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Grand angle

Publié le 06 déc 2024Lecture 9 min

Nutcracker syndrome : GRAND les clés pour comprendre

Olivier HARTUNG, Lauranne MATRAY, Philippe NICOLINI, Fabien THAVEAU, Olivier CRETON, Jacques CHEVALIER, Éric STEINMETZ pour le Comité veineux de la SCVE

Le Nutcracker syndrome (NCS ou syndrome du casse-noisette) est la forme symptomatique de la compression de la veine rénale gauche (VRG)(1). Cette dernière peut être de trois types : soit une forme antérieure avec compression de la veine rénale gauche dans la pince aortomésentérique (PAM), donc entre l’aorte et l’artère mésentérique supérieure (AMS), soit une forme postérieure avec compression entre la face postérieure de l’aorte et le rachis, soit une association des deux en cas de VRG « circum-aortique ». Sa fréquence exacte n’est pas connue, mais on estime qu’il s’agit d’une entité très largement sous-estimée car sous-diagnostiquée (126 cas rapportés dans la littérature en 2012 et plus de 1 000, mais seulement… en 2024). Elle peut survenir à tout âge, avec une prédominance entre 20 et 40 ans.

Le NCS est dû à l’augmentation de la pression dans la VRG et ses branches du fait de la compression de celle-ci. Ceci ne suffit pas car il est bien connu qu’une thrombose ou une ligature de la VRG n’entraînent qu’exceptionnellement un NCS. Cette pathologie touche principalement la femme dans les pays occidentaux au contraire de l’Asie où la majorité des cas diagnostiqués le sont chez des hommes. Les patients partagent en général un morphotype mince avec un IMC < 20 kg/m2 : 19,4 sur 89 patients avec NCS antérieur selon Ejargue(2). La participation d’une ptose du rein gauche en arrière et en caudal qui étire la VRG du fait d’un déficit de graisse à la face postérieure du rein a été évoquée par plusieurs études, puis prouvée par une étude scanographique comparant des patients souffrant de NCS à un groupe témoin(2).   Syndrome ou phénomène de Nutcracker : de quoi parle-t-on ?   La position rétropéritonéale des reins entraîne en décubitus dorsal et en position debout la ptose du rein gauche en arrière, avec une mise en tension de la veine rénale gauche sur le billot de l’aorte, a fortiori chez des personnes minces, voire maigres. Cela explique des images de Nutcracker pouvant être retrouvées notamment sur les scanners ou d’autres examens d’imagerie : on parle alors de phénomène de Nutcracker (NCP). Le principal défi est de différencier le NCP(1) du NCS qui est symptomatique. En d’autres termes, il faut parvenir à mettre en évidence, autant que faire se peut, un lien de cause à effet entre une image anatomique et un tableau clinique. Cela explique également l’importance des examens dynamiques lorsque l’on s’intéresse aux pathologies veineuses profondes : il n’est pas rare que des examens phlébographiques soient strictement normaux et que le drainage veineux du rein soit strictement normal, alors que les scanners retrouvaient des images de Nutcracker. Parmi 32 patients adressés pour suspicion clinique, John a rapporté 10 exclusions sur l’imagerie non invasive et 11 supplémentaires après phlébographie avec prise de pression, confirmant seulement 11 NCS(3).   Première clé : la phlébographie avec prise de pression   Clinique Une image de NCP n’est que rarement un vrai NCS ! La classification SVP(4) répartit, en quatre niveaux anatomiques différents, les symptômes et signes qui peuvent être la conséquence du NCS(1) : – rénal : douleurs du flanc et/ou de la fosse lombaire gauche, hématurie macroscopique, douleurs dorsales type « coupé en deux » par mise sous tension des plexus veineux rachidiens par la collatéralité azygolombaire ; – pelvien : syndrome de congestion pelvienne, douleur pelvienne chronique (> 6 mois) classiquement à type de pesanteur avec ou sans crises associées et à prédominance vespérale, accrue par l’activité, dysménorrhée, dyspareunie, impatience vésicale ; – extrapelvien d’origine pelvienne : varices périnéales et vulvaires chez la femme, varicocèle chez l’homme avec ou sans dégradation de la qualité du sperme ; – veines superficielles et profondes des membres inférieurs. La présence d’une sensation de plénitude gastrique rapide, avec réduction du bol alimentaire et perte de poids, doit faire évoquer l’association à un syndrome de Wilkie (compression du duodénum dans la pince aortomésentérique [PAM]).   