Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 14 avr 2009Lecture 6 min
Ablation des tachycardies ventriculaires
G. DUTHOIT, F. HIDDEN-LUCET Unité de Rythmologie, Institut de Cardiologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière
Quoique peu fréquente, l’ablation des tachycardies ventriculaires (TV) reste incontournable chez bon nombre de patients, et même surtout en présence d’un défibrillateur automatique implantable (DAI). En effet, le DAI ne peut qu’interrompre des TV/FV et non prévenir leur survenue. Avant l’ablation, il est important de disposer d’un ECG de référence en TV spontanée (12 dérivations synchrones) afin de pouvoir cibler la TV dite « clinique ».
Que rechercher avant une ablation de TV ?
Une cause réversible : dyskaliémie, ischémie, hyperthyroïdie... Les TV monomorphes sur cardiopathie ischémique sont principalement liées à une macro-réentrée autour d’une plage de nécrose myocardique sans évolutivité coronaire.
Habituellement, la troponine s’élève discrètement au décours d’une TV ou d’une cardioversion.
Une cardiopathie : ETT bien sûr, ECG-HA, IRM cardiaque, angioscintigraphie, voire angiographie de contraste si suspicion de DVDA (TV retard gauche).
Une contre-indication à l’ablation (thrombus intraVG) ou à l’abord artériel rétrograde pour les TV gauches (rétrécissement aortique serré, valve mécanique aortique).
La procédure requiert une surveillance de la pression artérielle sanglante et la proximité d’un défibrillateur externe.
Ablation des TV « idiopathiques »
Ces TV du sujet jeune (15-50 ans) sont bien tolérées. L’indication thérapeutique repose uniquement sur la symptomatologie. Le DAI n’a aucune place dans ce type de pathologie. La faible efficacité des traitements anti-arythmiques (25-50 %) laisse une place de choix à l’ablation dont le taux de succès avoisine les 90 %.
TV sensibles à l’adénosine (de Gallavardin)
Elles sont volontiers incessantes, en salves, souvent irrégulières, infundibulaires droites (retard gauche, axe inférieur, figure 1). Il existe une répartition homogène selon le sexe. Elles sont liées à un phénomène d’activité déclenchée médiée par l’AMP cyclique, expliquant l’efficacité de la Striadyne® et leur déclenchement sous isoprénaline ou après stimulation ventriculaire rapide.
Il faut éviter la sédation du patient lors de l’ablation car ces TV sont particulièrement sensibles à l’anesthésie, qui supprime alors la cible de l’ablation.
Figure 1. TV infundibulaires droites en salves (dites de Gallavardin).
TV sensibles au vérapamil (de Belhassen) ou fasciculaires
Ces TV de morphologie très particulière (QRS relativement fins, retard droit, axe gauche, figure 2) sont réductibles par une perfusion de vérapamil IV (Belhassen) et plus fréquentes chez l’homme. La dissociation auriculo-ventriculaire est en règle présente, mais une conduction rétrograde 1/1 est possible rendant le diagnostic différentiel difficile avec une tachycardie supraventriculaire avec bloc bifasciculaire. Ces TV peuvent être déclenchées par stimulation ventriculaire ou atriale. Il s’agit d’une macro-réentrée empruntant une voie lente septale, cible de l’ablation par RF, et une voie rapide rétrograde par le réseau de Purkinje-His (hémibranche postérieure gauche).
Figure 2. TV fasciculaire. Noter l'aspect de retard droit - axe gauche et l'absence de dissociation auriculo-ventriculaire (conduction rétrograde 1/1 visible en V2) pouvant faire évoquer à tort une tachycardie supra-ventriculaire avec bloc de branche.
Ablation des TV sur cardiopathie
C’est un traitement complémentaire du DAI en cas de dysfonction ventriculaire gauche (FEVG ≤ 40 %) ou de mauvaise tolérance hémodynamique des TV.
Séquelles d’infarctus
Il s’agit de la majorité des indications d’ablation de TV. D’abord chirurgicale par voie épicardique (Fontaine, Frank et Guiraudon), l’ablation des TV ischémiques est devenue possible par voie endocavitaire dans les années 1980 par fulguration (Hartzler), puis par RF depuis le début des années 1990. L’ECG permet assez fidèlement de préciser la localisation du site d’émergence de la TV (Josephson). Il s’agit d’une macro-réentrée le plus souvent sous-endocardique, empruntant une zone de conduction lente (zone nécrotique, zone bordante) et une zone de conduction rapide contournant le tissu pathologique.
L’identification de la zone à conduction lente et sa destruction vont être les objectifs principaux de l’ablation.
