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Coronaires

Publié le 16 juin 2013Lecture 5 min

Cannabis et infarctus du myocarde chez le sujet jeune

A. BOUZERDA, M. SABRY, M. RAISSOUNI, A. BENYAS, A. MOUSTAGHFIR, E. ZBIR, A. BOUKILI, Service de cardiologie, Hôpital Militaire Mohamed V, Rabat, Maroc

Le cannabis est la drogue la plus consommée chez les sujets jeunes. Plusieurs observations dans la littérature associent la survenue d’événements cardiovasculaires aigus et une consommation active de cannabis. Nous rapportons une observation d’un sujet âgé de 27 ans, toxicomane au cannabis, hospitalisé pour un infarctus du myocarde antérieur en rapport avec une sténose fissurée de l’artère interventriculaire antérieure ayant fait l’objet d’une angioplastie avec mise en place d’un stent. À travers cette observation, les auteurs rappelleront les spécificités des infarctus du myocarde du sujet jeune et l’implication possible du cannabis dans la physiopathologie des thromboses coronariennes.

Bien que réputé pour être une drogue douce sans effets néfastes pour l’organisme, le cannabis, à travers plusieurs observations cliniques rapportées dans la littérature, est impliqué dans la survenue d’événements coronaires aigus(1,2). Nous rapportons une observation suspectant la responsabilité d’une consommation excessive de cannabis dans la genèse d’un infarctus du myocarde (IDM) antérieur.   Observation   Monsieur B.A., âgé 27 ans, sans FDRCVX hormis une consommation régulière du cannabis, rapporte 2 jours avant son admission, une douleur thoracique rétrosternale, intense, angoissante, de durée prolongée, accompagnée de sueurs profuses et de nausées en rapport avec un syndrome coronarien aigu ST+ de topographie antérieure, thrombolysé par la ténectéplase (Metalyse) à H4 du début présumé de la douleur, puis adressé dans notre formation pour prise en charge et complément du bilan. L’examen cardiovasculaire à l’admission trouve un patient en bon état général, asymptomatique, eupnéique au repos avec une fréquence cardiaque à 60 battements par minutes et une tension artérielle à 130/85 mmHg. L’auscultation cardiaque note des bruits du cœur réguliers, sans souffles ni bruits surajoutés. L’examen pleuro-pulmonaire trouve des poumons secs à l’auscultation, sans signes périphériques d'insuffisance cardiaque. Le reste de l’examen somatique est sans particularité. L’électrocardiogramme basal de repos inscrit un rythme régulier sinusal à 60 bpm, une conduction auriculo-ventriculaire normale à 0,16 s et des séquelles de nécroses intéressant le territoire antérieur. La radiographie thoracique de face visualise un cœur de taille normale sans anomalies pleuroparenchymateuses. L’échocardiographie transthoracique objective un VG de taille normale (DTD à 49 mm, DTS à 37 mm), siège d’hypocinésie antéroseptale, la fonction systolique VG est conservée (FE à 65 % par le simpson biplan). La coronarographie (figure 1) réalisée 24 heures après thrombolyse visualise une sténose significative fissurée du segment moyen de l’artère interventriculaire antérieure avec un bon lit d’aval. Le réseau circonflexe et coronaire droit est indemne de lésions. Le patient a fait l’objet d’une angioplastie (figure 2) et mise en place d’un stent actif (Nobori® 2,75 x 18 mm) avec succès primaire (figure 3). Il sort de l’hôpital 5 jours après son admission sous traitement médical associant bêtabloquant (Tenormine® 100 mg/j), aspirine (Kardegic® 75 mg/j), clopidogrel (Plavix® 75 mg/j), IEC (Triatec® 5 mg /j), statine (Crestor® 10 mg/j).   