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Cardiologie interventionnelle

Publié le 02 déc 2008Lecture 6 min

Quand ne pas mettre de stent coronaire ?

N. MARQUE, Hôpital Cochin, PARIS

Depuis 1986 et la première implantation d’un stent coronaire à Toulouse par Jacques Puel, plusieurs millions de patients ont bénéficié de ces endoprothèses.
Au cours des 20 dernières années, les stents ont constamment été développés et optimisés. L’année 2002 a été marquée par l’apparition des stents à élution de drogues actives sur la prolifération cellulaire. Bien que récemment ébranlées, la sécurité et l’efficacité de ces stents sont maintenant bien établies, sous condition d’une bonne observance du traitement antiagrégant plaquettaire. Mais la mise en place d’un stent coronaire est loin d’être un geste anodin, et doit être considérée au cas par cas, au vu des antécédents et de l’observance « estimée » du patient au traitement médical.

En 2007, plus de 95 % des procédures d’angioplasties coronaires se sont accompagnées de la pose d’un stent. Pourtant, il existe encore des situations où une angioplastie peut être réalisée avec de bons résultats, sans nécessairement avoir recours à une endoprothèse. En premier lieu, il ne faut pas implanter de stent quand il n’y a pas d’indication d’angioplastie… Toutes les sténoses significatives ne doivent pas forcément être dilatées et stentées. Le geste endovasculaire doit être indiqué en fonction de la symptomatologie du patient, et du résultat de tests d’ischémie menés sous traitement médical. Ensuite, il existe des « mauvaises indications » de l’angioplastie avec pose de stent. Un patient diabétique, tritronculaire, avec de longues lésions, et une contre-indication à une double antiagrégation prolongée, est un mauvais candidat à l’angioplastie et doit bénéficier d’une revascularisation chirurgicale. Un autre cas, souvent rencontré, est celui de patients présentant une ischémie ou des symptômes en rapport avec une lésion ostiale d’une artère secondaire, par exemple une diagonale sans atteinte de l’IVA. Dans ce cas, le renforcement du traitement médical doit être privilégié, l’angioplastie de cette lésion pouvant altérer le vaisseau mère qui était jusqu’alors sain. Quand une angioplastie coronaire est retenue, il existe plusieurs situations où un stent ne doit pas être implanté Dans l’infarctus du myocarde, l’étude TAPAS a récemment montré l’intérêt d’une thrombo-aspiration endocoronaire systématique à l’aide d’un cathéter Export® Medtronic avec de meilleurs résultats sur l’angioplastie en phase aiguë et une meilleure survie à 1 an par rapport à un groupe témoin. Après le passage du guide d’angioplastie à travers la lésion thrombotique et plusieurs aspirations endocoronaires, le résultat obtenu peut être excellent, sans sténose significative résiduelle (figures 1, 2 et 3). En effet, une plaque instable n’est pas forcément sténosante et l’obstruction du vaisseau est majoritairement le fait du thrombus induit par la rupture de plaque. Figure 1. Occlusion CD2 Figure 2. Thrombo-aspiration au cathéter Export® Figure 3. Résultat après thrombo-aspiration Après l’aspiration efficace de ce thrombus, on peut observer en angiographie une plaque résiduelle réalisant une sténose minime. Dans ces cas, il n’existe aucune preuve que l’implantation d’un stent fasse mieux que le traitement médical. L’adjonction d’un matériel étranger dans ce milieu très fortement prothrombotique peut en lui-même générer son lot de complications. Dans le cas d’un infarctus thrombolysé avec succès, avec un flux TIMI 3 dans l’artère responsable sur une angiographie réalisée précocement, il n’y a pas lieu de stenter dans le même temps la lésion sous-jacente. Les résultats négatifs de l’angioplastie facilitée (ASSENT 4) peuvent en partie être expliqués par un rebond thrombotique induit par la fibrinolyse. Il est important, dans ce cas de différer l’angioplastie d’au moins 6 heures. En revanche, si l’artère reste occluse malgré la thrombolyse, l’indication d’une angioplastie de sauvetage ne se discute pas, mais là encore le stenting ne doit pas être systématique et peut être différé en cas de résultat satisfaisant après thrombo-aspiration. Le contrôle coronarographique après instauration du traitement médical peut objectiver un excellent résultat « stent like », sans nécessité de geste complémentaire. Plus rarement des infarctus ont pour étiologie une migration thromboembolique dans une coronaire parfaitement saine. Si après thrombo-aspiration il n’existe plus de sténose significative, il n’y a aucune indication à l’implantation d’une endoprothèse. Enfin, des infarctus peuvent être secondaires à l’occlusion distale de petits vaisseaux < à 2 mm. Dans ces cas-là, le