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Cardiologie interventionnelle

Publié le 02 mar 2010Lecture 7 min

Stenting carotidien : que doit-on savoir ?

B. BEYSSEN, Radiologie Vasculaire, Paris et Neuilly sur Seine

La découverte d’une sténose athéromateuse de la bifurcation carotidienne chez un patient suivi pour une cardiopathie ischémique est relativement fréquente. Le but du traitement est de prévenir la survenue ou la récidive d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Ce risque est très variable selon le caractère symptomatique ou non de la sténose et son degré de rétrécissement en diamètre (NASCET). Les indications de revascularisation ont été parfaitement définies à la suite des grands essais randomisés réalisés il y a une vingtaine d’années, comparant la chirurgie au traitement médical. La chirurgie reste le traitement de référence mais des indications de traitement endovasculaire sont désormais reconnues.

15 000 endartériéctomies carotidiennes par an en France Chez les patients symptomatiques, la chirurgie a démontré un bénéfice en cas de sténose > 50 % (et hautement bénéfique au-delà de 70 %). Le bénéfice est immédiat malgré un taux de complications de la chirurgie se situant entre 4 et 7 % selon les études. Après la survenue d’un accident ischémique transitoire ou constitué, en rapport avec une sténose serrée de la carotide, le risque de récidive est majeur dans les premiers jours (autour de 10 % dans le 1er mois), nécessitant une revascularisation précoce. En cas de sténose asymptomatique serrée (> 60 %) le faible risque de survenue d’un accident ischémique (2 % par an !) nécessite que la technique de revascularisation soit parfaitement maîtrisée. En pratique la chirurgie, avec un taux de complications se situant entre 1 et 3 %, est indiquée en cas de sténose > 60 %. Le bénéfice de la chirurgie apparaît à 2 ans nécessitant de prendre en compte l’âge et les comorbidités du patient dans la décision de revascularisation. Le défi majeur de l’angioplastie reste à ce jour de démontrer son équivalence par rapport à la chirurgie, à la phase initiale par la maîtrise du risque embolique et au cours du suivi par son rôle préventif dans la survenue d’un accident ischémique. Études randomisées stenting versus chirurgie Les résultats des études randomisées prospectives multicentriques comparant le stenting à la chirurgie (EVA 3S en France et SPACE en Allemagne) concernent uniquement les patients symptomatiques (tableau). Ces essais ont été réalisés avec un audit neurologique. Elles concluent toutes les deux que ces patients doivent bénéficier d’une revascularisation chirurgicale si ce geste est réalisable. Dans EVA 3S, il faut noter l’excellence des résultats de la chirurgie avec un taux de complications (AVC mineur ou majeur et décès) particulièrement bas à 3,9 % alors qu’il est de 6,51 % en Allemagne et 10 % en Angleterre. Enfin, les accidents neurologiques ne sont pas tous ischémiques, des accidents hémorragiques par reperfusion sont survenues dans les deux groupes d’EVA 3S (3/261 après stenting et 3/259 après chirurgie) et de SPACE. Plusieurs registres (CAPTURE, ARCHER) confirment que les sténoses symptomatiques présentent un risque élevé d’AVC, probablement en rapport avec une instabilité de la plaque. Le registre CAPTURE 3000 a inclus des patients chez lesquels le traitement par stenting carotidien était préféré à la chirurgie. Le taux de complications (décès et AVC) est deux fois plus élevé chez les patients symptomatiques (5,9 % versus 2,3 % pour les décès et les AVC sévères). Ces résultats en faveur de la chirurgie pour les sténoses symptomatiques ne sont pas extrapolables aux sténoses asymptomatiques qui représentent environ 80 % des patients revascularisés. En ce qui concerne les sténoses asymptomatiques, il faut attendre le résultat d’essais multicentriques prospectifs et randomisés comparant le stenting à la chirurgie. Un essai est en cours aux États-Unis (CREST) et plusieurs devraient débuter (ACST 2 en Europe). Stenting carotidien et Haute Autorité de Santé À la demande des sociétés savantes et de l’assurance maladie, la HAS a réuni un groupe d’experts afin de préciser les indications du stenting carotidien. À la suite à cette évaluation (consultable sur le site : www.has-sante.fr), la HAS a émis un avis favorable à l’inscription en vue du remboursement des actes de stenting carotidien et des stents. Début 2009, un accord est intervenu pour le remboursement de plusieurs stents carotidiens. La prise en charge de la procédure doit s’accompagner de la mise en place d’un registre observationnel. Chez quels patients envisager un stenting carotidien ? Soit la chirurgie est contre-indiquée pour des raisons techniques ou anatomiques : - sténose inaccessible, - cou hostile (en particulier en cas de resténose post chirurgie (figure 1) ou de sténose post radiothérapie), - trachéotomie, etc. Soit les conditions « médico-chirurgicales » du patient sont jugées à risque : - clinique (insuffisance cardiaque avec FE < 30 %, cardiopathie ischémique instable, valvulopathie sévère, insuffisance respiratoire sévère, etc.), - hémodynamique (occlusion de la carotide controlatérale, etc.), - thérapeutique (traitement par anti-agrégants ne pouvant pas être interrompu). Figure 1. Resténose serrée 6 mois après chirurgie. A. Sténoses serrées