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Mise au point

Publié le 20 jan 2023Lecture 6 min

Intérêt de l’imagerie intracoronaire dans l’arrêt cardiaque extrahospitalier

Vincent PHAM, Pierre BRAMI, Fabien PICARD, Olivier VARENNE, service de cardiologie interventionnelle, Hôpital Cochin, Paris

L’arrêt cardiaque extrahospitalier représente la première cause de mortalité dans le monde. Malgré l’amélioration de la prise en charge, son pronostic reste péjoratif même après un retour à une activité cardiaque spontanée. La maladie coronaire constitue l’étiologie principale des arrêts cardiaques extrahospitaliers dans les pays développés. L’angioplastie coronaire a montré un intérêt sur la survie de ces patients en cas de lésion instable responsable de troubles du rythme si la prise en charge en cardiologie interventionnelle est suffisamment précoce. Néanmoins, plusieurs essais randomisés ont récemment remis en cause le bénéfice sur la mortalité à 30 jours d’une stratégie d’exploration coronaire précoce comparativement à une stratégie retardée chez les patients présentant un arrêt cardiaque sans sus-décalage du segment ST à l’ECG après retour d’une circulation spontanée (RACS).

Dès lors, l’enjeu est d’identifier plus précisément les patients qui pourraient présenter une lésion coronaire instable et par conséquent bénéficier d’une angioplastie coronaire précoce. Il reste néanmoins important de garder en tête que l’arrêt cardiaque, même secondaire à un infarctus, ne se résume pas à une pathologie coronaire isolée mais comporte également des perturbations systémiques majeures. L’imagerie endocoronaire, par une meilleure sensibilité à détecter les lésions coronaires instables et par un guidage précis de l’angioplastie, pourrait améliorer la sélection et le traitement des patients comparativement à la coronarographie seule dans le post arrêt cardiaque.   AMÉLIORATION DE LA DÉTECTION DES LÉSIONS COUPABLES   En cas d’arrêt cardiaque ressuscité, l’enjeu théorique de la coronarographie réside dans la détection puis dans le traitement d’une occlusion coronaire aiguë ou d’une lésion athérothrombotique aiguë à l’origine d’un trouble du rythme ventriculaire. Malgré les difficultés d’interprétation d’un électrocardiogramme 12 dérivations en post arrêt cardiaque, deux situations sont rencontrées en pratique courante.   Présence d’un sus-décalage du segment ST Dans cette situation, la coronarographie retrouve au moins une occlusion aiguë avec flux TIMI 0 dans environ 70 % des cas. Dans ce cas, l’identification de l’artère coupable est aisée et la relation entre la maladie coronaire et l’arrêt cardiaque est évidente. Dans les autres cas, la présence d’un retard de flux (TIMI 1 ou TIMI 2) et la localisation du sus-décalage aident à déterminer la lésion potentiellement coupable. Néanmoins, en cas d’incertitude diagnostique, l’imagerie endocoronaire peut aider à révéler un thrombus, une érosion ou une rupture de plaque, plus rarement une sténose serrée ou une dissection coronaire spontanée. La figure 1 décrit le cas d’un patient admis pour un arrêt cardiaque extrahospitalier sur rythme choquable. L’électrocardiogramme 12 dérivations post-RACS mettait en évidence un flutter atrial associé à un sus-décalage du segment ST en antérieur mais dont l’aspect de miroir était difficile à déterminer en raison du flutter. La coronarographie faite en urgence retrouvait un aspect hétérogène au niveau de l’artère interventriculaire antérieure moyenne, associé à un flux TIMI 3. Un complément par imagerie par cohérence optique (OCT) a alors permis de confirmer la nature thrombotique de la lésion sur une rupture de plaque sous-jacente.   Absence de sus-décalage du segment ST En cas d’absence de sus-décalage du segment ST sur l’ECG post-RACS, la prévalence de la maladie coronaire est mal connue. Dans les essais randomisés (COACT, PEARL et EMERGE), un nombre non négligeable de patients avaient une occlusion coronaire aiguë (5,0 à 11,0 %)(1-3). Dans l’étude TOMAHAWK, ayant inclus des arrêts cardiaques extrahospitaliers sur rythme choquable et non choquable, une maladie coronaire était retrouvée dans plus de 60 % des cas avec l’identification d’une lésion coupable en angiographie dans 40 % des cas(4). Dans COACT, PEARL et EMERGE, une lésion coupable était retrouvée dans respectivement 16,9 %, 45,0 % et 27,5 % à la coronarographie. Nous avons étudié l’apport de l’imagerie endocoronaire par OCT dans les 3 axes épicardiques chez 22 patients sans sus-décalage de ST à l’ECG post-RACS. L’OCT a permis de mettre en évidence près de 50 % de lésions coronaires instables non diagnostiquées de façon formelle à la coronarographie (ruptures de plaque n = 6, érosions de plaque n = 6 et thromboses n = 13)(5). Cette étude a soulevé l’hypothèse de l’existence d’une sous-détection en coronarographie