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Mise au point

Publié le 28 fév 2014Lecture 7 min

Lésions de bifurcation : angioplastie simple pour une lésion complexe ?

J.-S. MALLET, P. AVINEE, E. DADEZ, E. GARAYALDE, F. LEYER, A. MARREK, A. PY, Clinique de l’Europe, Amiens

Pendant des années, le kissing balloon systématique a été enseigné et intronisé comme une technique incontournable dans l’angioplastie des lésions de bifurcation. Aujourd’hui, au travers de notre expérience et des données scientifiques corroborées, nous abolissons cette technique à titre systématique lui préférant une stratégie « pas à pas ou step by step » et individualisée. Le final kissing balloon (FKB) systématique a vécu ! Voici venir l’ère de l’angioplastie « sur mesure (tailor made) » plutôt que « prête à porter (ready to wear) ».

Anatomie et géométrie fractale La morphologie d’une bifurcation répond aux lois de la nature ou géométrie fractale comme celles régissant les branches d’un arbre. Il existe donc trois segments distincts de diamètre différents mais tous corrélés par la loi de Murray simplifiée sous la forme de loi de Finet(1).   L’angle de bifurcation joue un rôle primordial aussi bien dans le choix de la technique d’angioplastie que dans le taux d’occlusion de la branche secondaire en rapport avec le carena shifting (figure 1)(2). Plus l’angle est aigu, plus le risque d’occlusion de la branche secondaire est élevé.   Figure 1. Carena shifting en IVUS(2). Rhéologie Les lésions de bifurcations coronaires sont propices au développement de lésions athérosclérotiques en raison des turbulences de flux générant un effet proathérogène. Grâce aux travaux anatomopathologiques de R. Virmani et al., on sait que l’atteinte athéromateuse de la carène reste exceptionnelle. Par contre, l’atteinte athéromateuse de la partie ostiale de la branche fille représente 50 à 70 % des cas selon les séries(3). Incidence et particularités Les lésions de bifurcation représentent près de 30 % des lésions chez les patients pluritronculaires dans la littérature(4). Les angioplasties de lésions de bifurcation représentent 15 à 20 % de notre activité. Leur prise en charge se caractérise par un taux de complications plus important, un taux de succès plus faible et un taux de resténose plus élevé(5). Choix du matériel La prise en charge des lésions de bifurcation comporte un certain nombre de contraintes techniques qu’il faut plutôt appréhender comme autant de « trucs et astuces » afin d’en simplifier et optimiser la procédure. La voie d’abord n’a que peu d’importance tant que celle-ci offre un bon support et permet la mise en place de cathéters de large diamètre (6 ou 7 F) afin de permettre le passage du matériel nécessaire à la réalisation éventuelle d’un FKB ou d’une technique deux stents. La mise en place d’un guide piégé dans la branche secondaire n’est pas obligatoire mais permet tout de même d’augmenter le taux de refranchissement de maille du stent, de limiter l’angle de bifurcation et de servir de marqueur en cas d’occlusion. L’utilisation d’un guide hydrophile est fortement déconseillée dans le cadre d’un guide piégé en raison du risque de rupture ou de stripping du coating. Par contre, sa capacité de refranchissement de la maille est importante et simplifie la procédure de FKB. Il est recommandé d’utiliser des ballons non compliants (NC) aussi bien pour la proximal optimization technique (POT) que pour le FKB afin de limiter l’effet « os de chien » et les risques de dissection(6). En ce qui concerne le choix du stent, l’ACC/AHA recommandent l’utilisation d’un stent actif dont le diamètre sera celui de la branche principale distale et dont la longueur tiendra compte du POT nécessitant au moins 8 mm (longueur minimale des ballons non compliants). L’ajustement en diamètre sera assuré par la réalisation du POT plus ou moins associé au FKB.   Par ailleurs et suite aux travaux sur banc d’essai d’O. Darremont, on préférera les stents présentant 3 connecteurs (Nobori® de Terumo et XIENCE PRIME d’Abbott Vascular) plutôt que ceux à deux connecteurs en raison d’un risque de déstructuration du stent plus faible en regard de la carène en cas de FKB. Techniques d’angioplastie Les objectifs d’une angioplastie de bifurcation sont de : - restaurer la configuration originale (fractale) de l’artère coronaire ; - laisser une branche secondaire ouverte avec idéalement l’absence de lésion significative ; - respecter les 3 diamètres initiaux ; - maintenir une rhéologie optimale ; - s’assurer de la bonne apposition du stent ; - maintenir un accès à la branche secondaire. 1 seul stent versus 2 stents Le provisional T stenting est actuellement le gold standard pour le traitement des lésions de bifurcation. En matière d’angioplastie, il est clairement établi que le pronostic à court et moyen terme est lié à la masse de métal nécessaire à la prise en charge. Les bifurcations ne dérogent pas à la règle avec une nette dégradation des résultats cliniques en cas de techniques comportant l’implantation de 2 stents (figure 2)(7).   