Coronaires
Publié le 20 sep 2023Lecture 10 min
Place de l’IRM cardiaque de stress dans le diagnostic et l’évaluation de la maladie coronaire
Théo PEZEL, départements de cardiologie et radiologie, CHU Lariboisière, APHP, Paris Core Laboratory MIRACL.ai (INSERM UMRS 942)
L’IRM cardiaque joue un rôle essentiel dans le diagnostic de l’infarctus du myocarde, l’évaluation de la viabilité de l’infarctus et la stratification du risque de récidive d’événement cardiaque chez les patients après un infarctus du myocarde. Au-delà d’une IRM cardiaque standard, on peut proposer une IRM de stress qui repose sur l’utilisation d’un agent vasodilatateur, tel que le dipyridamole, l’adénosine ou le régadénoson, pour simuler l’effet d’un stress physique sur le cœur. L’objectif de cet article est de refaire un focus complet sur la place de l’IRM cardiaque aujourd’hui pour le bilan de cardiopathie ischémique.
Principe de l’IRM cardiaque de stress
Le principe de l’examen d’IRM cardiaque de stress repose sur l’utilisation d’un agent vasodilatateur, tel que le dipyridamole, l’adénosine ou le régadénoson. Ces agents induisent une vasodilatation des artères coronaires, augmentant ainsi le débit sanguin vers le muscle cardiaque. Pendant cette phase de stress, des images d’IRM cardiaque sont acquises pour évaluer la perfusion myocardique et détecter toute anoma- lie de la circulation sanguine correspondant soit à une ischémie inductible (figure 1), soit à un véritable infarctus du myocarde.
Figure 1. Exemple d’un cas clinique d’IRM cardiaque de stress chez une patiente de 69 ans avec antécédent de pontage aorto-coronaire (MIG vers l’IVA, et MID en Y sur la MIG vers la marginale et l’IVP) qui consulte pour douleur thoracique.
Panel du haut : Séquence de perfusion premier-passage au stress : coupes petit-axe basal, médian et apical. On peut noter deux types d’hypoperfusion distinctes (flèches rouges) :
– une hypoperfusion sous-endocardique inféro-latérale correspondante à la séquelle d’IDM inféro-latéral déjà connue en 2011 ;
– une hypoperfusion sous-endocardique de 2-3 segments sur 17 en antéro-basal et antérolatéral correspondant à une ichémie inductible.
Pour rappel : la définition d’une ischémie myocardique inductible est la présence d’une hypoperfusion sous-endocardique au stress SANS présence d’un rehaussement tardif dans la même zone.
Panels du milieu et du bas : Séquence de rehaussement tardif : coupes petit-axe. Présence d’un rehaussement tardif sous-endocardique (flèches rouges) correspondant à une séquelle d’IDM inféro-latéral viable avec transmuralité < 50 % d’épaisseur (correspond à la séquelle d’IDM inféro- latéral déjà connue en 2011 chez la patiente).
Au total, on retrouve la séquelle inféro-latérale déjà existante en 2011, et une ischémie limitée de 2-3 segments sur 17 en antéro-basal et antérolatéral.
L’ischémie est donc probablement en rapport avec la subocclusion de l’IVA proximale donnant les premières branches septales et la 2e diagonale, et non à cet ostium de mammaire interne gauche.
En effet, en cas de sténose significative au niveau de cet ostium, nous retrouverions une large ischémie dans tous les territoires, antéro-septo-apical, latéral et inférieur.
Avantages de l’IRM cardiaque de stress
L’un des principaux avantages de l’IRM cardiaque de stress est sa capacité à fournir des images de haute résolution spatiale et temporelle, permettant une visualisation précise de la perfusion myocardique. Cela permet de détecter les zones d’ischémie, qui se traduisent par une diminution de la perfusion sanguine dans certaines régions du muscle cardiaque. De plus, l’IRM cardiaque de stress permet également d’évaluer la fonction cardiaque globale, la contractilité ventriculaire et la viabilité myocardique (figure 2).
