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Cardiologie générale

Publié le 30 jan 2007Lecture 10 min

Maladie coronaire - L'heure est à la mise au point

Y. COTTIN, hôpital du Bocage, CHU de Dijon


AHA
Comme dans beaucoup d’autres domaines abordés à Chicago, les sessions concernant la prise en charge de l’infarctus du myocarde n'ont pas été l'occasion d'un panel majeur de grandes études, mais plus de mises au point et de travaux cliniques.

OAT : la désocclusion tardive ne fait pas ses preuves La première présentation majeure, présentée par J.-S. Hochman, fut l’étude OAT. Partant des principes, et à l’analyse de tous les registres, qu’un tiers des patients n’est pas reperfusé à la phase aiguë de l’infarctus et que la question de la réouverture tardive de l’artère coupable reste toujours très controversée ; cette étude randomisée a porté sur 2 166 patients à 72 h au moins d’un infarctus du myocarde (entre 3 et 28 jours) présentant une occlusion de l’artère responsable au moment de la coronarographie (flux TIMI ou 1). Mais il faut observer que les patients devaient être également à haut risque, défini dans ce travail par une fraction d’éjection (FE) > 50 % et/ou une occlusion proximale d’une artère épicardique majeure. Les critères d’exclusion de cette étude étaient une atteinte du tronc commun ou une atteinte tritronculaire, une instabilité hémodynamique ou électrique, un angor de repos, une insuffisance rénale, ou un stade III ou IV de la NYHA. Les patients étaient randomisés soit dans le bras traitement médical (1 084 patients), soit dans le bras angioplastie de l’artère responsable mais associée à une optimisation du traitement médical (1 182 patients). Le critère de jugement principal était un critère composite, comportant décès, réinfarctus ou épisode d’insuffisance cardiaque de stade IV de la NYHA. Sur le critère principal, à 5 ans de l’infarctus, aucune différence significative n’a été observée entre les deux bras de l’étude (15,6 vs 17,2 %, p = 0,20). Il est à noter qu’individuellement, aucun des éléments du critère principal ne montre une différence : – réinfarctus : 5,3 vs 7,4 % (p = 0,08) ; – décès : 12,1 vs 13,4 % (p = 0,83) ; – épisode d’insuffisance cardiaque : 4,5 vs 4,5 % (p = 0,92). L’analyse des sous-groupes est également particulièrement intéressante : elle ne montre aucun impact de l’âge, du sexe, du délai de randomisation, de l’artère coupable, de la fraction d’éjection à l’inclusion, du diabète ou de l’insuffisance cardiaque. Les auteurs ont également souligné que la présence ou non d’une viabilité n’affecte pas les paramètres de ce travail. Ce travail répond donc à la question de l'artère ouverte à J3 d'un infarctus, mais les critères d’exclusion étaient nombreux, en particulier les stades III et IV de la NHYA et les pluritronculaires chez qui la stratégie reste donc en suspens. Scanner coronaire. TOSCA 2 L’étude TOSCA, ancillaire de l’étude OAT, portant sur les paramètres angiographiques a été également traitée. Les auteurs ont présenté les résultats de 157 patients randomisés en deux groupes, en fonction de l’obtention d’une normalisation du flux de l’artère responsable en postangioplastie. Ils rapportent que l’obtention d’une normalisation du flux n’est obtenue que chez 124 patients sur l’ensemble de l’effectif, soit 79 %. Trois paramètres ont été identifiés comme prédictifs d’une normalisation du flux : – la fréquence cardiaque [OR (IC95 %) : 2,61 (1,19-5,72), p = 0,017] ; – la pression artérielle systolique [OR : 6,38 (1,31-3,09), p = 0,022] ; – la réalisation d’une thrombolyse au moment de l’infarctus du myocarde [OR : 2,61 (1,19-5,72), p = 0,017]. Les difficultés d’obtention d'une reperfusion, surtout de qualité, à court terme de l'infarctus du myocarde est donc multifactorielle, mais souligne également la difficulté de ces travaux. En effet, un certain nombre de patients inclus avaient bénéficié d'une thrombolyse sans signe de reperfusion au moment de l'épisode aigu.   