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Diabéto-Cardio

Publié le 25 fév 2020Lecture 3 min

L’athérosclérose n’est pas uniquement une maladie des temps modernes

Louis MONNIER, Montpellier

Dans une publication parue dans le JAMA Network/Open, des scientifiques américains rapportent les résultats d’observations réalisées sur des momies d’Inuits groenlandais datant du XVIe siècle.

Les résultats montrent la présence de calcifications sur différents axes artériels. L’étude a été conduite sur 5 momies conservées au Peabody Museum d’Archéologie et d’Ethnologie de Cambridge, Massachusetts. Ces 5 momies, bien préservées par l’environnement glaciaire où elles furent découvertes en 1929 dans une île du Groenland, ont été authentifiées comme celles d’individus ayant vécu dans les années 1500 dans des huttes de fortune et dont la nourriture était constituée de poissons, de mammifères marins et d’oiseaux. Les corps de ces momies ont été soumis à une étude par scanner. Les images obtenues ont été ultérieurement interprétées par 5 cardiologues et 2 radiologues. En se basant sur l’aspect du squelette et des dents, quatre de ces momies correspondaient à des adolescents ou à de jeunes adultes : 2 hommes et 2 femmes. L’un des hommes était décédé entre 18 et 22 ans, l’autre entre 25 et 30 ans. Pour les 2 femmes, l’âge de décès fut établi entre 16 et 18 ans pour l’une d’elles et entre 25 et 30 ans pour l’autre. Les causes de la mort n’ont pas été établies mais les restes des artères carotides, thoraciques, iliaques et des aortes rétropéritonéales étaient suffisamment préservés pour mettre en évidence des plaques d’athérome calcifiées chez 3 momies sur les 4 soumises à expertise. La cinquième a été soustraite de l’analyse car appartenant à un enfant en bas âge. En résumé, cette étude a permis de montrer la présence de lésions d’athérosclérose chez des sujets jeunes, vivant il y a plus de 500 ans, ayant une activité physique forte et une alimentation basée sur les produits de la mer. Ceci est un argument supplémentaire pour remettre en cause le dogme des acides gras oméga 3 qui sont parés par certains de vertus protectrices contre les maladies cardiovasculaires. Ce concept avait été lancé il y a plus de 50 ans par les Danois Bang et Dyerberg(1) qui avaient constaté que l’incidence des événements cardiovasculaires était nettement plus faible chez les Esquimaux du Groenland que chez les habitants du Danemark. De cette observation est parti le concept des acides gras oméga-3 protecteurs(2), dont certains comme l’acide eicosapentaénoïque et l’acide docosahexaénoïque sont très abondants dans la chair des animaux marins et dans les huiles de poissons. Plusieurs essais randomisés récents pratiqués sur de grandes populations(3) sont venus écorner ce dogme. Toutefois il reste suffisamment tenace pour que les compagnies agroalimentaires et certains laboratoires pharmaceutiques continuent à fabriquer et à commercialiser des corps gras solides (margarines par exemple) ou des préparations pharmaceutiques enrichis en acides gras oméga 3. Pour l’instant rien ne semble ralentir ce phénomène. Pour en revenir à l’étude des momies, elle confirme que le développement de l’athérosclérose est un phénomène qui apparaît tôt au cours de la vie, même s’il reste latent pendant de nombreuses années pour ne s’exprimer cliniquement, mais non obligatoirement, qu’à un âge avancé de la vie. Il y a quelques décennies les études autopsiques faites chez de jeunes soldats américains tombés sur les champs de bataille pendant la guerre du Vietnam avaient montré la présence de lésions d’athérosclérose. De surcroît, l’étude sur les momies du Groenland confirme que l’athérosclérose est un phénomène multifactoriel où facteurs génétiques et environnementaux s’entremêlent. L’article sur les momies groenlandaises se termine d’ailleurs par une hypothèse : « la fumée » des feux de bois utilisés par les Inuits dans les temps anciens ne serait-elle pas l’un de ces facteurs ayant contribué au développement de ces lésions précoces d’athérosclérose ? A chacun de se faire sa propre idée sur cette hypothèse que nous pourrions, quant à nous, étiqueter de plutôt « fumeuse ». "Publié par Diabétologie Pratique"

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