Figure 2. Exemple d’un cas clinique d’IRM cardiaque avec évaluation d’un infarctus du myocarde non viable.
Panel du haut : Séquence de rehaussement tardif : coupes petit-axe.
Panel du bas : Séquence de rehaussement tardif : coupes long-axe 4 cavités et 2 cavités.
Présence d’un large rehaussement tardif sous-endocardique de 8 à 9 segments sur 17 avec un rehaussement transmural (100 % de transmuralité) dans la quasi-totalité des segments. Ainsi, si l’IRM cardiaque avait été réalisée à plus de 4 semaines de la phase aiguë nous aurions pu conclure avec certitude à une absence de viabilité. Aucun thrombus intra-VG n’est visualisé sur ces séquences de rehaussement tardif. Un thrombus serait apparu sous la forme d’une masse en hyposignal (noire) au niveau de l’apex VG par exemple.
Un autre avantage de cette technique est sa sécurité. Contrairement à d’autres méthodes de stress, telles que l’exercice sur tapis roulant ou le test d’effort pharmacologique, l’IRM cardiaque de stress ne présente presque aucun risque d’arythmie cardiaque grave. De plus, l’utilisation d’un agent vasodilatateur permet d’éviter le stress physique excessif pour les patients qui ne sont pas en mesure de se soumettre à un exercice physique intensif.
Focus pratique : évaluation de la viabilité d’un infarctus du myocarde par IRM cardiaque, notamment de stress
Il est important de retenir que l’évaluation de la viabilité en IRM cardiaque repose sur les séquences de réhaussement tardif avec l’analyse du pourcentage de transmuralité (figure 3) :
– si transmuralité du rehaussement tardif < 50 % (autrement dit < 50 % d’hypersinal blanc dans l’épaisseur de la paroi myocardique) : IDM viable ;
– si transmuralité du rehaussement tardif entre 50 % et 75 % : IDM possiblement viable (analyser aussi l’épaisseur de paroi, la cinétique...) ;
– si transmuralité du rehaussement tardif ≥ 75 % : IDM non viable.
Cependant, il faut retenir que si l’IRM cardiaque est réalisée dans les 4 semaines qui suivent la phase aiguë de l’IDM, la zone de rehaussement tardif peut corres- pondre à une partie de vraie fibrose de la cicatrice d’infarctus du myocarde mais aussi à une partie d’œdème myocardique lié à la réaction inflammatoire de la phase aiguë.
Figure 3. Évaluation de la viabilité myocardique à la phase aiguë d’un infarctus du myocarde par IRM cardiaque.
Inconvénients de l’IRM cardiaque de stress
Cependant, il convient de noter quelques inconvénients de l’IRM cardiaque de stress. Tout d’abord, cette technique nécessite un équipement d’IRM spécifique et une expertise en imagerie cardiaque, ce qui peut limiter son accessibilité dans certains établissements médicaux. Enfin, les contre-indications classiques de l’IRM comme la claustrophobie ou la présence d’un corps étranger métallique peuvent être citées.
Et si l’IRM cardiaque de stress était le meilleur test d’ischémie non invasif ?
Bien que les recommandations actuelles mettent toutes les méthodes non invasives du dépistage de l’ischémie sur un même plan(1), plusieurs études récentes et méta-analyses suggèrent une performance diagnostique supérieure de l’IRM de stress qui pourraient un jour faire évoluer les recommandations. Cependant, compte tenu de l’accès limité à l’IRM sur le territoire en général, certains experts évoquent l’utilisation d’une stratification du risque cardiovasculaire (CV) afin d’orienter les patients les plus complexes et/ou les plus à risque vers l’IRM de stress(2).
