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Cardiologie interventionnelle

Publié le 15 sep 2017Lecture 12 min

L’angioplastie coronaire : des origines au stent biorésorbable

Philippe GASPARD, Lyon

APPAC

Le 16 septembre 1977, Andreas Grüntzig réalisait la première angioplastie coronaire transluminale percutanée chez l’homme. Il ne s’agissait pas d’un accident ou d’un incident imprévu, mais d’un événement survenant après un travail intensif de sept années. Le patient âgé de 38 ans (le même âge qu’Andreas) souffrait d’un angor instable avec épreuve d’effort positive en relation avec une sténose de l’interventriculaire antérieure (IVA) proximale. Refusant la chirurgie, ce patient est confié à Andreas par Bernhard Meier. D’emblée, le patient est séduit par cette nouvelle méthode de dilatation au ballon des artères coronaires, sachant que celle-ci n’avait encore jamais été réalisée chez l’homme.

Le patient est au courant qu’en cas de complication une chirurgie en urgence sera effectuée. Au milieu de l’hostilité générale du milieu médical de l’époque à l’hôpital cantonal de Zurich, Andreas avait un allié en la personne d’Ake Senning, patron du service de chirurgie cardio-thoracique qui lui avait promis d’être en stand-by. « Dr Grüntzig, pourquoi vous inquiéter ? S’il y a un problème, j’opérerai votre patient ! »   Un peu d’histoire   Comment cette idée a priori absurde de « dilater une artère coronaire avec un ballon » a-t-elle pu devenir une réalité ? Le charisme et la force de caractère d’Andreas ont été déterminants, et quand quelqu’un disait à Andreas « N’y va pas ! » l’homme qui avait dédié sa vie au traitement des maladies vasculaires répondait : « Essaye donc de m’arrêter ! » Si sa méthode était traitée d’inefficace ou de dangereuse — son chef de service de l’époque faisant courir le bruit qu’il allait tuer des malades —, Andreas avait un certain nombre d’alliés dans sa garde rapprochée. Avec le ballon, l’angioplastie coronaire a été initialement une thérapeutique expérimentale, non validée et qui comportait deux écueils : l’occlusion aiguë nécessitant un stand-by chirurgical et la resténose. Avec le stent, l’angioplastie est maintenant une procédure simple avec un risque minime. Mais il a fallu résoudre un certain nombre d’imprévus pour pouvoir utiliser en toute sécurité les nouveaux outils qui ont été mis à notre disposition. Andreas Grüntzig a bénéficié de l’apport de ses prédécesseurs, Werner Forssmann qui a réalisé en 1929 le premier cathétérisme veineux sur lui-même et Mason Sones qui a opacifié pour la première fois une artère coronaire en 1958. Pour ce dernier, « Ouvrir une porte, c’est trouver d’autres portes qui ne demandent qu’à être ouvertes ! » et Charles Dotter ouvre la porte des interventions vasculaires percutanées en 1964. Les débuts aux États-Unis ont été difficiles. Charles Dotter était appelé « Crazy Charlie » et quand on lui confiait un patient pour une artériographie, on lui précisait « Surtout ne dilate pas ! ». Le mérite d’Eberhard Zeitler a été d’introduire en Europe la méthode de Dotter et de la développer, ce qui permettra à Andreas d’inventer son ballon de dilatation. La « table de cuisine » des Grüntzig était utilisée pour produire et tester des prototypes permettant d’améliorer la technique de Dotter. Il fallait fabriquer quelque chose de malléable mais suffisamment solide pour ne pas se déformer en rencontrant une résistance. Andreas travaillait la nuit et était aidé par son épouse Michaela, mais surtout Maria Schlumpf, son assistante et également son mari Walter qui était ingénieur. Maria était totalement investie dans le projet et la vision d’Andreas et a grandement permis à Andreas de réaliser son rêve. L’assistance providentielle viendra de Heinrich Hopf qui enseignera à Andreas le maniement du PVC, polymère à mémoire de forme après traitement thermique, lui permettant de réaliser un ballon flexible, de petite taille, non élastique. Grâce à Wilhelm Rutishauser, Andreas a l’opportunité d’obtenir un poste en cardiologie, ce qui lui permettra d’apprendre la coronarographie selon la technique de Judkins. Wilhelm Rutishauser estimait qu’une technique qui donnait de résultats sur les jambes pourrait très bien être efficace pour les artères coronaires. Malheureusement, Wilhelm Rutishauser rejoindra l’hôpital cantonal de Genève en août 1976 et son successeur Hans Peter Krayenbühl, qui ne croyait qu’à la clinique, était fondamentalement opposé au projet d’Andreas Grüntzig. Après avoir utilisé ses ballons à simple lumière, puis à double lumière sur des artères