Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 27 oct 2009Lecture 8 min
A. SAVOURE, B. GODIN, F. ANSELME, CHU Rouen
Le flutter auriculaire est un trouble du rythme fréquent dont l’incidence dans la population générale est difficile à évaluer avec précision. En effet, il n’existe pas de grandes études épidémiologiques portant sur le flutter seul. Elles englobent le plus souvent les flutters atriaux (typiques et atypiques) et la fibrillation auriculaire. On estime cependant que l’incidence du flutter est voisine de 82 cas par an pour 100 000 habitants. On retrouve un aspect de flutter auriculaire sur 0,4 à 1,2 % des électrocardiogrammes réalisés dans les hôpitaux.
Les symptômes des patients en flutter auriculaire sont très variables. On retrouve ainsi des formes asymptomatiques, de découverte fortuite, et des formes (plus fréquentes) avec des symptômes invalidants (palpitations, dyspnée, douleur thoracique).
Il est maintenant bien connu que dans un grand nombre de cas, les flutters atriaux et la fibrillation auriculaire représentent une entité pathologique commune ce qui explique une prise en charge globale de ces deux arythmies auriculaires.
Le mécanisme électrophysiologique de ces troubles du rythme auriculaires est maintenant bien connu. Il s’agit de tachycardies atriales macro-réentrantes. Ils utilisent un circuit électrique délimité par des barrières de conduction qui peuvent être anatomiques (ostia des veines caves ou des veines pulmonaires, anneaux mitral ou tricuspide, crête d’Eustachi, cicatrice d’atriotomie, etc.) ou fonctionnelles (crista terminalis). L’initiation et la perpétuation de ces tachycardies nécessitent que le circuit comporte une zone à conduction électrique lente (l’isthme cavo-tricuspide dans le cas du flutter typique) et une zone de bloc unidirectionnel. La complexité du circuit de macro-réentrée est très variable, dépendant notamment de la présence ou non d’une pathologie cardio-vasculaire sous jacente.
On distingue les flutters auriculaires typiques localisés dans l’oreillette droite et qui dépendent de l’isthme cavo-tricuspide et les flutters auriculaires atypiques, qui peuvent être localisés soit dans l’oreillette droite, soit dans l’oreillette gauche et qui ne sont pas isthmique droit dépendant. Un flutter typique peut être à rotation horaire ou anti-horaire.
Définitions
Le terme flutter désigne une activité électrique continue sans retour à la ligne isoélectrique entre deux déflexions, sur au moins une dérivation. Il peut donc s’appliquer à une arythmie auriculaire ou ventriculaire.
On parle de flutter auriculaire lorsque l’électrocardiogramme de surface met en évidence une activité atriale continue, organisée et rapide (> 240/min) sans retour à la ligne isoélectrique. Le caractère typique ou atypique du trouble du rythme peut être fortement suspecté par l’aspect ECG mais la certitude diagnostique est électrophysiologique.
Dans la grande majorité des cas, un aspect en toit d’usine (ou dent de scie) dans les dérivations inférieures, associé à une activité auriculaire positive en dérivation V1 et négative en dérivation V6 témoigne d’un flutter auriculaire typique à rotation antihoraire. Il est cependant parfois mis en évidence lors de l’exploration électrophysiologique un flutter atypique avec cet aspect électrique et à l’inverse un flutter typique alors que l’ECG ne l’évoquait pas. Il faut donc retenir que le caractère typique ou atypique d’un flutter auriculaire ne peut être affirmé que par des manœuvres réalisées lors de l’exploration électrophysiologique (entraînement de la tachycardie et calcul du cycle de retour). L’électrocardiogramme de surface ne permet de conclure qu’à un flutter d’aspect typique ou atypique.
La figure 1 représente différents tracés ECG de flutter atriaux avec le circuit électrophysiologique qui a été identifié à l’exploration.
Figure 1. 3 aspects ECG de flutter avec la représentation du circuit retrouvé à l’exploration.
Flutter et fibrillation atriale : une même entité ?
Il est observé chez un nombre important de patients une alternance de flutter auriculaire et de fibrillation auriculaire.
