure 2).   CARDIOLOGIE STRUCTURELLE   Résultats préliminaires de TRILUMINATE : un premier pas dans la prise en charge de l’insuffisance tricuspide ? Les résultats préliminaires de faisabilité de l’essai TRILUMINATE (NCT03904147) ont été présenté par Paul Sorajja (Minneapolis, États-Unis). Il s’agit d’un essai prospectif contrôlé, randomisé et multicentrique (67 centres) comportant plusieurs bras (figure 3) : – une cohorte initiale de rollin pour former les opérateurs avec implantation de TriClip™ (Abbott), jusqu’à 3 patients par centre ; – une cohorte randomisée 1 : 1 (450 patients) comparant la réduction de l’insuffisance tricuspide par TriClip™ au traitement médical (groupe contrôle) ; – un 3e groupe expérimental non randomisé (200 patients) concernant les patients porteurs d’une fuite tricuspide dont on pense qu’elle ne pourra être réduite qu’à une insuffisance au mieux modérée. Le principal critère d’inclusion était la présence d’une insuffisance tricuspide (IT) sévère (grade ≥ 3) symptomatique (au moins NYHA II) malgré un traitement médical bien conduit et associé à un risque chirurgical intermédiaire ou élevé. Les critères d’exclusion étaient nombreux. Les principaux étaient la présence d’une dysfonction VG trop sévère < 20 %, d’une hypertension pulmonaire précapillaire ou > 70 mmHg, une anatomie défavorable (dont la présence d’une sonde endocavitaire), une espérance de vie < 12 mois, un IDM ou un AVC récent, la présence d’un ulcère ainsi que d’autres comorbidités sévères. Le critère de jugement principal était un critère composite comportant la survenue d’un décès toutes causes confondues, d’une chirurgie tricuspide ou d’une hospitalisation pour insuffisance cardiaque et l’amélioration de la qualité de vie (score KCCQ) à 12 mois. Les résultats présentés à l’ESC 2022 ne concernaient que les résultats à 30 jours d’efficacité et de sécurité de la cohorte de faisabilité qui a inclus 97 patients. La population étudiée était âgée en moyenne de 79 ans et comportait majoritairement des hommes (62 %). La fonction VG était conservée (FEVG 59,9 % en moyenne). La majorité des patients était symptomatiques de la classe NYHA III ou IV ; 37 % des patients étaient porteurs d’une insuffisance tricuspide massive ou torrentielle, 24 % d’une insuffisance tricuspide sévère et 2 % d’une insuffisance tricuspide modérée. À 30 jours, on observait : – une réduction significative de la fuite tricuspide : à l’inclusion, 58 % des patients avaient une IT grade IV-V contre 10 % à J30 pos implantation (p < 0,0001) (figure 4) ; – une réduction d’au moins 2 grades de la fuite tricuspide chez 67 % des patients ; – une amélioration significative de la qualité de vie : KCCQscore passant de 55,6 à 72,2 (p < 0,0001) ; – une amélioration des symptômes : 32 % de patients étaient en classe NYHA 2 contre 76 % à J30 (p < 0,0001) (figure 4, A). Concernant la sécurité du dispositif, il n’existait qu’un événement majeur (1 patient est décédé à J30), avec néanmoins plusieurs événements non fatals : 1 patient a bénéficié d’une chirurgie tricuspide, 7 patients ont présenté un saignement majeur et 7 patients ont eu un clip attaché à une seule cusp.   Les résultats à 1 an de COAPT-PAS : évaluation du MitraClip™ en vie réelle L’essai COAPT a été publié en 2018 et a montré pour la première fois l’efficacité du dispositif MitraClip™ (Abbot Vascular) dans la prise en charge d’une insuffisance mitrale secondaire à une dysfonction ventriculaire gauche dans un essai contrôlé randomisé avec un bénéfice sur la mortalité et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque(5). Depuis l’autorisation de l’utilisation de ce dispositif, le MitraClip™ constitue une thérapeutique largement employée à travers le monde. Néanmoins, les patients de l’étude COAPT étaient particulièrement sélectionnés. La cohorte prospective COAPT-PAS a permis d’évaluer l’utilisation du MitraClip™ en vie réelle et de comparer les résultats obtenus à ceux de l’essai COAPT. COAPT-PAS est une étude observationnelle prospective multicentrique américaine ayant inclus 5 000 patients consécutifs traités entre mars 2019 et septembre 2020. Le suivi à 30 jours était disponible pour 4 116 patients et le suivi à 1 an était disponible pour 2 657 patients. Parmi la population de COAPT-PAS, seuls 919 patients remplissaient les critères d’inclusion et d’exclusion de l’essai COAPT soit moins de 20 % (figure 5). En effet, les patients du registre COAPT-PAS étaient plus âgés, avec une plus grande proportion