De plus, l’IRM de stress a une excellente corrélation avec la FFR dans l’évaluation de la sévérité d’une lésion coronaire selon plusieurs études, et ce de façon supérieure aux autres tests d’ischémie(3-5) (figure 4). En effet, l’utilisation de l’IRM de stress est en pleine expansion, notamment suite aux résultats de l’étude CE-MARC ayant démontré une performance diagnostique supérieure de l’IRM comparée à la scintigraphie (respectivement AUC = 0,89 et AUC = 0,74, p < 0,0001) en utilisant la coronarographie comme gold standard(6). Puis, une autre étude publiée dans le JAMA a comparé la détection de l’ischémie par IRM cardiaque de stress avec la mesure invasive de la FFR. Les résultats ont montré que l’IRM cardiaque de stress était aussi efficace que la FFR invasive pour détecter l’ischémie myocardique, avec une sensibilité de 86 % et une spécificité de 83 %.
Figure 4. Comparaison des différents tests d’ischémie non invasifs par rapport à la FFR comme gold standard(5).
Description de la courbe ROC avec aire sous la courbe (area under the curve – AUC) de chaque test d’ischémie non invasif comparé à la FFR. Rappelons que plus l’AUC tend vers 1 et plus le nouveau test se rapproche du gold standard.
Enfin, Nagel et coll. ont récemment montré avec l’étude rand misée MR-INFORM, l’intérêt d’une stratégie diagnostique guidée par IRM de stress pour le diagnostic d’ischémie sur maladie coronaire stable(7). En effet, cette étude a montré la non-infériorité d’une « stratégie non invasive » de détection de l’ischémie basée sur l’IRM cardiaque de stress à l’adénosine par rapport à une « stratégie invasive » guidée par coronarographie et FFR en termes d’événements cardiaques majeurs à 1 an. Alors même qu’il y avait significativement moins de revascularisations coronaires et donc moins de coronarographies dans le groupe IRM de stress que dans le groupe FFR (162 [35,7 %] vs 209 [45,0 %], p = 0,005). Enfin, le pourcentage de patients sans angor clinique à 1 an ne différait pas significativement entre les deux groupes (49,2 % dans le groupe IRM et 43,8 % dans le groupe FFR ; p = 0,21).
Importance du diagnostic d’infarctus du myocarde de découverte fortuite
De nombreux travaux ont étudié l’intérêt du dépistage de l’ischémie silencieuse et traduisent la nécessité de s’interroger sur l’intérêt clinique de la revascularisation d’une sténose coronaire significative à l’origine de cette ischémie inductible. Toutefois, l’ischémie silencieuse n’est pas le seul résultat important qui peut être révélé par ce test d’imagerie non invasive. En effet, récemment Antiochos et coll. ont montré à l’aide du registre SPINS évaluant 2 349 patients consécutifs, la valeur pronostique de la détection d’un infarctus du myocarde non connu(8). Cette étude montre que la valeur pronostique à long terme en termes de récurrence d’événement CV (mortalité CV ou infarctus du myocarde), est exactement la même, que l’infarctus du myocarde ait été symptomatique et connu ou s’il s’agit d’un infarctus du myocarde de découverte fortuite. C’est un résultat majeur qui souligne l’importance de diagnostiquer ces infarctus asymptomatiques passés inaperçus, afin de débuter des traitements efficaces et de suivre ce patient exactement comme un patient coronarien connu. L’échographie d’effort, l’IRM de stress et la scintigraphie permettront de mettre en évidence la présence de cet infarctus de découverte fortuite. Il sera également essentiel d’évaluer la viabilité de cet infarctus afin de décider d’une éventuelle procédure de revascularisation.
Nouveauté : IRM de perfusion quantitative
Problématique
Si les dernières décennies de la recherche cardiovasculaire se sont concentrées sur le dépistage et le traitement de la maladie coronaire obstructive des gros troncs sous-épicardiques, l’avenir de la recherche de la maladie coronaire est incontestablement orienté vers la maladie microvasculaire. En effet, la maladie microvasculaire a fait officiellement son entrée dans les recommandations ESC 2019 sous le titre « microvascular angina » définie par la présence d’une anomalie des coronaires microvasculaires définis par un diamètre de moins de 150 microns(1). Puisque les facteurs de risque de cette maladie sont essentiellement le diabète et l’hypertension artérielle, cette maladie sera forcément présente chez nos patients à haut risque cardiovasculaire, asymptomatiques, en prévention primaire. Cependant, le dépistage de ces anomalies microvasculaires constitue un véritable challenge actuellement.
