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Diabéto-Cardio

Publié le 30 mai 2006Lecture 8 min

Faut-il prescrire systématiquement un hypolipidémiant chez le diabétique et lequel ?

B. VERGÈS, CHU de Dijon

L'augmentation du risque cardiovasculaire chez le patient diabétique est unanimement reconnue et particulièrement chez le sujet diabétique non insulinodépendant (de type 2), dont le risque cardiovasculaire est 3 à 4 fois supérieur à celui de la population non diabétique. La nette augmentation de l'incidence et de la prévalence du diabète dans le monde fait de la réduction du risque cardiovasculaire, chez les patients diabétiques, un objectif essentiel de santé publique. L'hyperglycémie chronique et les anomalies lipidiques apparaissent jouer un rôle primordial dans la survenue d’accidents cardiovasculaires (CV). Ces deux facteurs majeurs agissent conjointement pour favoriser le développement de la maladie athéromateuse et promouvoir un état prothrombotique.

L'hyperglycémie chronique   La réduction de l'hyperglycémie chronique est impérative si l'on souhaite diminuer le risque de complications micro- et macrovasculaires. Cependant, la seule normalisation de la glycémie, même si elle contribue à réduire le risque vasculaire, ne permet pas, chez les patients diabétiques de type 2, de le ramener au niveau d'une population non diabétique. Si l'on souhaite diminuer significativement l'incidence des accidents CV, il apparaît donc impératif de traiter de façon efficace les anomalies lipidiques observées, au cours du diabète. Après un rappel des principales anomalies du métabolisme lipidique observées au cours du diabète et des principales études d'intervention menées avec des agents hypolipidémiants chez des sujets diabétiques, nous préciserons le profil des patients diabétiques devant recevoir un traitement hypolipidémiant et tenterons, en fonction des données des études cliniques, de déterminer lequel.   Un profil lipidique propre au diabète de type 2   Il est essentiel de distinguer le diabète de type 2, au cours duquel sont observées des anomalies quantitatives et qualitatives des lipoprotéines, du diabète de type 1 (insulinodépendant) traité, au cours duquel ne sont retrouvées principalement que des anomalies qualitatives.   Des anomalies quantitatives Les principales anomalies quantitatives des lipoprotéines observées dans le diabète de type 2 sont l'augmentation des triglycérides plasmatiques et la diminution du HDL-cholestérol. le taux plasmatique du LDL-cholestérol est normal ou légèrement augmenté chez le diabétique de type 2. L'hypertriglycéridémie à jeun est essentiellement liée à une augmentation des VLDL (Very Low Density Lipoprotein) mais aussi des IDL (Intermediate Density Lipoprotein). Cet accroissement du pool des lipoprotéines riches en triglycérides s'explique, d'une part par une augmentation de la production hépatique de VLDL et, de l’autre par un ralentissement du catabolisme des VLDL et des IDL. Il est, par ailleurs, observé des anomalies franches et précoces du métabolisme lipidique en période postprandiale, caractérisées par une rétention prolongée, dans la circulation, des lipoprotéines riches en triglycérides (chylomicrons-remnants, VLDL, VLDL-remnants). La diminution du HDL-cholestérol est liée à un accroissement de son catabolisme. Enfin, si le taux de LDL-cholestérol est le plus souvent normal chez le patient diabétique de type 2, son métabolisme est profondément modifié, puisqu'il est observé une diminution conjointe du taux de production et de catabolisme des LDL. Cette réduction du catabolisme des LDL se traduit par une augmentation de leur temps de résidence, avec pour conséquence un accroissement du risque d'oxydation et de glycation de ces lipoprotéines.   Des anomalies qualitatives Elles sont encore imparfaitement connues mais il est clair que ces dernières confèrent au profil lipidique du sujet diabétique un caractère particulièrement athérogène. Parmi ces anomalies, on note principalement : • des VLDL de grande taille enrichies en cholestérol et en triglycérides, • des LDL denses, de petite taille, enrichies en triglycérides, • une augmentation des LDL oxydées, • un enrichissement des HDL en triglycérides, • une augmentation de la glycation des apolipoprotéines (en particulier, apolipoprotéine A1 et apolipoprotéine B).   