périphériques, Andreas les testera de façon expérimentale chez le chien avec l’aide de son chirurgien Marko Turina. Il présentera ses résultats à l’American Heart à Miami en novembre 1976 sous l’indifférence générale, personne ne croyant à l’avenir de sa méthode. Afin de vérifier l’efficacité et la sécurité de son ballon, il va l’utiliser au cours de dilatations per-opératoires avec Richard Myler et son chirugien Elias Hanna à San Francisco. Il restait maintenant à trouver le premier patient, ce qui prendra 6 mois. Lors de la première dilatation le 16 septembre 1977, Andreas avait prévu de perfuser la coronaire distale pendant l’inflation de son ballon à double lumière au moyen d’une pompe rotative, craignant une ischémie sévère comme cela avait été constaté avec les études animales. À sa grande surprise, l’occlusion de l’artère par le ballon n’entraîna pas d’ischémie myocardique. Andreas décida donc de ne pas mettre en route la pompe rotative pour perfuser l’aval de l’artère lors de l’inflation du ballon, faisant ainsi de l’angioplastie un geste thérapeutique simple. Andreas présenta ses 4 premières dilatations coronaires chez l’homme à l’American Heart en novembre 1977 sous les applaudissements de l’auditoire et l’émerveillement de Mason Sones. Andreas organisa des démonstrations en direct afin d’enseigner sa technique au plus grand nombre. Le premier cours a lieu en août 1978. Le potentiel de cette nouvelle méthode apparaissait en pleine lumière. À partir d’une image angiographique, il devenait possible d’envisager une technique révolutionnaire simple qui pourrait permettre à un certain nombre de patients d’éviter une chirurgie de pontage coronaire. Andreas publie le résultat de ses 50 premiers patients dans le New England Journal of Medicine en juillet 1979. Si les échecs — liés au matériel rudimentaire disponible à l’époque — et les complications, nécessitant une chirurgie en urgence chez des patients relevant initialement d’une chirurgie coronaire, vont finalement devenir moins fréquents avec l’amélioration du matériel, le taux de récidive ne diminuera vraiment qu’avec l’avènement du stent. Lors du 3e cours à Zurich en janvier 1980, Andreas confie à Spencer King ses difficultés pour développer l’angioplastie coronaire. Il n’avait accès à la salle de cathétérisme que deux jours par semaine, n’avait pas d’opportunité de devenir professeur, ne disposait pas de secrétaire et était logé dans un bureau au sous-sol sans fenêtre. Spencer persuade Andreas de prendre contact avec Emory à Atlanta. Et finalement, Andreas obtiendra tout ce dont il rêvait, alors qu’il avait été rejeté et traité comme un paria auparavant. De nouveaux compétiteurs arrivent. Andreas Grüntzig voulait montrer que la dilatation des artères coronaires était faisable. Ce faisant, sa prudence limitait l’accès de cette procédure à seulement 10 % des coronariens. John Simpson avait été fasciné par Andreas lors d’une conférence en 1977, estimant que sa méthode le jetterait en prison ou lui permettrait d’obtenir le prix Nobel. Il développe son système dirigeable de guide mobile, permettant de faire passer le taux de succès primaire de 60 à 90 %. Geoffrey Hartzler élargit les indications de l’angioplastie coronaire. Il réalisera en août 1980 la première angioplastie à la phase aiguë d’un infarctus du myocarde. Il estimait que si cette nouvelle procédure était efficace pour une artère, il n’y avait pas de raison qu’elle ne soit pas également efficace sur 2 ou 3 artères au cours de la même séance. Un certain nombre de patients lui étaient référés par des chirurgiens qui refusaient de les opérer. Andreas et Geoff avaient des opinions différentes. Mais finalement Andreas reconnaîtra en juillet 1985 que l’intuition de Geoff allait dans la bonne direction. Il fallait simplement que l’amélioration du matériel puisse permettre d’aborder l’angioplastie coronaire complexe dans de bonnes conditions. L’invention du système monorail par Tassilo Bonzel en 1986 a également permis de simplifier la manipulation du matériel de dilatation. L’année 1985 sera tragique pour les 4 pionniers de la cardiologie interventionnelle. Après la disparition de Melvin Judkins, de Charles Dotter et de Mason Sones, Andreas Grüntzig disparaît en octobre avec sa 2e femme Margaret Ann dans le crash de son avion particulier. Une époque se termine, une autre s’ouvre avec un dispositif révolutionnaire, le stent. Si le stent rend l’angioplastie plus sûre à court terme, permettant d’éviter la dissection occlusive, le risque imprévu de thrombose subaiguë a conduit à proposer initialement une