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Cardiologie générale

Publié le 15 avr 2018Lecture 5 min

Conduite à tenir devant un épanchement péricardique chronique

Philippe MEURIN, Les Grands Prés, Centre de Réadaptation Cardiaque de la Brie, Villeneuve-Saint-Denis

Le péricarde contient normalement moins de 50 mL de liquide, ce tout petit volume, réparti autour du cœur est invisible à l’échographie : le compte rendu indiquera que le péricarde est « sec ». La découverte d’un épanchement péricardique asymptomatique (EPE) lors d’une échographie cardiaque transthoracique n’est pas fréquente mais, en l’absence d’orientation clinique évidente, implique un bilan et une surveillance.

Dans les pays riches, le diagnostic redouté est celui de cancer. Par exemple, un article publié dans la revue Circulation en septembre 2017(1) indique que, devant un épanchement péricardique associé à une péricardite, le risque de découvrir un cancer dans les 3 mois qui suivent le diagnostic est 26 fois plus élevé que dans la population générale (cœur ou cavité thoracique : x 985, Hodgkin : x 214, leucémie lymphoïde : x 10, poumon : x 153, sein : x 7, cancer métastasé d’origine indéterminée : x 53, ovaire : x 27, rein : x 32, cerveau : x 8, estomac : x 8). Face à cette situation, le praticien doit répondre à plusieurs questions(2,3) : Est-il nécessaire de confirmer cet épanchement péricardique par un autre examen ? Parfois la réalisation d’un scanner ou d’une IRM est nécessaire pour confirmer le diagnostic. Dans la majorité des cas, l’échographie transthoracique suffit. L’épanchement péricardique est systolo-diastolique, pas systolique pur. Par ailleurs, une zone hypo-échogène antérieure (en regard du VD en incidence parasternale gauche) est inhabituelle s’il n’y a pas de lésion péricardique locale préalable (épanchement péricardique postopératoire ou infectieux) et doit plutôt être considérée comme témoignant de la présence de franges graisseuses épicardiques jusqu’à preuve du contraire. En effet, l’épanchement est déclive, et doit donc prédominer en regard de la paroi postérieure du ventricule gauche en incidence parasternale gauche et en regard du ventricule droit par voie sous-costale. L’extension se fait ensuite autour la paroi latérale des ventricules puis vers les oreillettes. L’EPE est alors circonférentiel. Un éventuel épanchement pleural gauche est localisé derrière l’aorte thoracique descendante en incidence parasternale gauche (alors que l’épanchement péricardique sera en avant). Les autres diagnostics différentiels (sinus coronaire dilaté, hématome paracardiaque par exemple rétrosternal postopératoire, tumeur péricardique, etc.) sont plus rares. L’épanchement est-il chronique (c’est-à-dire de plus de 3 mois) ? En fait, la question ne se pose pas comme cela. En pratique : soit il s’agit d’une découverte de hasard (écho réalisée pour un tout autre motif) et on va considérer l’épanchement comme chronique jusqu’à preuve du contraire, soit l’échographie a été réalisée pour suspicion de pathologie péricardique devant des signes de péricardite ou de tamponnade et on va alors considérer l’épanchement comme aigu. Le patient est-il symptomatique ? L’existence de symptômes éventuels peut orienter vers une étiologie particulière. Par exemple, des signes cutanés ou rhumatologiques vont orienter vers une connectivite, des ganglions, une hémoptysie, un prurit, etc., feront plutôt évoquer une néoplasie. Il faut par ailleurs chercher des symptômes frustres de prétamponnade tels que nausées, hoquet, anorexie, asthénie sévère, lipothymie, dyspnée modérée, petits œdèmes des membres inférieurs, turgescence jugulaire, pouls paradoxal, etc. Le moindre signe clinique accompagnant un épanchement volumineux ou d’apparition brutale doit entraîner un drainage en urgence. Cet aspect sort du cadre d’un article consacré aux épanchements péricardiques chroniques, mais il faut garder à l’esprit le fait