Publié le 14 avr 2009Lecture 8 min
Comment évaluer la viabilité myocardique en pratique quotidienne ?
M.-C. MALERGUE, Institut Jacques Cartier, Massy
La viabilité myocardique se définit comme une dysfonction myocardique chronique susceptible de récupérer une fonction normale après revascularisation. Il ne s’agit pas d’un phénomène physiopathologique mais d’une définition a posteriori confirmant le succès de la revascularisation. La propriété d’un myocarde hibernant est la présence d’une réserve contractile sous inotrope, qui est un excellent marqueur de récupération fonctionnelle.
Pourquoi évaluer la viabilité myocardique ?
La recherche d’une viabilité en pré-revascularisation paraît nécessaire, d’autant plus que la fonction ventriculaire gauche est altérée, pour assurer un bénéfice en termes de récupération, non seulement de la contractilité régionale, mais également de la récupération de la fonction globale. Plus le nombre de segments viables est important, meilleur sera le bénéfice sur la dysfonction ventriculaire gauche. Par contre, l’absence de viabilité rend illusoire un bénéfice quelconque après revascularisation, le patient devant bénéficier d’un traitement médical. La revascularisation peut donc s’avérer inadaptée, coûteuse et parfois à risque, lorsque la réserve contractile des parois ischémiques n’est pas présente et démontrée de façon fiable.
Les travaux récents de Hochman et Boden démontrent l’absence de bénéfice, en termes de survie et de récidive d’IDM, à revasculariser une artère occluse ou à revasculariser un patient coronarien stable, pour autant qu’un traitement optimal et un contrôle des facteurs de risque soient entrepris.
La revascularisation doit donc s’adresser à des patients qui peuvent tirer un bénéfice clinique et pronostique afin d’améliorer la fonction et éviter le remodelage ventriculaire gauche.
Pour convaincre de la nécessité de revasculariser du muscle viable, les résultats de la métaanalyse d’Allman sont essentiels : ce travail regroupe 24 études consacrées à la recherche de viabilité selon différents types d’imagerie (PET, écho dobutamine et SPECT). Plus de 3 000 patients, regroupés dans cette métaanalyse, ayant une fraction d’éjection de l’ordre de 30 %, ont été suivis sur une moyenne de 25 ± 10 mois. Il apparaît clairement que les patients ayant une viabilité et étant revascularisés ont une réduction annuelle de mortalité de l’ordre de 80 %, comparativement aux patients sans viabilité et ayant « seulement » un traitement médical.
Il existe une forte corrélation entre la viabilité myocardique et la survie après revascularisation. Par contre, l’absence de viabilité confère un mauvais pronostic que le patient soit revascularisé ou non. La recherche de viabilité chez un patient doit être un objectif constant en cas de dysfonction ventriculaire gauche sévère. Le risque d’une intervention lourde chez un patient à fraction d’éjection basse doit donc être pondérée en fonction des bénéfices escomptés et du risque chirurgical.
La capacité d’une paroi à récupérer de la fonction contractile dépend directement de la présence de cellules myocardiques viables, dont le nombre est en relation directe avec l’étendue de l’infarctus et son caractère transmural ou non. La simple analyse de la cinétique pariétale est insuffisante, dans la mesure où, l’atteinte de 20 % et plus de l’épaisseur myocardique, entraîne un défaut d’épaississement de la paroi.
Comment l’évaluer ?
Les différentes techniques d’imagerie sur lesquelles repose la recherche de viabilité sont :
- la scintigraphie qui a accès à la perfusion, à l’intégrité cellulaire et à l’activité métabolique (cette technique ne sera pas abordée mais elle a prouvé sa fiabilité et a fait l’objet de nombreuses études comparatives avec l’échocardiographie sous dobutamine) ;
- l’échocardiographie qui analyse l’épaisseur pariétale et la réserve contractile ;
- l’IRM qui permet également d’analyser l’épaisseur myocardique, la réserve contractile. L’avantage incontestable de cette technique est celui de l’imagerie de perfusion qui objective les zones infarcies dans leur étendue et leur degré de transmuralité.
L’échocardiographie
En pratique quotidienne, l’échocardiographie reste une technique largement validée, facilement accessible, sans danger et peu coûteuse.