anticoagulation drastique qui a posé quelques problèmes au niveau de la voie d’abord artérielle. Les ultrasons ont permis de réaliser une implantation optimale des stents permettant de réaliser un stenting sans anticaogulation, avant que le problème soit définitivement résolu par la double antiagrégation plaquettaire. À long terme, le stent réduit le taux de resténose, mais induit un risque non prévu de resténose intra-stent. Les traitements mécaniques et la brachythérapie ont été utilisés, avant que le stent actif apporte une solution simple et plus élégante. Le premier essai d’intubation permanente d’un vaisseau a été effectué par Alexis Carrel il y a un peu plus d’un siècle. Charles Dotter, il y a 50 ans, a implanté avec succès des ressorts métalliques nus dans des artères poplitées de chien. La première endoprothèse métallique expansible avec un ballon a été conçue par Julio Palmaz, et la première endoprothèse implantée chez l’homme est le stent auto-expansif conçu par Hans Wallsten. Jacques Puel a implanté à Toulouse le premier stent au monde en mars 1986, pour traiter une resténose. Ulrich Sigwart a implanté à Lausanne le premier stent au monde pour traiter une dissection occlusive en cours d’angioplastie, et, pour la première fois dans l’histoire, un patient a pu éviter une chirurgie en urgence. Gary Roubin a implanté le premier stent expansible avec un ballon en septembre 1987 pour traiter une complication d’angioplastie et Julio Palmaz a implanté son stent expansible avec un ballon pour traiter une occlusion après un infarctus à Sao Paulo avec Eduardo Sousa et Richard Schatz. Si le taux initial de thrombose de stent précoce avec l’endoprothèse métallique était initialement très élevé (24 % en 1991), la diminution de celui-ci, observé sur la première décade de l’histoire des stents (1,5 % en 1999), est liée à l’optimisation de l’implantation du stent (préconisée par Antonio Colombo à Milan) et l’utilisation de la ticlopidine (proposée pour la première fois par Paul Barragan à Marseille en angioplastie coronaire) associée à l’aspirine. Edgar Benveniste, biologiste à Lyon, a été le premier à proposer de prévenir la thrombose intra-stent précoce en associant l’aspirine et la ticlopidine afin d’obtenir un effet synergique : l’aspirine agissant sur les plaquettes nouvellement nées en inhibant de façon irréversible leur synthèse de thromboxane A2, et la ticlopidine bloquant les sites des récepteurs pour l’ADP impliqués dans l’adhésion et l’agrégation. Le concept d’une double antiagrégation plaquettaire (DAPT) a été validé dans l’étude française pilotée par Marie-Claude Morice — incluant 2 900 patients recrutés entre 1992 et 1995 — qui a établi pour la première fois l’efficacité de la DAPT dans la prévention de la thrombose de stent. Figure. Le premier ballon de dilatation coronaire utilisé par Andreas Grüntzig : DG 20-30 GRÜNTZIG DILACA CATHETER produit par Schneider Medintag, Zurich, Suisse. Deux études randomisées ont validé le concept de stenting coronaire avec le stent de Palmaz- Schatz. Le taux de resténose à 6 mois a été réduit d’un tiers dans l’étude BENESTENT conduite par Patrick Serruys, et d’un quart dans l’étude américaine STRESS pilotée par David Fischman. Cette réduction, bien que minime, était essentielle et a enfin permis l’approbation par la FDA du stent de Julio Palmaz après 12 ans de combat juridique. Le stent de Julio Palmaz fait partie des 14 inventions américaines et se trouve au musée national de l’Histoire Américaine à Washington. L’arrivée du stent actif en 1999 nous a laissé entrevoir la fin de la resténose. Afin d’inhiber la prolifération des cellules musculaires lisses in situ, on a conçu une plateforme pharmacologique de type antimitotique, utilisant au départ le sirolimus et le paclitaxel. Cette technologie révolutionnaire est issue de programmes de recherche, fruit d’un travail synergique de nombreux chercheurs indépendants et appartenant à des compagnies industrielles. Dans l’étude RAVEL, Marie- Claude Morice nous a « bluffés » : à 6 mois, le taux de resténose est passé de 26 % avec une endoprothèse métallique à 0 % avec le stent actif Cypher. Parallèlement, le taux d’événements cardiaques majeurs a été réduit de 80 %. De nouvelles générations de stent actif sont apparues, avec l’utilisation d’autres limus et le remplacement de l’acier inoxydable par des matériaux plus performants. La 2e génération a porté sur la réduction de la taille de la plateforme et du polymère durable de la 1re génération. La 3e génération a remplacé le polymère durable par un polymère biodégradable, dans