Consensus
Publié le 18 déc 2024Lecture 6 min
Consensus EHRA-HRS 2024 sur la radio-ablation des TV
Étienne PRUVOT, Cheryl TERES CASTILLO, Lausanne (Suisse)
Le consensus clinique publié par l’EHRA et l’HRS a pour objectif de fournir des conseils sur la sélection des patients et les modalités de traitement(1). La radioablation stéréotaxique des arythmies cardiaques (STAR) est une modalité novatrice, non invasive et prometteuse pour le traitement des tachyarythmies ventriculaires (TAV). Elle a été appliquée chez des patients hautement sélectionnés après échec d’ablation et de traitements antiarythmiques. Malgré une utilisation croissante, les connaissances sur la réponse aiguë et à long terme du myocarde sain et pathologique restent limitées. De plus, les informations méthodologiques fournies sont souvent restreintes, et la sélection des patients, la définition du volume cible et les techniques de planification et d’exécution du traitement varient d’une étude à l’autre. Les préoccupations en matière de sécurité sont également abordées. Les zones d’incertitude sont répertoriées, requérant des preuves précliniques et cliniques avant que cette technique ne soit diffusée à plus large échelle.
Introduction
La STAR, également appelée SABR (radiothérapie stéréotaxique ablative corporelle), est un nouveau traitement non invasif des TAV qui a été appliqué à des cas isolés ou à de petites séries de patients hautement sélectionnés avec divers substrats sous-jacents. Bien que les premières séries se soient avérées prometteuses, la toxicité aiguë et à long terme doit être encore évaluée avec soin. On note également une forte hétérogénéité méthodologique, limitant la comparaison des données(2). De plus, la STAR nécessite une collaboration étroite entre électrophysiologistes, spécialistes de l’imagerie cardiaque et radio-oncologues. Ce consensus clinique vise à fournir des conseils en matière de sélection des patients et de détermination du volume cible, mais n’est pas destiné à servir de guide pratique.
Radiothérapie stéréotaxique cardiaque : données tissulaires et expérimentales
La SBRT est une thérapie bien établie pour traiter les tumeurs solides et certaines cibles non malignes à l’aide de radiations ionisantes ciblées, avec comme objectif d’atteindre une mort cellulaire programmée. La SBRT à haute dose (STAR) a récemment été appliquée aux patients souffrant de TAV réfractaires(3). L’effet antiarythmique était supposé secondaire à un mécanisme apoptotique conduisant à la fibrose, contredit par de récentes observations précliniques et cliniques. Les études expérimentales ont été réalisées sur des cœurs sains ou après un infarctus myocardique(4). La temporalité des effets de la STAR est rapportée ci-dessous.
• Effets aigus
Cha et coll. ont récemment montré la survenue d’altérations complexes tissulaires chez le rat sous forme d’un œdème intracellulaire et intercellulaire, une atteinte mitochondriale et une disruption des disques intercalaires entre autres(5), le tout impliqué dans l’effet antiarythmique immédiat rapporté dans quelques cas cliniques.
• Effets précoces (2-6 semaines)
L’effet reste complexe et partiellement connu. Relevons une surexpression des connexines 43 (Cx43) en bordure de l’infarctus et dans le myocarde distant 2 semaines après irradiation(6), ce qui se traduisait par une réduction de la susceptibilité aux TAV parallèlement à une augmentation des vitesses de conduction du tissu normal et en bordure de l’infarctus.
• Effets retardés (3-9 mois)
De manière générale, l’apoptose et la nécrose suivies de fibrose sont susceptibles d’expliquer les effets retardés de la STAR. Au cours du premier mois, aucune nécrose myocardique ou apoptose n’ont été rapportées(5,6). Dans les mois suivants, des dommages microvasculaires endothéliaux et des signes d’hémorragie et d’inflammation ont débouché sur de la fibrose. La stabilisation des lésions fibrotiques post-STAR a été décrite dans un intervalle de temps variable compris entre 3 et 9 mois.
• Effets indésirables
Dans les modèles porcins, des doses modérées de radiation (< 35 Gy) n’ont entraîné qu’une toxicité cardiaque faible sous forme d’une légère dysfonction systolique et de petits épanchements péricardiques. Des doses plus élevées (> 35 Gy) ont été associées à des dommages cardiovasculaires graves, des TAV et des effets extracardiaques, y inclus une fistule bronchomédiastinale(7).
Études chez l’homme
Depuis les premiers rapports en 2014-2015(8,9), plusieurs études ont évalué l’efficacité et la sécurité de la STAR, avec une fraction unique de 25 Gy.