Contribution de l’IRM D’autres travaux ont été présentés concernant le suivi et les complications du postinfarctus. Si, depuis les travaux de Schroder, la valeur prédictive de la normalisation du segment ST est bien connue, l’évaluation et l’impact de cette dernière, grâce aux nouvelles stratégies d’imagerie, le sont moins. En effet, l’IRM permet d’appréhender dans le même temps : – la perfusion, – l’étendue de la nécrose. Utilisant cette technique, une équipe allemande a évalué les patients après une nécrose antérieure et les a classés en deux groupes en fonction de la normalisation du segment ST. Elle a mis en évidence un résultat attendu en termes de différences de taille de la nécrose (40 vs 28 % : p = 0,02). Sur des paramètres très spécifiques de cette technique, des différences apparaissent sur la transmularité de l’infarctus (90 vs 55 % ; p = 0,03) et les anomalies de perfusion tardive (45,7 vs 75 % ; p = 0,02), et l’on connaît l’impact de ces derniers sur le long terme. L'analyse segmentaire a retrouvé un nombre élevé d'anévrismes apicaux, et ce même dans le groupe avec normalisation du segment ST (45 vs 14 % ; p = 0,05). D'autres travaux sont en cours pour évaluer l'impact à long terme de ces derniers mais surtout la stratégie thérapeutique pharmacologique (IEC ou ARAII, AVK). Grâce aux études en IVUS, on sait maintenant que les ruptures multiples sont extrêmement fréquentes (de l’ordre de 30 %) mais cette approche invasive est difficile à mettre en œuvre en routine clinique et, surtout, sans impact immédiat pour le patient. Partant de ce concept, une autre équipe a utilisé l’IRM cardiaque au 5e jour d'un primo-infarctus pour évaluer l’étendue multiple, définie par l'extension des anomalies en dehors du territoire de l'artère responsable. Ces travaux sont particulièrement intéressants car ils montrent, grâce aux modifications de contraste que : – les lésions multiples sont présentes chez 19 % des patients ; – par l’analyse de la contraction segmentaire, elles ont mises en évidence dans 32 % des cas ; – l’approche vasculaire de la perfusion retrouve des lésions multiples dans 41 % des cas. Ce travail confirme que des anomalies en dehors du territoire de l'artère coupable sont fréquentes et surtout non homogènes, leurs évolutions devront être étudiées pour connaître leur impact respectif sur la fonction ventriculaire mais notamment sur les troubles du rythme. Les travaux avec l’IVUS permettent de mieux appréhender le phénomène aigu de la rupture de plaque et de la thrombose associée. L’équipe de G. Finet a démontré, grâce à cette technique, que : - le thrombus est responsable de 75 % de l’obstruction coronaire ; - la plaque, en conséquence, est responsable de 25 % de l’obstruction vasculaire. Cela confirme de manière élégante le caractère non-sténotique de la lésion dans la grande majorité des cas et surtout l’impact primordial de la configuration de la plaque et de sa déstabilisation comme déclencheur du syndrome coronaire aigu. Echographie endocronaire (IVUS) d’une plaque. Apport du scanner multibarrettes L’approche avec le scanner multibarrettes permet de compléter ces informations sur la caractérisation de la plaque. Par cette technique, l’équipe du Thorax Center, a comparé les plaques de 203 patients en angor stable ou instable (128 hommes, 58 ± 11 ans). Les résultats montrent la détection d’au moins une plaque, chez seulement 159 patients ; en revanche, il existe des différences significatives entre angor instable et stable, respectivement dans : – le nombre de segments pathologiques (6 ± 3 vs 4 ± 3, p < 0,001), – le nombre de segments non sténosants (2 ± 2 vs 1 ± 1, p = 0,001), – le nombre de segment sténosants (4 ± 2 vs 3 ± 3, p = 0,001). Mais c’est surtout sur la composition de la plaque que les différences sont majeures entre les deux groupes, en particulier sur : – le pourcentage de segments calcifiés isolés (25 vs 50 %, p < 0,001), – le pourcentage de segments non calcifiés ( 45 vs 30 %) ou mixtes (30 vs 20 %).   