Effets des traitements hypolipidémiants sur la réduction du risque CV   Nous disposons actuellement de plusieurs études d'intervention avec des agents hypolipidémiants réalisées en totalité ou en partie chez des patients diabétiques de type 2.   Les statines confirment leur efficacité… Plusieurs études de prévention secondaire avec les statines, telles l'étude 4S, l'étude CARE et une large étude de prévention primo-secondaire, l'étude HPS, ont fait la preuve de l’efficacité du traitement par statines pour réduire le risque cardiovasculaire, chez les patients diabétiques, dans des proportions comparables à ce qui est observé chez les sujets non diabétiques. L'étude de prévention primaire CARDS, réalisée chez 2 838 pa-tients diabétiques de type 2, a mis en évidence une réduction de 37 % du risque relatif d'événements cardiovasculaires majeurs sous 10 mg d'atorvastatine. D'une façon générale, les études réalisées avec les statines confirment, chez les patients diabétiques de type 2, l'intérêt de la diminution du LDL-cholestérol pour réduire le risque cardiovasculaire, et alimentent la discussion actuelle sur les objectifs de LDL-cholestérol à obtenir dans cette population. Cependant, il existe, chez les diabétiques traités par statines, un risque CV « résiduel », témoignant d'une amélioration qui n'est que partielle. En effet, à titre d'exemple, dans l'étude HPS, en prévention secondaire, le risque de survenue d'un accident cardiovasculaire à 5 ans chez les diabétiques traités par simvastatine est de 33,4 %, largement supérieur au risque des sujets non diabétiques traités par placebo, qui est de 25,7 %.   …mais il existe un bémol L'effet incomplet ou partiel des statines sur le risque CV des patients diabétiques de type 2 est en partie lié au fait que les statines ont comme cible principale le LDL-cholestérol avec une activité réduite sur les anomalies lipidiques « typiques » de la dyslipidémie du diabète de type 2 (hypertriglycéridémie, hypoHDLémie, présence de particules LDL petites et denses). Il apparaît donc nécessaire d'envisager, chez ces patients, un traitement hypolipidémiant au-delà du LDL-cholestérol. C'est à ce titre que les agonistes PPAR (fibrates) et PPAR (glitazones) pourraient trouver une place.   Quelle place pour les fibrates (ou agonistes PPAR-g) - Dans l'étude VAHIT, réalisée avec le gemfibrozil, il a été observé dans le sous-groupe des patients diabétiques, une diminution de 32 % de la survenue d'accidents vasculaires (infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux, décès d'origine cardiaque (p = 0,004) et une réduction significative de 41 % de la mortalité coronaire (p = 0,02) chez les sujets traités. De façon intéressante, l'étude VAHIT faisait apparaître une réduction plus importante du risque cardiovasculaire sous gemfibrozil chez les patients diabétiques que chez les sujets non diabétiques. - L'étude FIELD menée chez 9 795 patients diabétiques de type 2 avec le fénofibrate (200 mg/l) a montré, sur une durée de 5 ans, une réduction significative de 11 % du risque d'événement CV majeur (p = 0,035) et de 24 % du risque d'infarctus du myocarde (p = 0,001). L'effet du fénofibrate sur la réduction du risque cardiovasculaire n'était, dans l'étude FIELD, significative que chez les patients en prévention primaire (-19 %, p < 0,001), mais pas en prévention secondaire. Notons que l'analyse des résultats de l'étude FIELD est rendue délicate en raison d'une prescription de statines chez un nombre non négligeable de patients au cours de l'étude. Nous ne disposons pas encore d'une analyse précise des patients de l'étude FIELD ayant reçu des statines afin de savoir si le traitement par fénofibrate + statine a eu un effet supérieur au traitement par statine seul.   Les agonistes PPAR-g ou glitazones Les agonistes PPAR-g ou glitazones ont un effet favorable sur les anomalies lipidiques observées au cours du diabète de type 2. On observe, sous pioglitazone et rosiglitazone, une diminution significative des acides gras libres, une augmentation du HDL-cholestérol et une réduction des LDL petites et denses et sous pioglitazone, une diminution significative des triglycérides. L'étude d'intervention PROactive, réalisée chez 5 238 patients diabétiques de type 2 à haut risque vasculaire, a montré, sur une durée de 3 ans, une réduction significative de 16 % des accidents CV majeurs sous traitement par pioglitazone. En outre, les données de l’étude PROactive suggèrent un effet de la pioglitazone additionnel et indépendant de celui des statines sur la réduction du risque CV.   