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Vasculaire

Publié le 29 nov 2005Lecture 6 min

Anévrisme annuloectasiant et maladie de Marfan

P.-H. GACON et D. KRAUSE, CHRU de Dijon

Nous rapportons l’observation clinique d’un homme de 41 ans affecté d’un syndrome de Marfan typique, adressé initialement en consultation de cardiologie pour un trouble de conduction intraventriculaire de type bloc de branche droit ; chez ce patient, l’auscultation cardiovasculaire a mis en évidence une insuffisance aortique asymptomatique, révélatrice d’un anévrisme annuloectasiant de la racine aortique ascendante.

La maladie de Marfan est une maladie orpheline rare, à transmission autosomique dominante de fréquence variable, liée à une mutation du gène de la fibrine de type 1, situé sur le chromosome 15 (locus 15q21.1). Le diagnostic moléculaire a été exploré par de nombreux auteurs depuis 1995.   Observation   À l’interrogatoire, on note l’absence de symptômes cardiovasculaires d’effort ou de repos ; seul un frère ne présente aucune anomalie ni d’antécédent particulier. Le patient présente depuis plus de 10 ans une luxation bilatérale du cristallin avec une cornée plate et une hypoplasie oculaire (qui sont des critères diagnostiques mineurs). Sans emploi, il ne pratique aucune activité sportive isométrique et n’a pas d’antécédent de dissection aortique dans sa famille. Le patient mesure 1,98 m pour 71 kg, soit une surface corporelle de 2,02 m2. L’aspect morphologique est celui d’une arachnodactylie associant un pectus excavatum, un palais ogival, une discrète scoliose lombaire avec extension maximale des coudes à plus de 170°, une hyperlaxité ostéoarticulaire avec signes du poignet et du pouce, un chevauchement des dents. Il n’a pas de signe cutané ni de hernie inguinale. L’examen cardiovasculaire montre une tension artérielle à 146/62 mmHg aux deux bras avec un élargissement moyen de la différentielle. Les pouls sont tous perçus, réguliers et symétriques, sans double souffle crural d’hyperdébit. Il n’y a pas d’ectasie aortique palpable au niveau abdominal ou fémoral. • L’auscultation cardiaque retrouve le long du bord gauche du sternum un souffle protomésodiastolique d’insuffisance aortique 3/6, associé à un souffle systolique d’accompagnement au foyer aortique. Les composantes du deuxième bruit sont normales (B2p non claqué, B2a normal). • L’auscultation au foyer mitral est normale, sans roulement diastolique de Flint d’hyperdébit ni de click non éjectionnel évoquant un prolapsus valvulaire mitral (fréquemment associé dans le syndrome de Marfan). • L’auscultation pulmonaire est libre et ne montre pas de signe de pneumothorax associé. • L’ECG en rythme sinusal montre un espace PR normal et un bloc de branche droit usuel. • La radiographie du thorax montre une cardiomégalie stade 1 et une dilatation modérée de la racine aortique. L’échocardiographie Doppler couleur permet de standardiser les mesures afin de préciser les quatre mesures de diamètres recommandées dans la littérature de la racine aortique, et met en évidence un anévrisme annuloectasiant de 68 mm mesuré en antéro-postérieur au niveau de l’aorte thoracique ascendante, englobant les sinus de Valsalva et responsable d’une insuffisance aortique de grade III (diamètre du jet à l’origine de 9 mm, une PTH à 250 ms et une surface de l’orifice régurgitant à 25 mm2 comme en témoigne la figure 1. Figure 1. Échographie parasternale gauche en incidence grand axe. Anévrisme annuloectasiant de l’aorte thoracique ascendante responsable d’une insuffisance aortique de grade III (diamètre du jet à l’origine de 9 mm et surface de l’orifice régurgitant de 25 mm2. Il n’y a pas de prolapsus valvulaire mitral et le diamètre télédiastolique du ventricule gauche est mesuré à 65 mm pour une fraction d’éjection ventriculaire gauche calculée à 75 %. Le scanner thoracoabdominal confirme le diagnostic, mettant en évidence un anévrisme asymétrique annuloectasiant de l’aorte thoracique ascendante de 75 mm sur 66 mm de diamètre au niveau des sinus de Valsalva n’atteignant pas le TABC (tronc artériel brachiocéphalique), comme le montre la figure 2 en coupe 245. Figure 2. Exploration scannographique de l’aorte thoracique montrant un anévrisme asymétrique de 75 mm de l’aorte thoracique ascendante. Un bilan angiohémodynamique complet avec prise de pressions étagées intracardiaques droites et gauches, mesure du débit cardiaque, aortographie sus-sigmoïdienne avec coronarographie sélective et ventriculographie gauche montre essentiellement : - un anévrisme annuloectasiant aortique