l’espoir de réduire les thromboses tardives. La 4e génération ne comporte pas de polymère, différentes technologies permettant à la drogue d’être fixée sur la plateforme. La 5e génération utilise un nouveau revêtement pour améliorer l’endothélialisation dans l’espoir de permettre une DAPT courte. On parle de stents bioactifs. Pour la seconde décade de l’histoire des stents — concernant les stents actifs — le taux de thrombose de stent a été divisé par 10 grâce aux nouvelles générations de stent actif et aux nouveaux antiagrégants plaquettaires. Le dernier chapitre de l’histoire de l’angioplastie coronaire concerne le stent biorésorbable. C’est une idée séduisante qui remonte à la fin des années 1980. Quand nous avions conçu un stent temporaire pour traiter de façon non chirurgicale les complications de l’angioplastie coronaire au ballon, nous avions démontré qu’un « étayage » de 30 min était suffisant pour « recoller » une dissection. Pour éviter la resténose, on peut estimer que 6 mois d’« étayage » doivent être suffisants. Andreas Grüntzig nous avait appris que la resténose survenait 2 à 3 mois après une dilatation au ballon, et au plus tard au bout de 6 mois. Un stenting temporaire aurait donc l’avantage d’éliminer le risque de thrombose très tardive, de permettre une DAPT plus courte et, en principe, de réduire la nécessité d’une revascularisation itérative. Mais le stent biorésorbable doit être aussi sûr et efficace que les meilleurs stents actifs actuels. Le stent Igaki Tamai a été le premier stent biorésorbable implanté dans une artère coronaire en 1998, mais son taux de revascularisation itérative à 5 ans est 3 fois plus élevé que les stents actifs de 1re génération. Logiquement, l’objectif a été le développement d’un stent biorésorbable actif. Le premier Absorb BVS (stent biorésorbable à libération d’évérolimus) a été implanté en 2006 par John Ormiston. À 5 ans, les résultats de la cohorte A de l’étude ABSORB étaient prometteurs avec un taux d’événements cardiaques majeurs de 3,4 % et l’absence de thrombose de stent. L’étude randomisée ABSORB II comparant l’Absorb BVS au Xience — utilisant tous les deux de l’évérolimus — n’a pas été à la hauteur des espérances. Il a été observé une augmentation significative des infarctus du myocarde, des revascularisations itératives et des thromboses avec l’Absorb BVS. Si le taux d’infarctus du myocarde périprocéduraux peut probablement être réduit avec le protocole d’implantation PSP (Préparation de la lésion, Calibrage soigneux de la lésion, Post-dilatation du stent), on espère que le taux d’infarctus du myocarde spontanés sera réduit avec les nouvelles générations de stents biorésorbables. Le plus préoccupant est l’existence de thrombose tardive, sans doute liée à la désintégration du sent intraluminal, et nécessitant une DAPT beaucoup plus longue, ce qui n’était pas l’objectif initial retenu pour ce nouveau dispositif. Les recherches actuelles s’orientent vers de nouveaux matériaux, et une réduction de la taille du dispositif implantable. Les études initiales sont favorables à court terme avec des taux d’événements cardiaques majeurs < 3 % à 6 mois et une couverture des mailles supérieure à 98 %. Mais, là encore, on attend les résultats à plus long terme. Que dire du long terme ? En avril 1978, Andreas Grüntzig dilatait au ballon une IVA proximale à Zurich. Il s’agissait de son 8e patient, le 1er Américain. Ce patient a été bien pendant 24 ans. Il a alors présenté un infarctus inférieur pour lequel il a bénéficié de 2 stents. Étonnamment le contrôle de son IVA a montré l’absence de resténose avec un recul de 24 ans. Andreas Grüntzig n’était pas naïf et avait conscience de l’apport révolutionnaire qu’il suscitait. Il comprenait les réticences du milieu médical de l’époque. Voilà comment il se situait vis-à-vis des critiques de ses détracteurs : « Je n’ai jamais pris leurs critiques comme un attaque personnelle. Si j’avais été dans leur position, j’aurais eu la même réaction. L’idée était folle. La différence entre eux et moi venait du fait que je dilatais des artères périphériques depuis des années. Je n’aurais jamais essayé de dilater des artères coronaires si je n’avais pas eu toute cette expérience avant. Je n’en aurai pas eu le courage ». Et chaque fois que je dilate une artère coronaire, j’ai l’impression de revivre le rêve d’Andreas… Bibliographie complète dans l’ouvrage suivant : • Philippe Gaspard & Holly Whitin. The History of Coronary Angioplasty. PCR, Europa Digital & Publishing 2017. 

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