de femmes, étaient plus symptomatiques, et présentaient un traitement de l’insuffisance cardiaque moins optimisé par rapport aux patients de l’étude COAPT. À noter que le temps de procédure était plus court dans le registre COAPT-PAS par rapport à l’étude COAPT (142 contre 163 min). Le taux de survie à 1 an sans hospitalisation pour insuffisance cardiaque était similaire dans COAPT-PAS et dans l’essai COAPT (respectivement 66,3 % et 66,5 %). Pour rappel, le taux de survie dans le bras « traitement médical » de l’essai COAPT était de 53,8 % (figure 4, B). L’amélioration de la qualité de vie évaluée par le score KCCQ était en revanche plus importante dans le registre COAPT-PAS que dans l’étude COAPT (+28 % d’amélioration contre +17 %). Il en était de même pour l’amélioration de la dyspnée. Des résultats encourageants, malgré les limites d’une étude observationnelle, du MitraClip™ en vie réelle avec une amélioration du taux de survie, des hospitalisations pour insuffisance cardiaque et de la qualité de vie sur une population plus large que dans l’essai COAPT.   Nouvelles recommandations sur l’hypertension pulmonaire : mise en avant de l’angioplastie au ballon des artères pulmonaires Les nouvelles recommandations ESC 2022 sur l’hypertension pulmonaire ont été publiées avec notamment une mise au point sur le traitement interventionnel(6). La définition de l’hypertension pulmonaire a été mise à jour. On parle d’hypertension pulmonaire en cas de PAPm > 20 mmHg. Celle-ci sera dite « précapillaire » en cas de pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) ≤ 15 mmHg associée à des résistances RVP > 2 UW. Si la PAPO est > 15 mmHg, on parlera d’hypertension pulmonaire postcapillaire isolée (RVP ≤ 2 UW) ou bien mixte (RVP > 2 UW). La classification en sous-groupes de l’hypertension pulmonaire ne change pas et la prise en charge interventionnelle a évolué notamment pour les HTP du groupe 4 ou hypertension pulmonaire postembolique. En cas de patient opérable, le traitement chirurgical par endartériectomie est recommandé (recommandation de classe I). En cas de non-opérabilité ou de récidive de symptômes ou d’hypertension pulmonaire malgré l’endartériectomie, un traitement médical combiné à un traitement par angioplastie pulmonaire est recommandé (classe I).   PÉRIPHÉRIQUE   La dénervation rénale : retour en force ? L’hypertension artérielle représente une des causes majeures de mortalité à travers le monde. Les traitements pharmacologiques visant à diminuer la pression artérielle ont montré un bénéfice sur la réduction de la morbidité cardiovasculaire et de la mortalité. Des traitements interventionnels reposant sur l’utilisation de dispositifs de dénervation rénale ont été proposés pour la prise en charge de l’hypertension artérielle non contrôlée. Il existe deux approches interventionnelles : – la technique de radiofréquence ; – la technique par ultrasons. Néanmoins, les dernières recommandations sur la prise en charge de l’hypertension artérielle de 2018 ne retenaient pas l’utilisation de ces techniques (grade III-B) en dehors d’essais contrôlés randomisés. Or, depuis 2018, 4 essais contrôlés randomisés avec procédure SHAM ont été menées avec un résultat positif sur la diminution de la pression artérielle (SPYRAL HTNOFF MED, SPYRAL HTN-ON MED, RADIANCE SOLO et RADIANCE TRIO). Ces essais concernaient les patients présentant une hypertension artérielle modérée, moyenne, sévère et résistante. Par ailleurs, ces registres n’ont rapporté aucun signal sur la sécurité d’utilisation des dispositifs existants à court, moyen ou long terme. Lors de ce congrès de l’ESC 2022 a été présenté un consensus européen conjoint de l’ESC et de l’EAPCI sur la dénervation rénale autorisant l’usage de cette technique pour la prise en charge de l’hypertension artérielle. Les patients concernés représentent : • Les patients hypertendus non contrôlés sous trithérapie incluant un diurétique avec pression en consultation > 140/ 90 mmHg ou pression diurne > 135 mmHg en MAPA. • Les patients à haut risque cardiovasculaire ayant une atteinte d’organe cible. • Les patients intolérants aux traitements antihypertenseurs. Cette mise à jour va être suivie prochainement du remboursement en France de cette thérapie. Un élargissement de l’arsenal thérapeutique dans la prise en charge d’une pathologie très fréquente mais parfois difficile à prendre en charge de façon optimale chez certains patients.

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