En effet, la grande difficulté du diagnostic de la maladie microvasculaire est qu’elle repose aujourd’hui sur des mesures invasives comme la CFR, mesure des résistances microvasculaires ou IMR. Or, il ne semble pas raisonnable, en dehors d’un protocole de recherche clinique, de réaliser ce type d’investigation invasive à un patient asymptomatique qui ne se plaint de rien. C’est d’ailleurs cette difficulté à établir un diagnostic de maladie microvasculaire nécessitant une mesure invasive qui explique l’absence jusqu’alors, d’études contrôlées, randomisées à grand effectif, évaluant des stratégies thérapeutiques pour ces patients.
Cependant, la réponse à cette problématique viendra probablement de l’IRM cardiaque de perfusion quantitative(9). En effet, Il s’agit d’une technique récente qui s’est développée ces dernières années, permettant une quantification extrêmement précise, voxel par voxel, du niveau de perfusion myocardique (figure 5).
Figure 5. IRM de perfusion quantitative pour le diagnostic de maladie microvasculaire : exemple de cartographie quantitative du flux de perfusion (myocardial blood flow – MBF).
Image de perfusion myocardique traditionnelle (image de gauche) et cartographie quantitative de perfusion par MBF (image de droite) avec sur le panel du haut un patient présentant un défaut de perfusion myocardique septal, et sur le panel du bas un patient sain.
Principe
L’IRM cardiaque de perfusion quantitative est une technique avancée qui permet d’évaluer de manière précise et non invasive le débit coronaire et de diagnostiquer les anomalies de la microcirculation cardiaque. Cette approche non invasive offre de nombreux avantages et ouvre de nouvelles perspectives dans le domaine de la cardiologie. Ainsi, le principe de l’IRM cardiaque de perfusion quantitative repose sur l’utilisation de séquences d’imagerie spécifiques qui permettent d’acquérir des images de haute résolution du cœur pendant l’injection d’un agent de contraste à base de gadolinium. Cet agent de contraste est administré par voie intraveineuse et il se propage dans les artères coronaires, permettant ainsi de visualiser le débit sanguin dans les tissus cardiaques.
Avantages
L’avantage majeur de cette technique est qu’elle permet une mesure directe et précise du débit coronaire. En outre, l’IRM cardiaque de perfusion quantitative permet également de détecter les anomalies de la microcirculation cardiaque. En évaluant la distribution du contraste dans les tissus cardiaques, cette technique peut mettre en évidence des altérations de la perfusion sanguine dans les petites artères et les capillaires, révélant ainsi des dysfonctionnements de la microcirculation.
Résultats dans la littérature
Plusieurs études récentes ont montré l’excellente corrélation entre cette mesure réalisée par IRM de perfusion quantitative et les mesures invasives précédemment citées (FFR pour les lésions obstructives ou CFR pour la maladie microvasculaire). Une étude très récemment publiée dans Circulation a même montré qu’un algorithme entièrement automatique utilisant l’intelligence artificielle à partir de ces images d’IRM de perfusion quantitative était un facteur pronostique indépendant de mortalité toutes causes et d’événements CV, au-delà des facteurs de risque traditionnels(10). L’avènement prochain de l’IRM de perfusion qua titative comme possible test de référence pour la maladie microvasculaire, ouvrirait alors la porte à la possibilité d’études thérapeutiques randomisées sur cette pathologie.
Perspectives
En termes de perspectives, l’IRM cardiaque de perfusion quantitative ouvre de nouvelles possibilités dans la recherche clinique et le suivi des patients. cette technique permet d'obtenir des mesures précises et reproductibles du débit coronaire, ce qui peut être utilisé pour évaluer l'efficacité des traitements pharmacologiques ou des interventions chirurgicales visant à améliorer la perfusion sanguine du cœur. De plus, l'IRM cardiaque de perfusion quantitative peut être utilisée pour étudier les mécanismes sous-jacents des maladies CV et développer de nouvelles stratégies de traitement.
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