Quelle héparine ? L’équipe de Antman a également rapporté une métaanalyse sur 27 131 patients avec STEMI thrombolysés comparant les héparines de bas poids moléculaire (enoxaparine) à l’héparine non fractionnée (HNF). La prise en compte de EXTRACT-TIMI 25, ASSENT 3 plus, ASSENT 3, BARID et ENTIRE-TIMI 23 montre un bénéfice de l’enoxaparine sur le critère combiné principal (décès, infarctus, ou hémorragie majeure) : 9,7 vs 11,7 %, p = 0,006 [OR (IC) : 0,82 (0,71-0,94)]. Il existe une tendance pour la mortalité à 30 jours en faveur de l’énoxaparine, 6,6 vs 7,1 %, p = 0,097 [OR (IC) : 0,92 (0,84-1,01)], et la différence est significative pour la récidive d’infarctus, 2,2 vs 4,0 %, p < 0,01 [OR (IC) : (0,45-064)]. En revanche, le taux d’accidents hémorragiques graves est supérieur dans le bras énoxaparine, 2,1 vs 1,4 %, p < 0,001 [OR (IC) : 1,45 (1,21-1,75)].   Stratégies adjuvantes à l’angioplastie primaire Le vieux serpent des stratégies adjuvantes à l’angioplastie primaire a été abordé dans de nombreuses communications et posters. En effet, plus de 25 communications ont comparé la thrombectomie mécanique suivie d’un stenting direct au stenting direct seul dans les STEMI. Elles abondent toutes en faveur d’une thrombectomie préangioplastie. Le travail de l’équipe de Washington montre : – une réduction des no-reflow (0,0 vs 7,7 %, p = 0,01), – une augmentation de flux TIMI III final (92,3 vs 74,3 %, p = 0,003), – mais surtout à 6 mois une réduction d’événements cardiaques majeurs (décès, réinfarctus ou revascularision du vaisseau responsable), 11,1 vs 34,1 %, p = 0,02. Il faut souligner le travail original d’une équipe japonaise qui a évalué une thrombectomie mécanique comparativement à une thrombolyse pulsée intracoronaire (TPI) systématique avant stenting, sur une série prospective multicentrique randomisée de 105 patients. Les résultats avant stenting sont en faveur de la TPI sur les critères de jugement, flux TIMI III et blush score 3, respectivement, 59 vs 40 % (p < 0,05) et 59 vs 12 % (p = 0,003). Après stenting, il n’existe pas de différence entre les deux groupes sur le flux TIMI III (89,0 vs 90 %), par contre, le bush final est en faveur de la TPI, 89,0 vs 48,8 %, p < 0,05. Cette série montre bien que de nombreux travaux seront nécessaires pour optimiser la reperfusion sur les artères épicardiques mais surtout sur la microcirculation.   Suivi de la troponine après SCA Un autre travail original a évalué l’intérêt d’une réévaluation de la troponine à distance d’un syndrome coronarien aigu. Dans cette large série de 1 117 pa-tients, la troponine a été mesurée au 3e mois et surtout chez les patients bien traités et asymptomatiques. Les auteurs ont de plus souligné que, dans les quatorze jours avant le nouveau dosage de la troponine, les patients n’avaient pas présenté de récidive douloureuse ni de procédure d’angioplastie. Dans cette série, 17,1 % de patients avaient une troponine élevée à distance du syndrome coronarien aigu ; ce paramètre est associé, à 5 ans, à une augmentation des infarctus du myocarde (25 vs 14 %) et à une surmortalité cardiovasculaire (11,5 vs 3,4 %). Si la place des biomarqueurs à la phase aiguë est maintenant connue, ce travail confirme l’intérêt d'une réévaluation de l’un d'entre eux à distance sur le long terme. Scanner coronaire : visualisations des calcifi-cations et de stent. Registre GRACE : le traitement antiagrégant est un facteur de mortalité Les travaux du registre GRACE concernent la mortalité à 6 mois des patients présentant un syndrome coronarien aigu sous anticoagulants. Sur une large population de plus de 51 000 patients entre 1999 et 2005, le taux de patients hospitalisés pour un syndrome coronarien aigu préalablement traités par anticoagulants est de l’ordre de 4,5 %. Il existe, bien entendu, des différences caractéristiques sur les pathologies associées mais les messages forts de ce travail sont une surmortalité de ce groupe par rapport aux patients non traités, à la phase hospitalière (6,8 vs 4,8 % p = 0,001), et surtout à 6 mois (10,1 vs 4,8 % p = 0,01). Il est à noter également que ce groupe de patients est traité de façon moins agressive et surtout avec un délai de prise en charge plus long. Après ajustement au score de risque GRACE, le traitement anticoagulant reste un facteur indépendant de surmortalité cardiovasculaire à 6 mois (OR : 1,75 (1,47-2,07) p = 0,001). Cette population est généralement exclue des grands essais thérapeutiques, et en pratique, des stratégies restent à développer sur les associations antiagrégantes et anticoagulantes pour limiter au maximum le surrisque hémorragique et essayer d’améliorer la surmortalité.   ALIANCE : une artère peut en cacher une autre Les premiers travaux français du groupe ALIANCE, qui a collecté les données de plus de 9 783 patients, étaient présentés par P.-G. Steg. L’objectif de cette métaanalyse était d’évaluer l’impact de l’atteinte polyvasculaire au cours du syndrome coronarien aigu. Deux messages peuvent ressortir de ce travail coopératif : – l’atteinte polyvasculaire est fréquente : 13 % des patients, – ces patients présentent une surmortalité hospitalière (11,6 vs 5,7 % chez les patients sans atteinte vasculaire). Ce sous-groupe doit bénéficier de stratégies plus optimisées.   GOSPEL : l’éducation thérapeutique est utile La prévention secondaire est indispensable pour la prise en charge optimale de nos patients, les travaux italiens de l’étude GOSPEL ont été dévoilés. Il s’agit d’une étude randomisée multicentrique portant sur 3 241 patients en deux bras : un groupe rééducation longue (3 ans) et un groupe rééducation « habituelle» (1 mois). À 3 ans, pour le critère combiné (décès, IDM, AVD/AIT, revascularisation, épisode d’insuffisance cardiaque, réhospitalisation pour angor) apparaît un bénéfice de la stratégie longue, 20,5 vs 18,1 % (p = 0,010) et particulièrement pour les infarctus fatals ou non fatals (1,6 vs 3,1 %, p = 0,009). Ce travail montre l’importance des projets et de l’éducation thérapeutiques dans le « coaching » des patients sur le long terme.   L’ECG n’est pas spécifique Enfin, il faut savoir rester modeste, une équipe de Minneapolis, rapporte des faux-positifs du sus-décalage du segment ST référés pour angioplastie primaire, définis par l’absence de lésion coronaire. Le taux est élevé outre-Atlantique, à 6,2 %. Surtout, les auteurs détaillent les anomalies en fonction des biomarqueurs positifs ou négatifs. En cas de positivité, les étiologies les plus fréquentes sont les anomalies non spécifiques (26 %), les péricardites (15,2 %), les blocs de branche gauches (12 %) ; par contre, en cas de positivité des biomarqueurs, les myocardites, les cardiomyopathies de stress, les sepsis et les embolies pulmonaires sont les principales étiologies.   En pratique Les études OAT et TOSCA-2 apportent des résultats concordants : il n’y a pas de bénéfice à proposer systématiquement une désobstruction d’une artère coronaire encore occluse plus de 3 jours après un infarctus chez un patient asymptomatique.

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