Deuxième clé : travailler en équipe   Les symptômes sont variés, au carrefour de nombreuses spécialités. La meilleure façon d’avoir de bons résultats est de traiter les patients qui ont besoin de vous. La recherche d’autres causes aux symptômes est indispensable (recommandation IC de l’ESVS), surtout chez les patients ayant une symptomatologie pelvienne prédominante(6). Elle variera selon les cas, mais comportera en général un avis gynécologique, urologique, algologique, gastro-entérologique, voire rhumatologique. L’imagerie complémentaire s’enquerra au minimum d’une IRM pelvienne (endométriose, adénomyose, etc.), voire plus en fonction des symptômes.   Troisième clé : évaluer le retentissement de chaque symptôme (EVN, score de qualité de vie…)   Quelles explorations prévoir ? Évaluation diagnostique : – analyse d’urine avec recherche d’hématurie même microscopique et de protéinurie, un spermogramme chez l’homme avec varicocèle ; – imagerie qui doit systématiquement comprendre(1,3) : échodoppler (ED) transpariétal en décubitus et procubitus (et transvaginal si syndrome de congestion pelvienne chez la femme ou testiculaire chez l’homme en cas de varicocèle), angioscanner (figure 1) (ou angioIRM) et phlébographie pelvienne avec évaluation du gradient rénocave (figure 2), voire échographie endovasculaire par IVUS. Figure 1. Angioscanner. A. Sténose serrée de la veine rénale gauche (VRG) dans la pince aortomésentérique (PAM). B. Varices hilaires. C. Incontinence de la veine gonadique gauche (VGG) et de collatérales opacifiées au temps portal, preuve d’un reflux dans la VGG. D. Présence de varices pelviennes. E. Ptose du rein gauche. F. Angle aortomésentérique. Figure 2. Phlébographie avec prise de pression. A. Phlébographie de la veine rénale gauche : sténose serrée de la veine rénale gauche (VRG) avec incontinence de la veine gonadique gauche et circulation collatérale. B. Pression dans la veine cave inférieure : courbe fluctuant avec l’activité cardiaque avec pression à 18 mmHg. C. Prise de pression dans la VRG : courbe plate avec pression à 22 mmHg, ce qui donne un gradient réno-cave de 4 mmHg.   Que rechercher ? • Des critères morphologiques : un angle aortomésentérique < 20° (ou 45° selon certaines publications), un ratio de diamètre de la VRG > 4,9, un angle du bec > 32°, la présence de varices périrénales ou d’une collatéralité (veine gonadique gauche incontinente > 5 mm alimentant des varices pelviennes > 5 mm, branches collatérales azygolombaires > 3 mm) (figure 1) ; • des critères hémodynamiques : ratio de vitesse > 4,9 à l’ED, un gradient de pression réno-cave (mesuré avec un introducteur long ou un cathéter-guide avec guide mais sans sonde d’angiographie) 3 mmHg (ou 5 mmHg avec ballon d’occlusion dans la VGG incontinente), et un aplatissement de la courbe de pression signant une perte des modulations des flux (figure 2). Un gradient inférieur à ces valeurs n’exclut pas définitivement un NCS(1,3). • Association à un syndrome de Cockett (SC) : il devra toujours être recherché. En effet, en cas d’association NCS et SC, le traitement premier du SC par stenting permet d’améliorer les symptômes dans deux tiers des cas.   Comment traiter ? Il doit être utilisé chez tous les patients(1). Il repose sur les antalgiques mais aucun n’est spécifique et ne permet de supprimer les douleurs. Il a aussi été proposé de faire prendre du poids aux patients, afin de diminuer la traction exercée par le rein sur la VRG(1). Il ne faut pas oublier une prise en charge psychologique, qui est parfois nécessaire sur ces terrains de douleurs chroniques en errance diagnostique. Considérant la prévalence des douleurs musculosquelettiques associées et notamment lombaires, un bilan des capacités musculaires et articulaires par un spécialiste de médecine physique et de réadaptation est également indiqué pour orienter la prise en charge rééducative adjuvante.   