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Mise au point

Publié le 28 fév 2015Lecture 12 min

Les produits de contraste de salle en coronarographie/angioplastie coronaire

J.-Y. PAGNY, Clinique Alleray-Labrouste ; HEGP, Paris

Les produits de contraste introduits dans les années 1920 ont vu leurs propriétés évoluer avec le temps pour devenir de mieux en mieux tolérés. En salle de cathétérisme, seuls les produits hydrosolubles sont utilisés notamment les produits dits de « nouvelle génération » qui sont de basse osmolalité (identique ou au plus 2 fois celle du sang) et non ioniques. Ces propriétés chimiques leur confèrent une meilleure tolérance clinique, néphrologique et même allergologique.

De la structure chimique… aux propriétés des produits de contraste Les produits de contraste sont constitués de molécules de benzène auxquelles sont attachées pour chacune, 3 atomes d’iode. Les produits dits « monomère » n’ont qu’un seul noyau benzène, les « dimères » en ayant deux qui sont solidaires. Lors de leur dissolution, les produits de contraste ioniques se scindent en deux particules chargées électriquement (anion et cation), l’anion portant l’iode. Pour un monomère ionique il y aura ainsi 3 atomes d’iode pour deux particules (anion et cation), le rapport iode/particule est de 3/2. Pour un dimère ionique le rapport est de 6 atomes d’iode pour deux particules et donc le rapport iode/particule est de 3/1. À l’inverse, les agents non ioniques restent stables. Lors de leur dissolution, il y aura 3 atomes d’iode pour une particule, le rapport iode/particule reste 3/1. L’osmolalité est constituée par le nombre de particules présentes dans le sang. Ainsi, les monomères non ioniques et les dimères ioniques ou non ioniques constituent les produits de faible osmolalité. En revanche, les monomères ioniques ont une osmolalité élevée. L’évolution des produits de contraste a pour but d’améliorer leur tolérance, leur toxicité tout en gardant le meilleur pouvoir opacifiant (tableau 1). Épidémiologie La littérature rapporte des grandes séries avec des examens de tous types (scanners, angiographies, etc.). Le risque d’effets secondaires est de l’ordre de 3 % avec les produits de faible osmolalité contre 15 % pour les produits de contraste d’osmolalité élevée. De même, les produits de contraste non ioniques ont un taux d’effets secondaires faible de 0,3 à 3 % contre 0,6 à 13 % pour les produits ioniques. Le risque de décès lié aux produits de contraste est très bas, et est évalué entre 0,05 et 1 pour 170 000 procédures. Récemment sur 84 928 scanners, 545 patients (0,6 %) ont présenté une allergie avec des réactions mineures dans 77 % des cas, modérées dans 21 % des cas et sévères dans 2 % des cas. Il faut également noter la possibilité de réactions retardées, majoritairement mineures, avec une prévalence de 2 à 8 %. En salle de cathétérisme, seuls les produits de faible osmolarité ou iso-osmolaires sont maintenant autorisés. Nous développerons dans cet article les problèmes d’allergie et de néphrotoxicité. Les allergies aux produits de contraste Facteurs de risque de réactions d’hypersensibilité aux produits de contraste iodés Ces facteurs de risque incluent des antécédent s de réactions allergiques aux produits de contraste ioniques ou non ioniques (risque multiplié par 6), l’asthme (risque multiplié par 5 à 10), une histoire d’allergies multiples (risque multiplié par 1,5 à 3), le sexe féminin, une allergie médicamenteuse et les patients prenant de l’interleukine 2 (anticancéreux). Une allergie aux fruits de mer (allergie contre une protéine tropomyosine-like) est également un facteur de risque (1,5 à 3 fois plus élevé) au même titre que les allergies multiples, mais la difficulté est d’identifier une vraie allergie aux fruits de mer par rapport à une simple intolérance. Les bêtabloquants n’augmentent pas le risque, mais peuvent rendre plus difficile une réanimation nécessaire. Physiopathologie des réactions d’hypersensibilité aux produits de contraste iodés Le mécanisme des réactions aux produits de contraste reste inconnu, mais des réactions sont identifiées, de gravité variable. Réactions chimiotoxiques. Elles précipitent une cascade d’événements telles que libération de substances vasoactives avec activation du complément, fibrinolyse, inhibition de l’agrégation plaquettaire, neurotoxicité directe, diminution de la contractilité et conduction myocardique. Ces réactions sont doses dépendantes. Elles peuvent entraîner nausées, vomissements, néphrotoxicité, etc. Réactions liées à une osmolalité élevée. Elles sont connues et sont à type de