Figure 2. TVR en fonction de la technique d’angioplastie(7). Le POT (proximal optimisation technique) Technique inventée par O. Darremont en 2005, elle consiste en l’utilisation d’un ballon NC dans la partie proximale du stent. Ceci a pour effet : - d’adapter le diamètre de la partie proximale de la branche principale ; - d’éviter la malapposition ; - de permettre le largage du stent à la pression nominale et ainsi d’éviter les dissections d’aval ; - de faciliter le refranchissement de maille du stent ; - de permettre une meilleure ouverture des cellules du stent en regard de la branche de bifurcation (figure 3) ; - de permettre une meilleure couverture de l’ostium de la branche secondaire en cas de technique deux stents. Il s’agit d’une technique simple et rapide ayant fait la preuve de son efficacité.   Figure 3. Effet du POT sur les mailles du stent en regard de l’ostium de bifurcation (remerciements à N. Fouin) Le final kissing balloon Le final kissing balloon (FKB) semble sur le plan anatomique très logique mais cette technique est actuellement largement controversée. Tout d’abord, elle nécessite une certaine expérience et rallonge la procédure induisant une majoration du rayonnement, augmente la quantité d’iode et augmente les risques perprocéduraux. En cas de réalisation systématique au cours d’un provisionnal T stenting, elle augmente le risque de dissection de la branche secondaire avec la nécessité de recourir à une technique deux stents en bail out. Afin d’obtenir un bon résultat, elle nécessite un refranchissement distal de la maille du stent, l’utilisation de ballons non compliants pour obtenir une bonne apposition. En effet, des analyses OCT postprocédure retrouvent dans de nombreux cas la persistance de struts en regard de l’ostium de la branche secondaire et certaines malappositions du fait de la déstructuration du stent. De plus, cette technique engendre des contraintes mécaniques qui exposent à une déstructuration du stent avec surexpansion de la partie proximale du stent où se chevauchent les deux ballons (figure 4)(8).   Figure 4. Effet du FKB sur la partie proximale de la branche principale(8).   Sur le plan scientifique, les dernières études (NORDIC III(9) et registre COBIS) vont dans ce sens en ne montrant pas de différence significative en termes de MACE entre FKB et non FKB. L’analyse du sous-groupe retrouve un effet délétère du FKB en cas de stratégie 1 stent et une diminution du taux de resténose de la branche secondaire en cas de « vraie lésion » de bifurcation ou de techniques 2 stents. Argument supplémentaire, les études animales(10) retrouvent une réendothélialisation, certes discrètement retardée, des struts intraluminales (figure 5).   Figure 5. Réendothélialisation des struts à cheval sur l’ostium de la branche secondaire sur un modèle animal (remerciements à Dr F. Ikeno). Le tronc commun est-il une bifurcation comme une autre ? La principale différence est liée à l’enjeu de la branche secondaire et à l’impact d’une lésion résiduelle ou d’une resténose qui aura obligatoirement des répercussions. Cependant selon notre expérience, cela ne doit pas changer la stratégie et il n’est pas obligatoire de réaliser de FKB à titre systématique.   Afin d’illustrer cette démarche, nous vous présentons le cas d’un patient de 63 ans hospitalisé pour SCA antérieur. La coronarographie va mettre en évidence une lésion significative du tronc commun distal atteignant de façon quasi exclusive l’ostium de l’IVA de type Medina 1,1,0. La procédure réalisée par voie fémorale 7 F consistera en une prédilatation au ballon semicompliant de 3 mm suivie de l’implantation d’un stent actif de 3,5 mm en pont entre le tronc commun et l’IVA impacté dans la partie proximale par un POT avec un ballon NC de 4,5 mm. Au vu du résultat angiographique satisfaisant, il est décidé de ne pas réalisé de FKB. Les suites seront simples. Le contrôle coronarographique réalisé à 6 mois en raison d’un test d’effort de suivi douteux électriquement objective un résultat angiographique maintenu (figure 6, A-F).       Figure 6. A : Lésion du tronc commun distal type 1,1,0. B : Stent actif BioMatrix Flex(R) 3,5 x 24 mm. C : POT avec ballon NC de 4,5 x 15 mm. D : Contrôle angiographique 1. E : Contrôle angiographique 2. F : Contrôle angiographique à 6 mois. Conclusion Il n’y a pas de dogme en termes d’angioplastie et encore moins dans la prise en charge des lésions de bifurcation. Il faut toujours privilégier une prise en charge individualisée et adapter sa prise en charge aux données perprocédurales. Il faut privilégier les stratégies avec un seul stent. Le FKB ne doit pas être réalisé à titre systématique en raison du risque de complications et de l’absence de données scientifiques nettement favorables. Il faut, par contre, savoir maîtriser toutes les techniques d’angioplastie afin de pouvoir s’adapter au cas par cas. Les maîtres-mots sont une angioplastie simple, rapide et sûre.

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