Ceci est parfois bien visible sur les enregistrements holters des patients présentant une fibrillation auriculaire paroxystique. Ceux-ci retrouvent en effet fréquemment une alternance de rythme sinusal, d’extrasystoles auriculaires plus ou moins précoces, isolées ou en salve avec des passages en fibrillation auriculaire s’organisant rapidement en flutter atrial (figure 2). Ce phénomène est également remarquable lors de procédures d’ablation de fibrillation auriculaire paroxystique où les enregistrements endocavitaires mettent en évidence une alternance de fibrillation atriale avec une activité auriculaire rapide et anarchique et de flutter auriculaire où les signaux atriaux sont réguliers et bien organisés.
Figure 2. Enregistrement holter retrouvant des extrasystole auriculaires et des salves de fibrillation auriculaire, s’organisant sur les derniers complexes en flutter atrial.
On estime que 30 % environ des patients suivis pour de la fibrillation atriale développeront un flutter au cours de l’évolution de leur maladie. Il peut s’agir de flutters typiques ou atypiques, spontanés ou induits par un traitement antiarythmique. Ce phénomène est maintenant bien connu, en particulier avec les antiarythmiques de classe IC. Dans ce cas précis, le traitement prescrit modifie les propriétés électrophysiologiques des oreillettes, permettant ainsi d’organiser la fibrillation en flutter atrial.
Il est également bien montré dans les études que plus de 30 % des patients adressés pour ablation d’un flutter auriculaire pur, chez qui le traitement antiarythmique est stoppé après obtention du bloc isthmique complet, développent dans leur évolution de la fibrillation auriculaire. Le flutter auriculaire pur et isolé est probablement une entité rare.
L’ensemble de ces données démontre donc qu’il existe un lien certain entre la fibrillation auriculaire et le flutter auriculaire. Selon la présence ou non d’une pathologie cardiovasculaire sous-jacente (hypertension artérielle, valvulopathie mitrale, etc.) le flutter sera typique ou atypique. Les patients peuvent présenter un flutter auriculaire prédominant ou une fibrillation auriculaire prédominante.
Les signes cliniques de ces deux arythmies sont un peu différents. Le patient décrit souvent le caractère irrégulier des battements cardiaques en cas de fibrillation auriculaire. Le flutter auriculaire est souvent moins bien toléré du fait de la fréquence de la tachycardie et de la difficulté à freiner la cadence ventriculaire. Enfin, le flutter auriculaire est une arythmie stable et rarement paroxystique. Le caractère paroxystique des symptômes est donc plutôt en faveur d’une fibrillation auriculaire. La prise en charge de ces deux pathologies est donc très proche.
Quelle prise en charge ?
Comme nous venons de le voir, un même patient peut présenter du flutter et de la fibrillation atriale. La prise en charge de ces deux pathologies est donc souvent liée.
Bilan initial
La découverte d’un flutter auriculaire conduit à la réalisation d’un bilan initial simple dont l’objectif est de retrouver des facteurs favorisants et d’évaluer le risque embolique du patient. Il est donc proposé un bilan biologique comprenant la fonction rénale et kaliémie, l’hémostase, la numération formule sanguine, la glycémie et la TSH. Une échocardiographie transthoracique est également réalisée afin d’évaluer la fonction ventriculaire, la présence d’une cardiopathie sous-jacente et la taille de l’oreillette gauche.
Traitement antithrombotique
Il est maintenant établi que le flutter auriculaire est un trouble du rythme emboligène au même titre que la fibrillation atriale.
Le score de CHADS qui prend en compte l’âge du patient, la présence d’une hypertension artérielle ou d’un diabète, d’une valvulopathie mitrale sténosante, d’un antécédent embolique, d’une altération de la fraction d’éjection ventriculaire gauche ou d’une insuffisance cardiaque est donc applicable au flutter auriculaire, qu’il soit permanent ou paroxystique. On discute donc au cas par cas selon ces critères et la possibilité d’instaurer un tel traitement la mise en route d’une thérapie antithrombotique par antivitamines K ou à défaut par antiagrégants plaquettaires.
Une réduction du flutter par stimulation rapide, cardioversion électrique ou ablation doit être dans tous les cas encadrée par un traitement anticoagulant (INR cible entre 2 et 3) dans le mois qui précède et celui qui suit le geste. En cas de mauvaise tolérance d’un flutter auriculaire d’ancienneté inconnue ou datant de plus de 48 heures, une échographie trans-oesophagienne peut être réalisée afin d’exclure un thrombus intra-cavitaire permettant d’éviter l’anticoagulation efficace dans le mois qui précède la cardioversion.