Elle va permettre d’analyser le degré de dysfonction et l’étendue de la dysfonction régionale par le calcul d’un score régional. Ce bilan des anomalies de la cinétique établit le nombre de segments atteints et leur répercussion hémodynamique sur dysfonction globale.
• La première étape repose sur l’analyse de l’épaisseur pariétale. Une paroi inférieure à 6 mm et brillante témoigne d’une fibrose transmurale non viable (figures 1, 2 et 3).
Figure 1. Echo TM en longitudinal grand axe mettant en évidence une akinésie complète du septum interventriculaire sur un muscle aminci et hyperéchogène témoignant d’une fibrose sans viabilité.
Figure 2. Echo TM coupe longitudinale et écho 2D coupe petit axe : akinésie et amincissement de l’ensemble de la paroi inférieure et postérieure.
Figure 3. Echo 2D incidence apicale des 2 cavités, akinésie fibreuse, hyperdense avec amincissement de l’ensemble de la paroi inférieure (diastole à gauche et systole à droite).
• La deuxième étape consiste a rechercher la présence d’une réserve contractile sous faible dose de dobutamine. Le protocole en est bien connu. Il s’agit d’évaluer le gain de l’épaisseur pariétale sous dobutamine de 10 à 20 gamma. Il faut une amélioration d’au moins deux segments adjacents pour parler de réponse positive. Au-delà de cette dose, l’épreuve peut rechercher une réponse ischémique dans ce même territoire, qui, si elle existe, constitue une réponse biphasique, avec une amélioration initiale sous faible dose et une détérioration de la cinétique à forte dose. Cette réponse biphasique a une excellente spécificité pour prédire la viabilité d’un segment.
Comparativement, la scintigraphie a une sensibilité de 72 %, une spécificité de 73 % et une valeur diagnostique de 73 %. L’écho dobutamine a donc la même sensibilité que la scintigraphie avec une meilleure spécificité.
On peut estimer que la sensibilité de l’écho dobutamine est de 75 à 90 %, la spécificité de 80 à 90 % et la valeur diagnostique de 85 à 90 %.
En cas de faible échogénéicité, l’épreuve peut être améliorée par l’utilisation d’un produit de contraste qui va permettre d’obtenir une meilleure définition de l’endocarde et de l’épaississement myocardique. En pratique courante, la réponse est binaire, « viable » ou « non viable ». De nombreuses techniques de DTI et de strain tentent de quantifier la réponse inotrope et seront disponibles en temps réel ou en différé pour évaluer de façon plus fine le degré d’amélioration pariétale.
La récupération de la fonction globale est directement liée au nombre de segments viables. Il est nécessaire d’avoir au moins 4 segments viables pour obtenir un bénéfice sur la fraction d’éjection.
Les indications de l’IRM
L’IRM est une technique particulièrement performante dans le diagnostic de la cardiopathie ischémique. Elle a comme avantage, par rapport à l’échocardiographie, d’avoir une excellente résolution spatiale, avec une qualité d’image constante, quel que soit le patient, à l’inverse de la qualité des images échographiques qui reste dépendante de l’échogénicité du patient. Elle permet également l’étude de perfusion myocardique par imagerie de contraste au gadolinium.
Elle a comme inconvénients :
– des contre-indications en cas de pacemaker et/ ou défibrillateur,
– une importante altération de la fonction rénale ;
– une impossibilité technique en cas d’obésité, de claustrophobie ;
– une difficulté technique en cas non-obtention de l’apnée ou de fibrillation auriculaire.
Elle est moins disponible et plus coûteuse.
L’analyse des parois et de la fonction globale
Les différents travaux concernant l’IRM se sont initialement intéressés, comme l’échographie, à l’épaisseur myocardique : une épaisseur < 5,5 mm signe une fibrose sans viabilité (figure 4). Par ailleurs, l’IRM permet une analyse très précise de la fonction ventriculaire gauche et du score régional. Elle est actuellement retenue comme méthode de référence dans l’étude des volumes et de la fraction d’éjection.
Figure 4. IRM coupe longitudinale (à gauche) et coupe transverse. Amincissement étendu < 5,5 mm des parois antérieure et septale.