Quel patient diabétique doit être traité par hypolipidémiant ?   Les recommandations actuelles permettent de préciser le profil du patient diabétique devant bénéficier d'un traitement hypolipidémiant. Comme nous le verrons, ces recommandations font envisager un traitement hypolipidémiant chez un nombre important de patients diabétiques, en particulier de type 2.   Objectifs thérapeutiques En prévention secondaire, l'objectif thérapeutique est d'avoir un LDL-cholestérol < 1,00 g/l. En l'absence de tout antécédent cardiovasculaire (prévention primaire), le patient diabétique de type 2 à « haut risque cardiovasculaire » doit aussi avoir une valeur de LDL-cholestérol < 1,00 g/l. Le « haut risque cardiovasculaire » du patient diabétique de type 2 est défini par : • la présence d'une atteinte rénale (clairance de la créatinine estimée par la formule de Cockcroft-Gault < 60 ml/min ou protéinurie > 300 mg/24 h) ; • ou au moins deux des facteurs de risque suivants : âge (homme > 50 ans, femme > 60 ans), antécédents familiaux de maladie coronaire précoce (infarctus ou mort subite avant 55 ans chez un apparenté masculin ou avant 65 ans chez un apparenté de sexe féminin), tabagisme (actuel ou arrêté depuis moins de 3 ans), hypertension artérielle (traitée ou non), HDL-cholestérol < 0,40 g/l (quel que soit le sexe), microalbuminurie > 30 mg/ 24 h. Le patient diabétique de type 2, en raison de son profil clinique (âge, HTA) et biologique (HDL-cholestérol bas, microalbuminurie), présente un risque important de se trouver dans la catégorie « patient diabétique de type 2 à haut risque cardiovasculaire » et ainsi d'avoir un objectif de LDL-cholestérol inférieur à 1,00 g/l. Chez un patient diabétique ne présentant pas un profil à « haut risque cardiovasculaire », l’objectif de niveau de LDL-C en prévention primaire, un objectif de LDL-cholestérol est celui établi pour la population générale. À côté de l'objectif thérapeutique du LDL-cholestérol, les patients diabétiques ont aussi un objectif de triglycéridémie < 1,5 g/l. Par ailleurs, l'obtention d'un HDL-cholestérol > 0,40 g/l est souhaitable.   Quel traitement hypolipidémiant ? Si la diététique a une place importante dans la prise en charge de la dyslipidémie du diabète de type 2, en particulier pour réduire l'hypertriglycéridémie, elle ne permet pas d'atteindre les objectifs lipidiques souhaités chez de nombreux patients. Ainsi, la prescription d'un traitement médicamenteux hypolipidémiant est fréquemment nécessaire chez les patients diabétiques de type 2. En cas d'hypertriglycéridémie sévère, réfractaire à la diététique, un traitement par fibrates est justifié pour des valeurs de triglycérides plasmatiques > 4 g/l. Devant un LDL-cholestérol au-dessus des objectifs thérapeutiques, chez les patients diabétiques de type 2, à la faveur d'une diminution du taux de LDL-cholestérol. L'association d'une valeur de LDL-cholestérol au-dessus des objectifs thérapeutiques et de triglycérides modérément augmentés peut faire choisir des statines ayant une activité légèrement hypotriglycéridémiante (atorvastatine, par exemple). En cas de LDL-cholestérol dans les objectifs thérapeutiques mais de HDL-cholestérol < 0,40 g/l, plus ou moins associé à une hypertriglycéridémie, un traitement par fibrates peut être envisagé. Parfois, la monothérapie n'est pas suffisante pour normaliser tous les paramètres lipidiques. En particulier, on peut être confronté, sous statines, à des valeurs anormales de triglycérides et de HDL-cholestérol alors que le LDL-cholestérol est contrôlé. Il sera possible, dans certains cas, d'envisager une bithérapie par statines + acide nicotinique ou statines + fibrates. Cette dernière devra être instaurée après avis spécialisé et nécessitera une surveillance clinique et biologique régulière et rigoureuse. Notons également que l'association statines + pioglitazone peut représenter un choix thérapeutique intéressant pour ajouter à l'effet positif des statines sur le LDL-cholestérol l'action bénéfique de la pioglitazone sur les triglycérides et le HDL-cholestérol.

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