douleurs, nausées, vomissements, augmentation du tonus vagal, œdème pulmonaire et baisse des résistances périphériques. Réactions d’idiosyncrasie. Ces réactions peuvent survenir et simuler une allergie sans qu’il y ait eu de contact préalable avec les produits de contraste : tachycardie, hypotension, œdème de la langue, œdème laryngé, bronchospasme, dyspnée, palpitations, etc. Réactions liées directement à l’iode. Elles associent des œdèmes des glandes parotides, sub-linguales et lacrymales, des rashs cutanés et une thyrotoxicose. Les IgE ne semblent pas jouer de rôle dans la plupart des réactions allergiques. Une activation directe des mastocytes et basophiles serait en cause avec libération de médiateurs vasoactifs. Choc anaphylactique avec bronchospasme et choc hémodynamique. Ils peuvent être dus à une liaison du produit de contraste avec les anticorps IgE, mais ils imposent une exposition préalable aux produits de contraste. Réaction aiguë versus retardées La grande majorité des réactions surviennent dans l’heure du contact mais, dans 2 à 8 % des cas, la réaction peut être retardée jusqu’à 1 semaine. La plupart du temps, ces réactions consistent en une fièvre, des nausées, un rash, de l’urticaire, un angiœdème mais elles sont parfois plus graves avec une nécrose épidermique toxique, un érythème multiforme ou un rash bulleux. Ces réactions, très rares, seraient médiées par les lymphocytes CD4 et CD8. Prévention Pour les patients à haut risque de réaction d’hypersensibilité aux produits de contraste, des prétraitements par corticoïdes et antihistaminiques (H1) diminuent les réactions secondaires de 17-35 % à 5-10 %. L’efficacité de la méthylprednisolone donnée 12 heures et 2 heures avant l’exposition a été démontrée sur une grande série de plus de 6 000 patients. Les protocoles actuels recommandent : - l’utilisation d’un anti-H1, d’un anti-H2 éventuellement et des corticoïdes en cas d’idiosyncrasie avec une réaction modérée ou sévère incluant éventuellement une composante respiratoire. Les anti-H2 seuls sans anti-H1 ne sont pas recommandés ; - chez les patients à haut risque, en plus des produits isoosmolaires non ioniques, des corticoïdes et anti-H1, il est recommandé d’arrêter les bêtabloquants qui pourraient entraver la réanimation. Ces recommandations sont discutables lorsqu’elles concernent des populations non sélectionnées (sans nécessairement « d’allergie » préalable), les essais randomisés ne pouvant établir de preuve formelle de « rade élevé » du fait du petit nombre d’accidents graves. Dans les groupes sélectionnés avec une allergie déjà connue, il n’existe pas d’essai randomisé d’où l’absence de preuve d’efficacité formelle. En revanche, il a bien été montré que les prémédications ne sont pas délétères et ont comme seul inconvénient leur coût supplémentaire. Dans une étude rétrospective incluant 55 000 patients avec une prévalence de réactions aux produits de contraste de 1,05 % (0,032 % de réactions graves), le facteur majeur prédisposant à une réaction allergique grave était l’asthme alors que les facteurs tels que l’allergie préalable à un produit de contraste, l’allergie aux fruits de mer, les comorbidités cardiovasculaires ne prédisposent qu’à des réactions mineures ou modérées (tableau 2). Néphropathie induite par les produits de contraste Cette néphropathie se définit par une augmentation de la créatininémie de plus de 5 mg/l en valeur absolue ou de plus de 25 % de la créatininémie ou mieux, d’une diminution ≤ 30- 60 ml/min de la clairance de créatininémie calculée en utilisant la formule MDRD ou Cockcroft. Cette insuffisance rénale survient habituellement sans symptômes avec un pic d’altération entre le 3e et 5e jour pour revenir à la normale en 2 semaines. Dans de rares cas, l’insuffisance rénale est sévère avec oligurie pouvant conduire à la dialyse. Incidence La survenue d’une néphropathie induite par les produits de contraste est exceptionnelle lorsque la fonction rénale est normale. En revanche, elle est plus fréquente chez le patient ayant une insuffisance rénale surtout avec une néphropathie diabétique. Parmi toutes les injections de produits de contraste, les injections intra-artérielles comme lors d’une coronarographie sont les plus toxiques. Selon de grands registres de cardiologie interventionnelle, le taux de néphropathie induite atteint 3,3 %. Des scores de risque ont été développés et les facteurs principaux qui contribuant à la survenue de cette néphropathie induite clairement définis : - comorbidités : diabète, insuffisance rénale (clairance de la créatinine < 60 ml/min.1,73 m2), insuffisance cardiaque ; - variables de la procédure : volume de contraste, nécessité d’une contre-pulsion intra-aortique. Le pronostic à 1 an des patients qui déclenchent une néphropathie aux produits de contraste est plus sombre avec plus d’événements cardiovasculaires (AVC, infarctus, insuffisance cardiaque), d’insuffisance rénale terminale et de décès. Physiopathologie et facteurs favorisants (tableau 3) L’injection de produits de contraste induit une réponse rénale biphasique avec d’abord une rapide mais courte vasodilatation rénale qui augmente le débit rénal, puis une vasoconstriction avec une baisse du débit de filtration glomérulaire. Ceci est responsable d’une ischémie rénale notamment au niveau de la médullaire avec une formation d’agents oxydants et une diminution du NO contribuant à des dommages cellulaires tubulaires directs. En plus du diabète et de l’insuffisance rénale préalable, d’autres facteurs favorisent la survenue d’une néphropathie induite : la déshydratation, l’âge supérieur à 70 ans, l’utilisation de médicaments néphrotoxiques, etc. La déshydratation en sel ou en eau est responsable d’une réduction du volume circulant effectif ce qui entraîne dans le tubule rénal un accroissement de la réabsorption de sel et d’eau et, par voie de conséquence, une augmentation de la concentration dans le tubule rénal du produit de contraste toxique au niveau cellulaire par sa viscosité accrue. L’âge avancé, l’anémie, l’insuffisance cardiaque, la fraction d’éjection basse, le transplanté rénal et le sepsis représentent des conditions favorisantes de néphropathie induite par les produits de contraste. En postchirurgie cardiaque, une aggravation de la fonction rénale survient chez 5,7 % des patients avec un risque 3 fois plus élevé lorsque la chirurgie intervient le jour même de l’opacification versus plus de 24 heures après. Les médicaments concomitants néphrotoxiques tels que les aminosides, la ciclosporine A, l’amphotéricine, le cisplatine, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, le dipyridamole sont également des facteurs favorisant la néphropathie induite. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les bloqueurs du récepteur de l’angiotensine II sont des médicaments discutés dans leur rôle favorisant une néphropathie induite, surtout chez les personnes âgées, mais leur interruption n’est pas recommandée par les guidelines (Acute Kidney Injury Work Group) faute de preuve suffisante. Les patients insuffisants rénaux ont un système antioxydant déficient avec des dysfonctions endothéliales expliquant la survenue plus fréquente de néphropathie induite par les produits de contraste dans cette population. Le diabète constitue également un facteur prédisposant de néphropathie induite dès lors qu’il existe une insuffisance rénale préexistante et à chaque niveau de filtration glomérulaire, l’existence d’un diabète double le risque de néphropathie induite. En revanche, chez un patient diabétique sans insuffisance rénale, le diabète ne semble pas être un facteur de risque de néphropathie. Le myélome multiple et la maladie de Waldenström avec protéinurie à chaînes légères sont des comorbidités à risque de néphropathie induite. Rôle des produits de contraste dans la néphrotoxicité Les études in vitro ont montré la cytotoxicité accrue des produits de contraste hyperosmolaires et il a bien été démontré que les produits iso-osmolaires ou à basse osmolalité induisent moins de néphropathie. Des métaanalyses montrent le même taux de néphropathie induite par les produits iso-osmolaire versus les produits à basse osmolalité. Les recommandations 2014 prônent l’utilisation des produits iso-osmolaires ou à faible osmolarité (classe I, A) avec une préférence pour les produits iso-osmolaires (classe IIa, A). Prévention de la néphropathie induite par les produits de contraste Des précautions avec l’hydratation au 1er plan Cette néphropathie n’est pas aussi fréquente qu’on le pensait par le passé et survient chez des patients à risque bien identifiés. C’est donc dans ce groupe qu’il faut être particulièrement vigilant sur les précautions. Quel est le rôle des traitements adjuvants en plus de l’hydratation ? Parallèlement à ces précautions d’hydratation, des molécules antioxydantes ont été testées pour prévenir la survenue d’une néphro pathie induite aux produits de contraste. La N-acétylcystéine. C’est un antioxydant qui améliore la vasodilatation liée au NO. Son efficacité cellulaire in vitro est bien démontrée, mais in vivo les résultats sont contradictoires. Chez les patients à haut risque, il semble avoir une efficacité à la dose 600 mg, 2 fois par jour