traitement doit rester médical. Les patients devant bénéficier d’une chirurgie urgente ou semi urgente Dans notre pratique quotidienne, nous sommes parfois amenés à réaliser une angioplastie pour des syndromes coronariens aigus survenant chez des patients devant bénéficier d’une chirurgie urgente ou semi urgente. Souvent, il s’agit de chirurgie carcinologique, dont le retard de prise en charge, même d’un mois peut, dans certains cas, grever le pronostic des malades. Dans ces cas, il est souvent préférable de se contenter d’un résultat satisfaisant après une dilatation au ballon seul, plutôt que de rechercher à obtenir un résultat parfait avec une endoprothèse. Il ne faut pas oublier qu’avant l’avènement du « stenting systématique », un grand nombre de patients ont été dilatés au ballon, avec de bons résultats, au prix d’un taux de resténose certes élevé, mais pas obligatoire (environ 40 %). Le meilleur moyen d’éviter la thrombose de stent est de ne pas mettre de stent !... Contrairement à l’angioplastie avec pose de stent, après dilatation au ballon seul, il n’est pas nécessaire d’instaurer une double antiagrégation plaquettaire, qui fera frémir la plupart des anesthésistes et des chirurgiens. Il est maintenant démontré que le risque de thrombose de stent est majeur, surtout les premiers mois après l’implantation de la prothèse si le traitement antiagrégant est arrêté, même temporairement et malgré le recours à des traitements substitutifs qui n’ont jamais montré la moindre efficacité dans la prévention de la thrombose de stent. Par ailleurs, la période périchirurgicale est prothrombotique en induisant des modifications de la volémie, de l’hémostase, et par les phénomènes inflammatoires secondaires. Enfin, dans certains cas d’angioplastie… Plusieurs études (non randomisées) ont montré un excellent résultat de la dilatation au ballon seul des anastomoses distales des pontages mammaires internes, avec de faibles taux de resténose (Gruberg, JACC 2000). Dans ce cas, la physiopathologie de la sténose est différente, plutôt secondaire à un phénomène inflammatoire et non à de l’athérosclérose. Si le résultat angiographique est bon après dilatation au ballon, il n’y a probablement pas d’intérêt à l’implantation systématique d’un stent. Dans un autre domaine, des résultats encourageants ont été obtenus dans la resténose intrastent avec l’utilisation de ballon coatés avec une drogue pharmacologiquement active (paclitaxel) qui diminueraient la resténose par rapport aux stents actifs classiquement utilisés dans cette indication (PEPCAD II-ISR). Les lésions de bifurcation représentent un challenge de l’angioplastie. Une première vague d’optimisme a vu naître de nombreuses techniques adaptées à ces sténoses de bifurcation utilisant plusieurs stents. Les résultats à moyen et long termes se sont souvent montrés décevants avec un taux élevé de resténose, même avec les stents actifs. Actuellement, il est admis qu’il faut privilégier, si possible, la stratégie nécessitant le moins de métal et donc de stents (Nordic bifurcation study). Il n’y a pas d’indication à stenter systématiquement la branche « fille » d’une bifurcation, en réservant l’implantation d’une seconde endoprothèse aux cas où le diamètre est > 2 mm et où le résultat angiographique après ballon est défavorable. Enfin, après une thrombose de stent, il faut éviter l’implantation d’un nouveau stent intrastent et privilégier la thrombo-aspiration. Si une cause mécanique est retenue pour expliquer cet accident, il faudra alors optimiser le déploiement du stent d’origine par une surdilatation au ballon. L’échographie endocoronaire est d’une grande utilité dans cette indication. Le stent biorésorbable : l’avenir ? Peut-être la réponse à tous ces cas particuliers sera-t-elle apportée par l’avènement du stent biorésorbable. Ce stent, en cours de développement, aurait l’immense avantage de se résorber progressivement en quelques semaines. Sur un plan purement théorique, ce nouveau matériel combinerait tous les avantages. Il associerait l’efficacité du stent classique sur les phénomènes de recoil, le traitement des dissections coronaires et la resténose, et la sécurité de l’angioplastie au ballon seul, et ce en évitant tous les effets indésirables potentiellement létaux représentés par les thromboses tardives de stents et les durées prolongées de double antiagrégation plaquettaire. Cependant, au vu des résultats des premières études cliniques (ABSORB), une optimisation des capacités biomécaniques de ces prothèses est nécessaire. Dans l’avenir, la pratique et les indications de la cardiologie interventionnelle seront peut-être radicalement modifiées par ce nouveau matériel.

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