en tandem de la carotide commune et de l’origine de la carotide interne. B. Résultat final après stenting. La décision de stenting doit relever d’une décision multidisciplinaire avec notamment un avis spécialisé sur la nécessité de revascularisation et l’avis d’un chirurgien vasculaire. La HAS fait des recommandations concernant l’opérateur (en particulier la réalisation d’un minimum de 25 procédures) et le centre (salle d’angiographie numérisée, matériel adéquat à disposition). Par ailleurs, des compétences dans la prise en charge d’un AVC sont requises avec la possibilité d’accès à une unité neuro-vasculaire spécialisée. Enfin, la réalisation d’une imagerie non invasive en coupe avant le stenting est indispensable afin d’analyser les conditions de navigation et d’optimiser le choix du matériel. Sténose serrée de la carotide découverte avant chirurgie cardiaque : quelle attitude adopter ? Les données de la littérature ne permettent pas de conclure sur la nécessité d’une revascularisation carotidienne et sur la séquence des deux interventions. Pour le groupe de travail de la HAS, la décision est à prendre au cas par cas. En cas de revascularisation carotidienne première, le choix d’un traitement endovasculaire par rapport à une endartérectomie apparaît une technique séduisante (figure 2). – Angor instable. – Lésions tri-tronculaires avec indication de pontage. – Sténose serrée asymptomatique de la carotide interne droite. Après avis neurologique, décision multi-disciplinaire de réaliser un stenting carotidien suivi d’une CEC à J10. Suites opératoires simples avec retour à domicile à J9 post CEC. À 6 mois le Doppler de contrôle montre l’absence de resténose. Figure 2. Homme de 52 ans. Un registre prospectif monocentrique (Van der Heyden, Circulation 2007) a inclus 356 patients avec une sténose asymptomatique de plus de 80 % traités par stenting suivi d’une chirurgie cardiaque lourde (entre J14 et J30). Les résultats sont très intéressants avec un taux d’AVC majeur et de décès à J 30 après la chirurgie cardiaque de 4,8 %. La publication récente (2009) d’un registre prospectif multicentrique (SHARP Study) incluant 101 patients confirme ces résultats avec à 1 mois un taux de complications (décès, AVC et infarctus) de 4 %. Le suivi à 12 mois est très encourageant sans survenue d’accident ischémique cérébral. Une technique désormais bien codifiée Comme au niveau coronaire, l’association de deux antiagrégants plaquettaires (aspirine 125 mg/jour et clopidogrel 75 mg/jour) débutés 48 heures avant la procédure et poursuivis sans interruption durant au moins un mois doit être systématique. La technique a beaucoup évolué en une dizaine d’années. La mise en place d’un stent auto-expansible non déformable (figure 3) est systématique afin de stabiliser la plaque et réduire le risque de resténose. L’excellent profil des stents de dernière génération permet d’envisager un stenting premier suivi d’une angioplastie par ballon afin d’expandre le stent. La procédure est presque systématiquement accompagnée d’une protection cérébrale (figure 4) visant à prévenir la migration d’emboles en aval du vaisseau traité. Figure 3. Stents carotidiens auto-expansibles. A. Stent en Nitinol (Acculink – Abbott Vx). Stent à cellules ouvertes assurant une grande souplesse. B. Stent en acier (Carotid Wallstent – Boston). Stent tressé à maillage étroit favorisant la stabilisation de la plaque. Figure 4. Protection du risque embolique par filtre. Plusieurs systèmes sont disponibles (centré ou excentré). Le choix se fait en fonction du bilan anatomique. A. Filtre excentique Spider (EV 3) avec guide indépendant B. Filtre concentrique Angioguard (Cordis) En pratique, il faut savoir reconnaître les patients et/ou les lésions à plus haut risque de complications par une analyse précise et complète du dossier. Il faudra savoir récuser certains patients ou choisir une technique adaptée spécifique (en particulier pour la navigation au niveau de la crosse de l’aorte). En cela, l’angioplastie carotidienne diffère de la chirurgie, technique relativement standardisée. Les résultats encourageants du stenting carotidien à moyen terme Au-delà du premier mois, le suivi (entre 2 et 4 ans) des patients des études randomisées EVA 3S et SPACE est rassurant. Le suivi clinique à 4 ans ne montre pas de différence entre les deux groupes en termes de décès et accident ischémique cérébral (1 % d’événement par an). À 6 mois, le taux d’événement embolique ipsilatéral est faible aussi bien dans le groupe stenting que dans le groupe endartérectomie. Le taux de resténose est faible dans les deux groupes, plus bas après chirurgie (4,6 %) qu’après stenting (10,7 %). Un registre rétrospectif français récemment publié rapporte un taux de resténose après stenting de sténoses d’origine radique de 13,3 % (18/135) avec un suivi de 30 mois. La majorité de ces patients sont asymptomatiques (14 sur 18). En pratique Le stenting carotidien demeure une technique d’avenir, comme le rapportent les publications récentes avec un taux de succès technique et clinique élevé. L’incidence des complications au cours et dans les suites immédiates de la procédure est en grande partie fonction de la sélection du patient, du choix du matériel et de la maîtrise du geste par une équipe entraînée.

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