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Insuffisance cardiaque

Publié le 15 avr 2023Lecture 6 min

Diagnostic et traitement de l'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée

Un entretien avec A. COHEN-SOLAL ; Propos recueillis par É. PUYMIRAT

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Comment faire le diagnostic d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée ?   La démarche diagnostique de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée a été standardisée par la Société européenne de cardiologie en 2016 et 2021. Le diagnostic est fondé sur la présence de trois éléments : – premièrement : des symptômes et/ou des signes d’insuffisance cardiaque ; – deuxièmement : une fraction déjection ventriculaire gauche supérieure ou égale à 50 % ; – troisièmement : des anomalies structurelles et/ou fonctionnelles à l’échocardiographie compatibles avec une dysfonction diastolique et/ou une augmentation des pressions de remplissage, en incluant une augmentation des peptides natriurétiques. Les symptômes peuvent être parfois difficiles à rattacher à de l’insuffisance cardiaque chez des patients âgés, obèses ou avec beaucoup de comorbidités. La détermination de la FEVG pose peu de problèmes. Les anomalies structurales ou fonctionnelles cardiaques de dysfonction diastolique à l’échographie sont bien connues mais l’ESC a rajouté récemment d’autres témoins de congestion, en particulier les peptides natriurétiques augmentés. Reste que des pathologies comme l’obésité peuvent baisser les peptides natriurétiques, et l’insuffisance rénale en soi peut les augmenter… Les anomalies de la fonction diastolique sont quasi constantes avec le vieillissement. Le diagnostic peut donc rester parfois difficile. C’est pourquoi des algorithmes diagnostiques ont été proposés à la fois par les Américains et par la Société européenne de cardiologie. La Société européenne de cardiologie a proposé l’algorithme HFA-PEFF où la démarche diagnostique comporte outre les éléments précédents, des tests d’effort et parfois ce qu’on appelle un « diastolic stress », c’est-à-dire une échocardiographie, voire une exploration hémodynamique d’effort. De leur côté, les Nord-Américains ont proposé le score H2FPEF combinant l’existence d’un surpoids, d’une hypertension artérielle, d’une fibrillation atriale, d’une hypertension pulmonaire, de l’âge et l’augmentation des pressions de remplissage. Chacun de ces paramètres se voit attribuer un 1, 2 ou 3 points et un score élevé témoigne d’une forte probabilité d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée.   Combien de patients sont concernés en France ?   Les chiffres sont difficiles à donner avec précision, dépendant des sources. On considère généralement en France qu’environ 2 millions de patients sont atteints d’insuffisance cardiaque (chiffres sur le site Santé publique France), dont environ 50 % ont une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée. La proportion de patients atteints de cette forme d’insuffisance cardiaque augmente avec l’âge et après 60 ans elle est plus fréquente que l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite. Elle concerne plus souvent les femmes que les hommes, les diabétiques, les sujets en surcharge pondérale et les patients avec insuffisance rénale.   Quelles étaient les traitements efficaces dans cette affection avant les inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2) ?   Il y a quelques années, aucune étude n’avait démontré d’effet significatif d’une classe thérapeutique sur la mortalité des insuffisances cardiaques à FEVG préservée ou sur le critère combiné classique mortalité cardiovasculaire ou première hospitalisation pour insuffisance cardiaque. D’autres types d’analyse ont trouvé toutefois une tendance bénéfique aux divers inhibiteurs du SRA. En ce qui concerne les antagonistes de l’aldostérone, l’étude TOPCAT du NHI n’avait pas montré d’effet bénéfique de la spironolactone sur les critères primaires mais un effet bénéfique sur les hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Un bénéfice a été également retrouvé sur le critère primaire sur une