de lésions coupables en cas d’arrêt cardiaque. Devant un tableau évocateur de syndrome coronaire aigu, un consensus d’experts suggère l’utilisation de l’imagerie endocoronaire en cas de coronaropathie obstructive ou non sans lésion coupable avérée(6). La mise en évidence d’un thrombus permet d’identifier la lésion coupable et l’imagerie par OCT constitue actuellement le gold standard dans l’identification d’un thrombus. La figure 2 décrit le cas d’un arrêt cardiaque extrahospitalier sur rythme choquable chez un patient avec antécédent de coronaropathie avec angioplastie de l’IVA. L’ECG post-réanimation ne retrouve pas de sus-décalage du segment ST. La coronarographie retrouve un flux TIMI 3 dans les 3 troncs épicardiques sans lésion coupable évidente. L’imagerie endocoronaire par OCT permet de mettre en évidence une thrombose de stent de l’IVA ainsi qu’une malapposition du stent précédemment implanté, permettant ainsi de poser un diagnostic causal à l’arrêt cardiaque et à modifier singulièrement la prise en charge thérapeutique (dans le cas présent, thromboaspiration de l’IVA, double traitement antiplaquettaire, pas d’implantation de défibrillateur automatique). En cas d’absence de lésion coronaire obstructive à la coronarographie associée à un infarctus du myocarde (confirmé par l’IRM), le diagnostic de Minoca doit demeurer un diagnostic d’élimination. Bien que le lien entre Minoca et arrêt cardiaque demeure une entité largement inconnue, certaines séries rapportent un taux d’arrêts cardiaques variable entre 1,3 et 6 % chez les patients présentant un Minoca(7). Parmi les principaux mécanismes connus actuellement comme responsables de Minoca on retrouve l’érosion de plaque et la plaque excentrée avec remodelage positif. Dans ce cas, l’utilisation de l’imagerie endocoronaire (par OCT ou IVUS) apporte une aide précieuse dans la confirmation diagnostique. Une autre cause de Minoca plus rare (responsable de 1,7 à 4 % des Minoca) est la dissection coronaire spontanée. Cette entité doit être évoquée chez de femme de moins de 50 ans avec une association importante à la dysplasie fibromusculaire. Dans ce cas, l’imagerie endocoronaire peut parfois aider au diagnostic final en cas d’incertitude angiographique.   OPTIMISATION DE L’ANGIOPLASTIE DANS UN CONTEXTE À HAUT RISQUE   La balance entre thrombose et saignement est une entité bien connue du cardiologue interventionnel en cas de syndrome coronaire aigu avec un impact majeur sur les événements cardiovasculaires à court et à long terme. Les études récentes ont mis en évidence un risque accru de thromboses et de saignements en cas d’arrêt cardiorespiratoire en lien avec un infarctus du myocarde(8) (figure 3).   Le risque thrombotique Les études observationnelles ont retrouvé un risque plus important d’événements ischémiques et notamment de thromboses de stent en cas d’arrêt cardiaque extrahospitalier secondaire à un infarctus. Ce surrisque ischémique est d’origine plurifactoriel. Parmi les causes, on retrouvera un défaut d’efficacité des traitements antithrombotiques secondaires à l’hypothermie thérapeutique, l’instabilité hémodynamique ainsi qu’une une altération de l’absorption digestive. La survenue d’une thrombose de stent chez ces patients étant rapportée comme augmentant significativement le risque de mortalité, tout doit être mis en œuvre pour éviter la survenue d’un tel événement.   Le risque hémorragique Le risque hémorragique accru chez les patients ayant présenté un arrêt cardiorespiratoire secondaire à un syndrome coronaire aigu est également lié au traitement antithrombotique, l’abord artériel utilisé lors de la coronarographie (fémoral contre radial), les manœuvres de réanimation (massage cardiaque externe) et éventuellement l’usage de dispositifs d’assistance circulatoire(9).   L’imagerie endocoronaire pour optimiser l’angioplastie et diminuer le risque d’événements thrombotiques Les bénéfices de l’utilisation de l’imagerie endocoronaire pour guider les angioplasties percutanées émergent progressivement. Certaines études observationnelles et randomisées ont mis en évidence un bénéfice de cette technique dans le résultat procédural immédiat ainsi que sur les événements à plus long terme(10,11). L’utilisation de l’imagerie endocoronaire permet une meilleure évaluation des diamètres coronaires, des longueurs des plaques athéroscléreuses, une meilleure étude de la nature des lésions (plaques molles, calcifications) et une meilleure sensibilité dans la détection des dissections coronaires aux extrémités des stents. L’arrêt cardiorespiratoire étant une situation particulièrement à haut risque ischémique, l’implantation optimale du ou des stents pourrait permettre de réduire le risque de thrombose de stent et la mortalité de ces patients.

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