Figure 1. Incidence OAG crâniale montrant une sténose significative du segment moyen de l’artère interventriculaire antérieure. Figure 2. Mise en place du guide avec angioplastie et stenting de l’IVA moyenne. Figure 3. Résultat final après angioplastie. Discussion   L’implication du cannabis dans la survenue d’IDM chez le sujet jeune âgé de moins de 30 ans est évoquée dans la littérature par la publication de plusieurs observations cliniques(3,4). Son rôle exact dans la genèse de ces accidents cardiovasculaires aigus reste mal défini. En effet, les IDM du sujet jeune sont rares(5) et dans un contexte de consommation de cannabis, il existe souvent une intoxication combinée de tabac ou d’autres substances illicites multipliant ainsi les hypothèses physiopathologiques. Les IDM du sujet jeune sont caractérisés par une prédominance masculine, une atteinte modérée des artères coronaires avec une incidence des IDM à coronaires normales oscillant entre 2,6 et 12 % selon les études. Leur pronostic à moyen terme est marqué par un risque faible mais non nul de décès ou de récidives, ce qui reste malgré tout dramatique dans cette population(6). Sur le plan physiopathologique, les IDM à coronaires saines, comme pour un réseau athéromateux, sont secondaires à un thrombus occlusif responsable d’une ischémie myocardique aiguë. Le thrombus complique soit une rupture d’une plaque d’athérome non sténosant, soit une érosion endothéliale.   Concernant le cannabis, sa responsabilité dans la survenue d’événements cardiovasculaires aigus est évoquée de manière expérimentale et clinique(7). Le cannabis, et notamment son principe actif, le D9-tétrahydrocannabiol (THC) provoque sur le système cardiovasculaire par une stimulation du système sympathique associée à une inhibition du système parasympathique une tachycardie, une élévation modérée de la pression artérielle et une altération du baroréflexe à l’origine d’une hypotension orthostatique responsable de syncope(7). La stimulation sympathique peut entraîner une hyperexcitabilité auriculaire et ventriculaire catécholergique responsable de fibrillation auriculaire aiguë ou de mort subite par fibrillation ventriculaire(8,9). Au niveau de la paroi artérielle, on note une induction de la réponse inflammatoire (stress oxydatif, activation des plaquettes, de formation de LDL oxydé, majoration de l’activité du facteur VII) responsable d’une déstabilisation de plaque d’athérome. Il existe également une hypoxie secondaire à l’élévation de la carboxyhémoglobine sanguine(7). Le cannabis possède une propriété analgésique qui diminue le seuil douloureux du patient et ainsi retarder un diagnostique d’IDM(7). L’ensemble de ces réactions favorise donc la formation d’un thrombus coronaire sur une rupture de plaque ou sur une érosion endothéliale, la pérennisation de ce thrombus et la survenue d’une ischémie myocardique(10).   Comme le montre notre observation, la survenue d’un IDM chez le sujet jeune est un événement majeur à ne pas sous-estimer. En dehors de la phase aiguë potentiellement mortelle, ces patients ne sont pas à l’abri de complications tardives sévères.   Même si l’absence de preuves scientifiques validées ne recommande pas la recherche systématique de consommation de cannabis, il nous semble intéressant de l’évoquer par l’interrogatoire ou par un dépistage urinaire. En effet, le cannabis est éliminé dans les urines et est détectable pendant plusieurs jours, voire 2 mois chez les grands consommateurs(11). Cette démarche concerne avant tout le sujet jeune afin de le sensibiliser et de proposer un sevrage.   Conclusion   L’infarctus du myocarde du sujet jeune est rare mais non exceptionnelle. Il présente des spécificités qui lui sont propres avec, notamment, le rôle physiopathologique prépondérant du tabagisme. Devant l’augmentation de la consommation du cannabis et la publication d’observations cliniques l’associant à des événements vasculaires aigus, sa consommation doit être recherchée chez les sujets à risque. Le sevrage en prévention secondaire reste l’objectif thérapeutique primordial dans le but d’éviter les récidives. "Cardiologie Pratique : publication avancée en ligne".

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