la veille et le jour de l’examen, ou une dose de 150 mg IV une demi-heure avant l’examen. L’acide ascorbique. Les résultats sont également contradictoires avec une dose de 3 g per os 2 heures avant l’examen et 2 g la nuit qui suit ainsi que le matin. Une métaanalyse regroupant 1 536 patients plaide en faveur d’une efficacité avec un risque de développer une néphropathie induite diminué de 33 %. Le nébivolol. Il a été testé à la dose de 5 mg/j chez des patients insuffisants rénaux du fait de ses propriétés antioxydantes et son action vasodilatatrice médiée par le NO avec une efficacité protectrice au cours de procédures coronaires. Les statines. Elles ont également des propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires, antithrombotiques et vasodilatatrices par un effet médié par le NO. Les résultats sont probants avec la rosuvastatine (10 mg/j) administré 2 jours avant et 3 jours après la procédure chez des patients diabétiques. L’atorvastatine s’est également révélée efficace à 40 mg/j pendant les 3 jours qui précèdent ou en chronique. Chez les patients ayant une coronarographie en urgence au cours d’un SCA, des traitements plus courts (rosuvastatine : 40 mg/j à l’admission puis 20 mg/j ; atorvastatine : 80 mg 12 heures avant la procédure et 40 mg au moment de la procédure) semblent également efficaces pour diminuer l’incidence de néphropathie induite (6,7 % avec la rosuvastatine, 5 % avec l’atorvastatine vs placebo, respectivement 15,1 % et 13 %). Ainsi l’utilisation précoce de fortes doses de statines au cours d’un SCA semble prévenir la survenue d’une néphropathie induite par les produits de contraste. Le furosémide. Son efficacité a été suggérée par la diminution de la réabsorption tubulaire avec un débit urinaire augmenté permettant aux produits de contraste de rester moins longtemps en contact avec les cellules tubulaires. Cet effet positif est contrebalancé par la déplétion hydrosodée d’ou` l’idée de maintenir une hydratation compensant exactement le volume urinaire. Cette méthode se montre efficace chez 170 insuffisants rénaux randomisés entre l’hydratation seule et l’hydratation associée au furosémide (0,5 mg/kg avant la procédure et à répéter éventuellement pour obtenir une diurèse de 300 ml/h avant et pendant les 4 h qui suivent la procédure) avec un taux de néphropathie induite de 4,6 % vs 18 % sans furosémide. La quantité de sérum physiologique administrée était de 1,7 l pour 24 heures sans furosémide vs 3,9 l sur 6 heures avec le furosémide. Les inhibiteurs calciques et les antagonistes de l’adénosine (théophylline, etc.). Ils n’ont pas emporté de conviction quant à leur effet protecteur. L’hémodialyse à visée prophylactique chez des patients avec créatininémie supérieure à 23 mg/l réalisée immédiatement après l’injection de contraste n’a pas diminué dans un essai randomisé le taux de néphropathie induite. Rôle thrombogène des produits de contraste Dans les années 2000, plusieurs études ont montré in vitro une activité pro-thombotique supérieure des produits de contraste non ioniques de faible osmolalité par rapport au seul produit ionique de faible osmolalité : l’ioxaglate. Les produits de contraste sont responsables d’une activation plaquettaire et de la thrombine in vitro plus marquée avec les produits non ioniques. La traduction in vivo de ces différences sur les MACE n’est pas claire avec des résultats contradictoires sur des séries de patients limitées, hétérogènes et sans aucune randomisation du produit de contraste. Dans tous les cas, l’ioxaglate a été responsable de plus d’effets secondaires immédiats mineurs. Depuis plus de 10 ans, aucune étude supplémentaire in vivo n’a été réalisée sur le sujet pour confirmer ou infirmer ces données. Quoi qu’il en soit, les recommandations de l’ESC préconisent d’utiliser les produits de contraste non ioniques ou ioniques, mais exclusivement de faible osmolalité.  Conclusion Depuis plus de 10 ans, les produits de contraste utilisés de faible osmolalité, qu’ils soient ioniques ou non ioniques, apportent une très grande sécurité dans la réalisation des procédures de coronarographie/angioplasties coronaires. Les vraies allergies graves sont très rares mais des facteurs prédisposants sont à rechercher systématiquement. Quant aux néphropathies induites par les produits de contraste, leur fréquence est plus rare que supposé auparavant. Des précautions simples sont à prendre chez les patients à risque et l’hydratation au sérum physiologique est la meilleure mesure préventive avec la prescription de statines à forte dose. 

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