En cas de succès d’ablation chez un patient se présentant avec un flutter auriculaire pur, le traitement anticoagulant pourra être arrêté après un mois, sans relais.
Traitement de la crise
Il existe trois moyens principaux pour restaurer le rythme sinusal chez un patient en flutter auriculaire.
La cardioversion chimique, avec les produits actuellement disponibles en France, est inefficace quel que soit le traitement antiarythmique utilisé.
- La stimulation rapide consiste sous anesthésie locale à positionner une sonde de stimulation à l’intérieur de l’oreillette droite, le plus souvent par voie veineuse fémorale. Une stimulation rapide de l’oreillette est alors réalisée permettant dans environ 70 % des cas une restauration du rythme sinusal. Cette technique présente l’avantage d’être simple et indolore. Il est également possible de réaliser cette stimulation rapide par voie trans-oesophagienne à l’aide de cathéters dédiés. Cependant, le développement des techniques ablatives particulièrement efficaces dans le flutter typique rend le recours à la stimulation rapide de plus en plus rare.
- La cardioversion électrique externe sous anesthésie générale est très efficace, même à faible énergie (50 à 100 joules) dans le flutter auriculaire. Son taux de succès est proche de 100 %.
Ces deux traitements sont donc efficaces mais ils ne traitent que la crise de flutter. Ils ne représentent donc pas un traitement curatif définitif.
- Le développement de l’ablation endocavitaire, notamment dans le cas d’un flutter typique en fait une technique de choix, parfois même en première intention. Nous y reviendrons ci-dessous.
Traitement ralentisseur
Le flutter est un trouble du rythme stable avec une cadence ventriculaire souvent rapide à 150 bpm. Il est donc nécessaire, quelle que soit la thérapeutique définitive curatrice décidée d’instaurer rapidement, une fois le diagnostic posé, un traitement ralentisseur. Le choix peut se porter sur un traitement bêtabloqueur, anticalcique ou par digoxine.
Traitement curatif
Le taux de récidive du flutter auriculaire est important. Il est donc souvent nécessaire, en dehors du flutter avec facteur favorisant évident (syndrome septique, intoxication exogène aiguë, etc.) de proposer un traitement curatif définitif du trouble du rythme.
Les traitements antiarythmiques sont habituellement inefficaces pour prévenir les récidives de flutter auriculaire. Ces traitements n’ont donc pas leur place en cas de flutter pur. Ils peuvent parfois être proposés aux pa-tients présentant du flutter et de la fibrillation atriale.
L’ablation est actuellement le traitement curatif de premier choix dans le cadre du flutter auriculaire, surtout s’il s’agit d’un flutter typique. Dans ce cas, les taux de succès sont importants, de l’ordre de 95 % avec un faible taux de complications au prix d’un examen rapide et relativement simple, réalisé sous anesthésie locale. Le principe est la création d’une cicatrice endocardique sur une partie du circuit (l’isthme cavo-tricuspide en cas de flutter typique) grâce à des cathéters dédiés. L’énergie la plus communément utilisée est la radiofréquence. L’examen est plus complexe en cas de flutter atypique et nécessitera parfois l’utilisation de techniques de cartographie sophistiquées (NAVX, CARTO). Le taux de succès est inférieur, de l’ordre de 70 à 80 % selon la cardiopathie sous-jacente.
Pour le flutter typique, les sociétés savantes (ACC/AHA/ESC) recommandent actuellement l’ablation en cas de flutter mal toléré (dès le premier épisode) ou récidivant ou en cas de flutter sous antiarythmiques prescrit pour une fibrillation auriculaire. En cas d’association flutter et fibrillation auriculaire, l’ablation du flutter est intéressante si celui-ci est l’arythmie prédominante. Si la fibrillation est prédominante, l’ablation isolée du flutter n’est pas indiquée. On s’oriente alors plutôt vers l’ablation de la fibrillation auriculaire et du flutter dans le même temps opératoire en cas d’échec du traitement antiarythmique chez les patients symptomatiques.
En pratique
Le flutter est un trouble du rythme auriculaire actuellement bien connu, dont la prise en charge repose souvent sur le traitement curatif par ablation. Son lien avec la fibrillation auriculaire est connu, imposant souvent une prise en charge globale des deux pathologies.
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