Efficacité
Une réduction notable de la charge de TAV et des thérapies appropriées des défibrillateurs automatiques implantables (DAI)(10-12) ont été observées généralement entre 1 et 7 semaines après STAR. Les récidives sont cependant fréquen - tes à long terme, surtout chez les patients avec cardiopathie avancée. Elles ont lieu principalement en bordure de la zone irradiée ou sur d’autres foyers(13) suggérant une efficacité ciblée de la STAR, qui peut parfois être répétée en cas de progression du substrat. Des ajustements des traitements antiarythmiques sont souvent nécessaires pour gérer les TAV récidivantes après STAR.
Sécurité et organes à risque
La mortalité rapportée atteint 34 % au cours d’un suivi médian de 12 mois, possiblement due aux comorbidités, sans exclure un lien direct avec la STAR. Ce traitement entraîne des risques de toxicité aiguë et chronique nécessitant un suivi prolongé. Il peut affecter les structures cardiaques voisines (péricardite, coronaropathie) et les organes extracardiaques, notamment les poumons et le tractus gastrointestinal. Des cas d’œsophagites et de fistules justifient des mesures prophylactiques contre l’acidité œsophagienne. Une détérioration de la fonction valvulaire, surtout aortique, a été rapportée, probablement en raison d’une dose plus concentrée(14). Les valves mitrale et tricuspide, avec une plus grande surface et amplitude de mouvement, répartissent mieux la dose de STAR, limitant le risque de dégradation. Les flux sous haute pression des valves gauches pourraient également accélérer leur dégénérescence. Aucune réduction significative de la FEVG n’a été observée.
Aspects pratiques
La STAR utilise des systèmes adaptés pour cibler les substrats arythmogènes. Bien que les systèmes varient, aucune différence significative n’a été observée. La précision de l’application de la dose est essentielle pour éviter la toxicité des tissus sains, nécessitant une délimitation rigoureuse du volume cible et une gestion des mouvements cardiaques contractiles et respiratoires. La planification demande une collaboration multidisciplinaire pour définir un volume cible adapté, intégrant les données de cartographie et d’imagerie (IRM, CT et PETscan).
Sélection des patients
La STAR est indiquée pour les patients atteints de TAV réfractaire aux antiarythmiques et à l’ablation, ou lorsque ces options sont contre-indiquées. La majorité des patients traités ont eu un échec d’ablation endo-/épicardiques. La STAR est également envisagée chez ceux avec des valves mécaniques, des thrombus ventriculaires ou des antécédents chirurgicaux compliquant l’accès épicardique. Pour les cardiomyopathies non ischémiques pour lesquelles l’ablation est moins efficace, la STAR est prometteuse mais reste expérimentale. La sélection des patients doit être multidisciplinaire, tenant compte de l’état fonctionnel et des risques, surtout en cas d’insuffisance cardiaque avancée.
Orientations futures
La technique STAR est encore une modalité thérapeutique émergente. Sa valeur doit être envisagée dans le contexte des évolutions thérapeutiques en électrophysiologie invasive, telles que l’ablation par électroporation ou par cryothérapie, mais également à la lumière des potentielles complications. Des initiatives telles que le consortium STOPSTORM, financé par le programme Horizon 2020 de l’Union européenne (N° 945119), contribueront davantage à la standardisation des approches, du suivi et des complications.
Plusieurs questions importantes, restant sans réponse, pourraient être abordées à l’aide :
– d’études sur le mécanisme d’action par lequel la STAR influence la conduction cardiaque. Comment cela affecte-t-il la microvascularisation cardiaque, l’inflammation et le système autonome ?
– d’études sur le régime de dose et de fractionnement pour atteindre une efficacité et une sécurité optimales ;
– d’études observationnelles pour comprendre la durabilité des effets, l’efficacité et la toxicité sur la vascularisation coronaire, le myocarde et les valves ;
– de méthodes pour délimiter et cibler le substrat arythmogène afin d’obtenir des effets bénéfiques tout en limitant les risques.
De nombreuses questions restent pendantes, telles que :
– doit-on cibler toutes les régions cicatricielles ? Sachant que ces dernières évoluent dans le temps ;
– la STAR doit-elle être restreinte aux sites de sortie de la TV clinique ?
– doit-on cibler toutes les TV induites durant les procédures d’ablation ou seulement la TV clinique ?
– la comparaison de la STAR à une réablation par cathéter de patients ayant déjà eu une procédure.
Conclusion
La technique STAR présente un potentiel significatif en tant qu’approche non invasive pour traiter les TAV malignes. Son rôle dans la prise en charge des patients requiert le développement de preuves cliniques de qualité avant sa généralisation en pratique clinique.
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