Dans l’idéal, cette recherche sera faite après avoir induit la TV clinique (recherche de potentiels précoces diastoliques, technique d’entraînement ventriculaire avec fusion cachée). En l’absence de TV clinique déclenchable, ou en présence de TV multiples ou mal tolérées hémodynamiquement, il est possible de cibler le point d’émergence de la TV par topostimulation (reproduisant la morphologie des QRS en TV sur les 12 dérivations de l’ECG). Néanmoins, le « gold standard » reste l’ablation en TV avec une TV arrêtée par les tirs de RF et non réinductible en fin d’intervention.
Grâce au développement récent de systèmes de reconstruction électro-anatomique 3-D (Carto®, NavX®), il est possible de réaliser des cartes de voltage en rythme sinusal (permettant de repérer les zones pathologiques), ou des cartes d’activation en TV. Certains auteurs (Reddy et coll, SMASH-VT study, N Engl J Med 2007) ont montré prospectivement qu’une ablation prophylactique du substrat arythmogène en rythme sinusal réduit de manière significative à 22 mois le nombre de thérapies appropriées délivrées par le DAI (12 vs 33 % sans ablation), sans néanmoins diminuer significativement la mortalité totale (9 vs 17 %, p = 0,29). Le taux de succès primaire de l’intervention varie selon les séries de 72 à 90 %, mais avec un taux de récidive proche du tiers.
Cardiomyopathie dilatée
L’ablation des TV s’inspire dans ce cas largement de l’expérience acquise avec les TV du postinfarctus et les macro-réentrées. Néanmoins, un certain nombre de TV sont en rapport avec des activités focales ou une hyperautomaticité.
Les TV dites de « branche à branche » surviennent sur des cardiopathies très évoluées avec des troubles de conduction majeurs infra-hisiens. L’ablation cible la branche droite du faisceau de His (geste associé à une stimulation cardiaque par pacemaker ou DAI).
DVDA
Il s’agit d’un excellent modèle de macro-réentrée, avec néanmoins des circuits multiples de TV, rendant les procédures longues (4-6 h) et souvent répétées (figure 3). En effet, dans notre expérience, près de 90 % des patients sont indemnes de récidive de TV à 5,8 ans de suivi (n = 50) après 1 à 3 séances d’ablation.
Figure 3. Cartographie 3D NavX® (St Jude Medical™) en voltage chez un patient atteint de DVDA admis pour ablation de TV. Noter l’étendue des plages microvoltées correspondant aux zones dysplasiques, notamment en zone sous-tricuspide, siège de bulgings diastoliques où les tirs de RF ont été délivrés (tâches marron, tir gagnant cerclé de rouge). Image de gauche : OAD. Image de droite : vue postéro-inférieure. Les zones pathologiques vont du rouge au bleu (de 0,1 à 2 mV), les zones saines sont violettes (> 2 mV).
TV cicatricielles (cardiopathies congénitales opérées)
Elles concernent tous les patients ayant subi une ventriculotomie, dont le principal pourvoyeur est la tétralogie de Fallot (figure 4). Il peut également s’agir d’une fermeture de CIV, d’une cure de sténose pulmonaire ou d’une myomectomie septale. Les résultats de l’ablation sont souvent bons avec dans notre expérience un taux de succès de 87 % à 8,4 ans (suivi moyen), au prix d’ablations longues et parfois répétées.
Figure 4. Cartographie d’activation en TV chez une patiente ayant une tétralogie de Fallot opérée, admise pour ablation de TV et de flutter atrial. L’ensemble du cycle de la TV (ms) est retrouvé dans le ventricule droit (échelle du rose pâle au bleu), empruntant un circuit antihoraire et une zone de conduction lente entre le patch infundibulaire (zone grisée) et l’anneau tricuspide (Tric), sous la valve pulmonaire.
Complications potentielles
Elles dépendent de l’abord vasculaire (hématome, fistule artério-veineuse, pneumothorax, épanchement péricardique si ponction trans-septale, risque thrombo-embolique), de la cavité abordée et du terrain (accident vasculaire cérébral dans le VG, dissociation électromécanique si dysfonction VG, OAP par irrigation de sérum salé en cas d’ablation par cathéter irrigué) et enfin du type d’anesthésie. Elles représentent 2,7 à 5 % des ablations.
En pratique
Devant toute TV bien tolérée, la réalisation d’un ECG 12 dérivations est primordiale, permettant de cibler la TV clinique lors de l’ablation.
Dans les TV sur cœur sain (« idiopathiques »), l’ablation est curative, sans rôle pronostique, avec un taux de succès élevé et de faibles complications.
Dans les TV sur cardiopathie, l’ablation est un traitement symptomatique, s’intégrant dans une prise en charge globale de la cardiopathie (DAI, discussion de transplantation cardiaque préalable).
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