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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 07 juil 2014Lecture 4 min

Ce que je fais devant des extrasystoles ventriculaires sur cœur apparemment sain ?

J.-F. LECLERCQ, Paris

La découverte d’extrasystoles ventriculaires (ESV) est fréquente à l’ECG ou au Holter chez des patients, souvent jeunes, chez qui il n’y a pas de cardiopathie connue. Dès lors, deux questions se posent :
Ces ESV viennent-elles révéler une cardiopathie sous-jacente et/ou ont-elles une signification péjorative ?
Faut-il les traiter, et si oui, comment ?

La recherche d’une cardiopathie causale est le temps essentiel, car la conduite ne sera pas la même selon ses résultats. Elle comporte plusieurs examens, du plus simple au plus complexe : L’électrocardiogramme est souvent sous-utilisé. On doit regarder : - l’aspect des ESV, en particulier leur vecteur principal qui indique leur site d’origine. Les ESV bénignes sur cœur sain viennent le plus souvent de l’infundibulum du ventricule droit et ont donc un aspect de retard gauche et un axe vertical, elles sont très positives en II,III,F et peu élargies (figure 1). Plus elles sont fines et amples, plus leur caractère idiopathique est vraisemblable ; - le reste de l’ECG : pour admettre le diagnostic d’ESV bénigne, il ne doit montrer ni trouble de conduction intraventriculaire, ni anomalie de la repolarisation, évocateurs d’une cardiomyopathie gauche ou d’une dysplasie droite.   Figure 1. L’échographie doit être strictement normale (seule la ballonisation mitrale sans valve myxoïde est autorisée). Elle permet d’éliminer une cardiomyopathie gauche dilatée ou hypertrophique, mais a peu d’intérêt pour une cardiopathie ischémique ou une dysplasie. Le Holter apporte trois renseignements : - le degré de polymorphisme : c’est l’élément le plus significatif. Les ESV bénignes sur cœur sain sont monomorphes. On peut admettre une 2e morphologie si elle est exceptionnelle. À partir de 3 morphologies, il est peu vraisemblable que le cœur soit normal ; - la relation avec la fréquence sinusale et l’effort. Le plus souvent les ESV bénignes disparaissent pour les fréquences les plus élevées, et leur répartition peut être variable le reste du temps ; - l’existence de doublets et de salves. Si elles sont monomorphes et ni trop longues ni trop rapides, elles ne modifient pas le caractère vraisemblablement idiopathique du trouble du rythme.   L’épreuve d’effort est intéressante pour étudier le comportement des ESV lors d’une stimulation sympathique. Les ESV bénignes disparaissent pendant l’effort, et réapparaissent à la récupération, souvent de façon exacerbée avec des salves. L’aggravation pendant l’effort avec apparition de doublets ou de salves polymorphes est un argument de poids pour une cardiopathie sous-jacente, les plus fréquentes étant l’insuffisance coronaire et la dysplasia. La recherche de Potentiels Tardifs Ventriculaires (PTV) a une grande place dans le diagnostic étiologique. Comme on le voit sur la figure 2, la prévalence des PTV est différente entre les ESV sur cœur sain et celles sur cardiopathie. C’est un signe assez précoce qui permet souvent de suspecter une cardiomyopathie gauche ou une dysplasie droite.   Figure 2. Les examens spécialisés d’imagerie visent à assurer le diagnostic d’ESV idiopathique. Outre l’écho, ils comportent la coronarographie, l’IRM, la scintigraphie en contraste de phase et l’angiographie ventriculaire droite. La coronarographie ne se discute que chez les patients de 50 ans ou plus qui ont des anomalies à l’ECG d’effort (ischémie ou aggravation des ESV). L’IRM peut aider dans les cas limites pour le diagnostic de cardiomyopathie hypertrophique. Mais c’est surtout pour le diagnostic de dysplasie du ventricule droit qu’elle est utile, en concurrence avec la scintigraphie et l’angiographie VD. L’IRM est très performante pour apprécier les volumes, la scintigraphie pour détecter les retards de dépolarisation, et l’angiographie VD pour détecter les anomalies de cinétique localisées (figure 3). En effet, le diagnostic de dysplasie du ventricule droit reste difficile, même avec les possibilités d’imagerie de plus en plus performantes, pour la bonne raison qu’il s’agit d’une maladie évolutive, et qu’au stade initial il y a peu de lésions : elles sont mal visibles mais peuvent suffire à donner des troubles du rythme.   L’imagerie de la dysplasie du ventricule droit Figure 3. De gauche à droite : l’IRM montre un VD plus grand que le VG, avec graisse intra-pariétale, l’angiographie une loupe de la paroi inférieure du VD, et la scintigraphie un retard de dépolarisation localisé au VD.     Y a-t-il des éléments de mauvais pronostic ? S’il y a une cardiopathie causale, la présence d’ESV fréquentes est en soi un élément pronostique défavorable. Mais si tous les examens étiologiques sont normaux, il faut malgré tout examiner : - le degré de polymorphisme ; - l’aspect morphologique ; - le couplage des ESV. Plus elles sont polymorphes, plus il y a d’aspects de retard droit (venant donc du VG), plus le couplage est court (< 350 ms), moins le diagnostic d’ESV bénigne sur cœur sain reste vraisemblable. Ceci impose à tout le moins une surveillance régulière et la répétition des examens d’imagerie, ainsi que l’interdiction de l’activité sportive. Quelles indications thérapeutiques ? S’il y a une cardiopathie significative, le traitement à discuter en premier lieu est un bêtabloquant, puisque pratiquement toutes les arythmies ventriculaires sur cardiopathie sont majorées par le tonus adrénergique. En l’absence de cardiopathie, et si le bêtabloqueur est insuffisant, on peut le remplacer ou l’associer à un antiarythmique de classe I ou de classe III. L’alternative est de proposer une ablation par radiofréquence du site d’origine des ESV. Ceci se pratique surtout dans les cavités droites, mais il existe également des ESV gauches sur cœur sain. Bien entendu, le caractère monomorphe est essentiel pour poser cette indication qui reste rare et limitée aux ESV très symptomatiques et résistantes à tout traitement.

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