Quatrième clé : une prise en charge multimodale   Traitement endovasculaire • Embolisation de la VGG Elle permet d’améliorer les symptômes liés aux varices développées (syndrome de congestion pelvienne chez la femme et varicocèle chez l’homme) mais attention, elle expose en cas de NCS à un risque de recanalisation/développement de collatérales de la VGG à la source de récidive symptomatique, mais surtout à l’apparition ou à l’aggravation des symptômes rénaux (figure 3). Elle supprime surtout la possibilité de réalisation d’une des options chirurgicales, la transposition de la VGG. Figure 3. Récidive après embolisation d’un varicocèle. A. Sténose de la veine rénale gauche (VRG) dans la pince aortomésentérique (PAM) avec incontinence de la veine testiculaire gauche (VTG). B. Incontinence de la VTG par développement d’une collatérale réalimentant la VTG caudale.   • Stenting Si l’angioplastie n’est pas efficace à elle seule, le stenting représente une solution peu invasive et qui semble à première vue simple pour le traitement du NCS. Comme il a été décrit dès 2005(7), ce traitement comporte un risque de migration du stent soit vers le hile du rein avec compression de l’artère mésentérique supérieure (AMS) (figure 4 A et B) soit vers la veine cave (figure 4 C), voire intracardiaque soit vers l'artère pulmonaire. La revue de la littérature rapporte un taux de migration de stent de 14,6 %. Cette complication majeure nécessite le plus souvent l’ablation du stent, parfois par voie endovasculaire, le plus souvent par abord chirurgical. Cette technique expose aussi à un risque de resténose, de fracture, etc. Figure 4. Migrations de stent. A. Migration d’un stent vers le hile rénal : l’extrémité droite appui sur l’artère mésentérique supérieur (AMS). B. Après écartement de l’AMS et section de la veine rénale gauche (VRG), on constate une perforation de la VRG dans le hile par le stent. C. Migration d’un stent dans la VRG. Il s’est bloqué au bord droit de la veine cave inférieure (VCI) mais n’a plus d’effet sur la pince aortomésentérique (PAM).   Traitement chirurgical De nombreuses techniques ont été décrites en agissant sur la VRG (transposition(3,8), pontage, stenting externe, etc.), l’AMS (transposition), la collatéralité (transposition de la VGG(9)) ou en déplaçant le rein (néphropéxie, autotransplantation), voire par néphrectomie. L’abord peut être fait par voie chirurgicale conventionnelle, par cœlioscopie(10), voire robotique(3). Il doit être associée à une embolisation per- ou postopératoire de la VGG quand celle-ci est la cause de symptômes invalidants(3). La plus fréquente complication à distance est la survenue d’une resténose mais celle-ci peut, le plus souvent, être traitée par voie endovasculaire percutanée par angioplastie ± stenting sans risque de migration.   Cinquième clé : l’endovasculaire non recommandé en première intention dans le traitement du NCS(1,7)   Chaque option chirurgicale a des avantages et des inconvénients, et doit être discutée au cas par cas.   Qui traiter ? Le NCS ne présente aucun risque évolutif sur la fonction rénale et encore moins vital. Les formes symptomatiques invalidantes représentent une indication opératoire après exclusion des autres causes de symptômes. Les formes asymptomatiques ou paucisymptomatiques ne doivent surtout pas être traitées.   Conclusion et perspectives   Le NCS est une pathologie sous-évaluée et sous-diagnostiquée, qui peut avoir un retentissement majeur sur la qualité de vie des patients étant donné ses symptômes. Il nécessite un bilan diagnostique exhaustif car il s’agit d’un diagnostic d’élimination. La découverte fortuite en imagerie d’une sténose de la VRG n’est pas, dans la majorité des cas, un NCS. De nombreux traitements interventionnels ont été décrits mais aucun n’a démontré sa supériorité par rapport aux autres, chacun ayant des complications spécifiques. Un stent dédié supprimant le risque de migration pourrait représenter une solution. La SCVE a mis en place une RCP nationale dédiée aux pathologies veineuses pelviennes chroniques et au NCS… Rejoignez-nous ! Pour en savoir plus : vasculaire.com

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