avec ascension des ostias coronaires, responsable d’une insuffisance aortique de grade III de Sellers (figure 3), associé à une surcharge volumétrique ventriculaire gauche, une PTDVG mesurée au repos à 16 mmHg sans hypertension artérielle pulmonaire, une pression capillaire moyenne à 16 mmHg et une fraction d’éjection ventriculaire gauche calculée à 72 % sans insuffisance mitrale associée ; - un débit cardiaque élevé à 7,3 l/min soit un index cardiaque à 3,5 l/min/m2 ; - une différence artérioveineuse en oxygène à 2,2 mmol/l ; - un réseau coronaire sain. Figure 3. Angiographie sus-sigmoïdienne en OAG 45°. Anévrisme annuloectasiant aortique et IA3/4. L’imagerie par résonance magnétique avec étude de la compliance aortique montre en séquences spin-écho pondérées en T1 dans le plan axial et dans le plan de la crosse de l’aorte une dilatation majeure et asymétrique de l’aorte thoracique de 72 mm mesurée à hauteur des sinus de Valsalva, un diamètre normal au niveau de l’aorte thoracique horizontale et descendante sans image de dissection intimale (figure 4). Figure 4. Imagerie par résonance magnétique nucléaire de l’aorte thoracique. Anévrisme annuloectasiant de l’aorte thoracique ascendante. Le patient reçoit des consignes de limitation des efforts isométriques importants, et un traitement bêtabloquant pour diminuer la vitesse d’éjection aortique et la distension aortique.   Discussion L’atteinte anévrismale aortique de la maladie de Marfan doit être connue pour en faire le diagnostic ; la partie initiale de l’aorte thoracique ascendante et des sinus de Valsalva, riche en fibres d’élastine, est la plus classiquement décrite, atteinte chez 70 à 80 % des sujets étudiés. La dilatation associée des sinus de Valsalva et l’insuffisance aortique résultante sont classiquement associées à une ascension des ostia coronaires. La dissection aortique est la complication la plus redoutée chez ces patients jeunes, complication qui engage le pronostic vital. Elle survient le plus souvent au niveau de l’aorte thoracique ascendante, parfois de la crosse aortique et rarement des vaisseaux du cou. Cette dissection est d’autant plus probable que le diamètre aortique, mesuré de manière standardisée au niveau des sinus de Valsalva, est élevé et supérieur à la valeur critique de 50 mm, contrairement aux dissections observées dans les dystrophies héréditaires du tissu élastiques. L’atteinte disséquante de l’aorte thoracique descendante est plus rare et affecterait seulement 7,2 % des sujets observés dans la série publiée de G. Jondeau. La grossesse est déconseillée chez les patientes dont la mesure de la racine aortique excède un diamètre de plus de 40 mm. La dissection des artères du cou et des artères intracrâniennes est plus rarement observée. Selon Meijbroom et coll. dans une série de 81 patients atteints d’un syndrome de Marfan (âge moyen de 31 ans ± 8 ans) étudiés en échocardiographie standardisée et IRM pour 15 d’entre eux, montre une absence de différence statistiquement significative entre le diamètre mesuré en IRM et en échocardiographie (42 ± 7 mm, p < 0,002). Une variation de ± 20 % peut être observée dans la mesure standardisée du diamètre de la racine aortique entre la sigmoïde coronaire droite et la sigmoïde non coronaire. La plupart des patients atteints d’un syndrome de Marfan développent une dilatation asymétrique de l’aorte thoracique ascendante en IRM, prédictive de la survenue d’une dissection aortique. La progression de la dilatation de la racine aortique a également fait l’objet de nombreux articles. Shores et coll. ont évalué l’effet du propranolol per os chez des patients adolescents et adultes atteints d’un syndrome de Marfan (32 patients traités et 38 non traités) suivis pendant près de 10 ans, sur la dilatation de la racine aortique et un critère composite (insuffisance aortique, dissection aortique, insuffisance cardiaque et décès). Sous propranolol (212 mg ± 68 mg/j), la vitesse de progression de la dilatation aortique a été plus basse comparativement au groupe témoin (0,0023 vs 0,0840/an, p < 0,0001). Seuls 5 patients ont atteint l’objectif primaire dans le groupe traité (vs 9). La prise prophylactique de bêtabloquants apparaît donc efficace en prévention de la dilatation aortique et diminue le risque de complications aortiques chez les patients affectés d’un syndrome de Marfan dont le traitement complémentaire reste chirurgical (opération de Bentall ou de Tyrone David). Une bibliographie sera adressée aux lecteurs sur demande au journal.

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