L’imagerie de perfusion au gadolinium
L’avantage majeur réside dans l’étude de la perfusion par injection de gadolinium. Le gadolinium est un produit inerte qui ne traverse pas la paroi cellulaire. Sa distribution est exclusivement extracellulaire et, en cas de paroi cellulaire intacte, le gadolinium ne reste pas dans le myocarde. En cas de lyse cellulaire et de paroi cellulaire altérée, le gadolinium va traverser la paroi et va rester captif, dans les cellules ischémiques, donnant une image de rehaussement tardif. (figure 5)
Figure 5. IRM même patient que la figure 4, rehaussement tardif transmural dans les mêmes territoires antérieur et septal étendu.
L’imagerie de perfusion au gadolinium est une technique extrêmement sensible dans le diagnostic de l’infarctus et est supérieure à la scintigraphie et même à la PET.
Le rehaussement tardif a l’avantage de déterminer de façon précise l’étendue de la fibrose ou des myocytes détruits sur les différentes parois et également au sein de la tranche myocardique. L’hyper signal atteint initialement la zone sous-endocardique. Cette localisation, suivant un territoire coronaire, allant de l’endocarde vers l’épicarde, signe l’origine ischémique.
Le degré de transmuralité du rehaussement tardif est un élément capital et a été initialement étudié par Kim. Pour une épaisseur d’hyper signal supérieure à 75 %, la valeur prédictive négative de récupération est de 100 %. À l’inverse, l’absence d’hyper signal a une valeur prédictive de récupération de plus de 80 %. Entre ces deux valeurs, le degré de récupération est relativement proportionnel au pourcentage transmural du rehaussement tardif et la récupération fonctionnelle est inversement proportionnelle à la transmuralité de l’hyper signal.
Le rehaussement tardif à lui seul reste insuffisant en cas de rehaussement intermédiaire entre 25 et 75 %. Il est alors nécessaire de rechercher, comme en échographie, la réserve contractile de ces parois. Cet apport de la réserve inotrope est donc un moyen nécessaire pour accéder à la viabilité des territoires entre 25 et 75 % de transmuralité.
En pratique
Les patients ayant une viabilité et étant revascularisés ont une réduction annuelle de mortalité de l’ordre de 80 %, comparativement aux patients sans viabilité et ayant « seulement » un traitement médical. Il existe une forte corrélation entre la viabilité myocardique et la survie après revascularisation.
Par contre, l’absence de viabilité a un mauvais pronostic, que le patient soit revascularisé ou non.
La recherche de viabilité chez un patient doit être un objectif constant en cas de dysfonction ventriculaire gauche sévère.
L’échocardiographie me-sure le degré d’amincissement pariétal, le score régional et la réserve contractile des dysfonctions segmentaires sous faible dose de dobutamine.
L’IRM apporte en plus une excellente imagerie en cas de faible échogénicité, la perfusion myocardique par l’injection de gadolinium et le degré de transmuralité de la fibrose pariétale.
Pour une épaisseur d’hypersignal supérieure à 75 %, la valeur prédictive négative de récupération est de 100 %. À l’inverse, l’absence d’hypersignal a une valeur prédictive de récupération de plus de 80 %.
En conclusion
L’identification de myocarde viable est nécessaire dans le choix de la stratégie thérapeutique, chez les patients ayant une altération moyenne à importante (30-50 %) de la fraction d’éjection et chez les patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche sévère (fraction d’éjection < 35 %).
En contrepartie, chez les patients ayant peu ou pas d’altération de la fonction ventriculaire gauche et présentant des lésions des troncs coronaires justifiant d’une revascularisation, la recherche de viabilité n’est pas nécessaire.
La recherche de viabilité peut être proposée comme dans le tableau 1.
L’échocardiographie reste la méthode de référence en pratique courante ; en cas de mauvaise échogénicité, le recours à l’IRM avec imagerie de perfusion est nécessaire mais justifie, en cas de rehaussement intermédiaire, une recherche de réserve inotrope sous faible dose de dobutamine.
Tableau 1. Arbre décisionnel de recherche de viabilité (RT = rehaussement tardif).
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