population mondiale à l’exclusion de la Russie. Les bêtabloquants n’ont jamais démontré leur efficacité ; en effet, il ne faut pas confondre l’insuffisance cardiaque à FEVG préservée et la dysfonction diastolique des cardiopathies hypertrophiques pour laquelle les bêtabloquants restent un traitement de référence sur les symptômes, la qualité de vie, et la tolérance à l’effort. L’inhibiteur du SRA de dernière génération (sacubitril/valsartan, une inhibiteur des récepteurs à l’angiotensine 2 et de la néprilysine) n’a pas démontré d’effet significatif en cas de FEVG > 50 % ; un effet bénéfique est toutefois retrouvé chez les femmes et lorsque la FEVG est < 56 %. Les diurétiques de l’anse ont quant à eux, démontré une efficacité sur les symptômes et la qualité de vie, mais n’ont jamais été évalués sur le pronostic. Ce n’est que ces dernières années que les iSGLT2 (dapagliflozine, empagliflozine) ont montré un effet bénéfique sur le pronostic de ces patients (critères combinés : mortalité cardiovasculaire ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque). DELIVER est une large étude internationale ayant inclus plus de 6 000 patients avec insuffisance cardiaque, fraction d’éjection supérieure à 40 %, taux augmenté de NT-proBNP, avec un DFG ≥ 25 mL/min. Les patients ont reçu 10 mg par jour de dapagliflozine ou un placebo. On a observé un effet très significatif sur le critère principal, décès cardiovasculaire ou aggravation de l’insuffisance cardiaque) avec une réduction de 18 % (p = 0,0008) du critère primaire et des courbes de survie de Kaplan-Meier qui se séparent très précocement, avant le premier mois. Les hospitalisations pour insuffisance cardiaque sont réduites de 21 % et la mortalité de 12 % (p = 0,17). Il est important de noter que cet effet bénéfique est observé dans tous les sous-groupes quel que soit l’âge, quelle que soit la FEVG, que le patient soit en ambulatoire ou non, et qu’il soit diabétique ou non. Cette amélioration du pronostic s’accompagne également d’une amélioration de la qualité de vie. Par rapport au placebo, il n’y a pas eu plus d’effets secondaires. Les iSGLT2 font ainsi maintenant partie du traitement de base des insuffisances cardiaques quelle que soit la FEVG.   Chez quel patient proposer des gliflozines et quand et comment les introduire en pratique ?   En cardiologie, les gliflozines avaient ces dernières années une indication dans l’insuffisance cardiaque à FEVG réduite et les deux molécules l’ont maintenant dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée. Le bénéfice est variable selon la FEVG, plus marqué lorsque la FEVG est basse. En 2023, on peut dire que toutes les formes d’insuffisance cardiaque bénéficient d’un traitement par gliflozine. Chez un patient ambulatoire, la gliflozine peut être introduite sans précaution particulière, c’est-à-dire qu’il faut y penser chez des patients qui restent symptomatiques en classe II, III ou IV de la NYHA avec un taux de peptide natriurétique encore au-dessus de la normale, et tant que le DFG est > 25 mL/min. Pour l’insuffisance cardiaque décompensée, les iSGLT2 peuvent et doivent être introduits au cours de l’hospitalisation avant la sortie du patient. Il n’est pas clairement défini si ces médicaments doivent être introduits avant ou après les médicaments classiques de l’insuffisance cardiaque décompensée. Ce que l’on sait, c’est que leur très bonne tolérance autorise leur utilisation très précoce. La baisse de pression artérielle est très modérée, une baisse modérée d’environ 20 à 30 % du DFG initial est fréquente mais qui ne s’accompagne pas d’hyperkaliémie et qui tend à disparaître avec le temps. Les quelques complications sont les infections urinaires et génitales. Il n’y a pas besoin d’arrêter un IEC ou un diurétique avant l’introduction d’une gliflozine qui se fait à posologie fixe, 10 mg, sans titration. Il est de bon ton de contrôler quelques jours après la fonction rénale et la glycémie, notamment si le patient est aussi sous sulfamide ou insuline. Cette classe thérapeutique est contre-indiquée en cas de diabète de type 1.

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