que, finalement, pour un épanchement de volume moyen à important (plus de 10 mm en diastole), le risque de tamponnade est estimé à au moins 25 % ; ce qui justifie une surveillance très régulière. Le risque d’évolution vers une péricardite chronique constrictive est très faible mais doit rester à l’esprit, en particulier dans le cadre de la péricardite tuberculeuse. Comment déterminer la cause de cet épanchement ? C’est le problème le plus difficile. La recherche étiologique dépend de l’épidémiologie locale et surtout de la prévalence de la tuberculose (1re cause mondiale d’EPE). En France, cette éventualité est rare mais doit être évoquée dans des situations particulières (personnel de santé, sérologie HIV positive, migrant, etc.). Dans 2/3 des cas, lors de la découverte d’un EPE, le diagnostic étiologique est déjà connu : il s’agissait d’une échographie systématique de surveillance d’une maladie ou d’un traitement qui a permis le dépistage de l’épanchement péricardique. Aucun bilan étiologique supplémentaire n’est alors nécessaire. Dans le tiers des cas restants, le bilan étiologique doit être rigoureux. Cinq grands types de pathologie peuvent être à l’origine de ces épanchements dans les pays développés : cancer, traumatisme (chirurgie, geste invasif), infection, connectivite, épanchement d’origine hémodynamique (insuffisance cardiaque, hypo-protidémie, etc.) ; pour plus de détail, se référer au tableau 2. Il n’est pas possible de proposer un arbre décisionnel adaptable à tous les patients car les examens réalisés sont orientés par le terrain et la clinique. Schématiquement, un bilan large et éventuellement répété doit être réalisé (tableau 3). Malgré cela, assez souvent (50 % des épanchements sans étiologie évidente au départ), la cause ne sera pas retrouvée et le diagnostic porté sera celui d’épanchement péricardique chronique idiopathique. Ce diagnostic pourra être reconsidéré à moyen terme en fonction de l’évolution. Comment (faut-il) traiter ? Le traitement est celui de la maladie causale et celle-ci est connue dans 2/3 des cas lors de la découverte de l’EPE. Quand il n’y a pas d’étiologie claire et qu’un syndrome inflammatoire est associé, un traitement d’épreuve de péricardite aiguë par aspirine 6 semaines avec réduction progressive des doses (ou anti-inflammatoire non stéroïdien) + colchicine 3 mois peut être envisagé. A contrario, aucun traitement médical n’est efficace pour traiter un épanchement péricardique sans syndrome inflammatoire. Un épanchement péricardique asymptomatique n’est pas une péricardite. Si l’épanchement est compressif et/ou s’il se chronicise et est facilement accessible, une péricardiocentèse est nécessaire avec analyse du liquide péricardique et biopsie si possible. En pratique Dans la plupart des cas, les épanchements péricardiques (EPE) chroniques ne sont pas des péricardites. Un traitement par anti-inflammatoire et colchicine est alors inutile. Dans 60 % des cas, la cause de l’EPE est déjà connue lors de sa découverte. Dans les 40 % des cas restants, il faut activement chercher cancers, maladies auto-immunes, infections, etc. Si l’origine de l’EPE reste inconnue (20 % environ du total des cas), on peut répéter le bilan étiologique à 6 mois. Le risque de tamponnade à moyen terme est estimé à plus de 25 % pour les EPE moyens à abondants (> 10 mm, mesuré en diastole). Ce qui justifie une surveillance régulière (au moins après 1 à 2 semaines, 1 mois et 6 mois). Des tests de dépistage de l’infection tuberculeuse latente par détection de la production d’interféron gamma, tests communément appelés « tests IGRA » (pour Interferon Gamma Release Assays), ont été validés par la Haute Autorité de santé en 2015 en particulier pour la recherche de tuberculoses extrapulmonaires dans des populations à risque. Figure. Conduite à tenir devant un épanchement péricardique (chronique… ou pas).

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