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Chirurgie

Publié le 27 mar 2007Lecture 10 min

Chirurgie cardiaque : aujourd'hui et « peut-être » demain

P. NATAF, hôpital Bichat, Paris

L’évolution progressive de la chirurgie cardiaque au cours des dernières années a abouti à l’élaboration de techniques thérapeutiques sûres, fiables et reproductibles pour un grand nombre de cardiopathies. Tous les acquis n’ont cependant pas freiné l’enthousiasme des cardiologues et des chirurgiens cardiaques pour la recherche d’autres alternatives thérapeutiques. Dans deux grands domaines — la chirurgie coronaire et la chirurgie valvulaire — le présent ressemble déjà à l’avenir. Les techniques chirurgicales évoluent au même rythme que les progrès de la cardiologie interventionnelle. La collaboration directe entre les équipes de cardiologie et de chirurgie sur un même plateau technique assure, dans certains centres, une expertise particulière permettant d’offrir à chaque patient une technique adaptée à son propre cas après une réelle concertation médico-chirurgicale.

Les prises en charge pré- et postopératoire des patients se sont standardisées parallèlement à l’amélioration des techniques de protection myocardique. L’avènement des greffons mammaires internes est reconnu en chirurgie coronaire. La chirurgie valvulaire a grandement bénéficié des techniques de plastie et de la conception de prothèses performantes. L’échocardiographie transœsophagienne en peropératoire a permis de s’assurer de la qualité du geste en chirurgie valvulaire et d’avoir une appréciation de la fonction ventriculaire en fin d’intervention. La chirurgie de la fibrillation auriculaire, autrefois complexe et risquée, s’est vue modifiée par des méthodes ablatives simplifiées. Les techniques de transplantation cardiaque et d’assistance circulatoire se sont confirmées être les traitements reconnus de l’insuffisance cardiaque en phase terminale, ce qui n’a d’ailleurs pas empêché le développement des méthodes de thérapie cellulaire. Chirurgie coronaire   L’avènement de l’angioplastie coronaire Le traitement chirurgical de la maladie coronaire a été bouleversé par l’avènement de l’angioplastie coronaire et plus récemment par l’apparition des stents actifs. Le profil des patients opérés a ainsi été totalement modifié. Le dogme classique de l’indication chirurgicale formelle pour les malades porteurs de lésions du tronc commun de l’artère coronaire gauche et de lésions tritronculaires a disparu du fait des progrès de l’angioplastie (et des angioplasticiens). Les études comparant angioplastie et chirurgie chez les patients tritronculaires montrent des résultats similaires à moyen terme sur la survie quelle que soit la technique utilisée. Actuellement, il semble justifié de proposer une revascularisation par angioplastie aux patients pluritronculaires à condition que celle-ci soit techniquement faisable, à faible risque et qu’elle permette une revascularisation complète avec un risque relativement faible de resténose lié à la localisation, la diffusion, la complexité des lésions et au terrain (diabète notamment). L’inquiétude vient surtout de la gestion du traitement antiagrégant plaquettaire et de sa durée. Le risque, notamment thrombotique, des stents actifs a été récemment largement évoqué. La chirurgie est toujours la bienvenue en cas de lésions ne pouvant relever des techniques percutanées (occlusions, bifurcations complexes, artères de très petit calibre, lésions très diffuses, etc.) car techniquement difficiles ou à fort taux de resténose par angioplastie. Dans ces conditions, le chirurgien doit être très performant en proposant une revascularisation complète et durable chez des patients autrefois considérés comme à très haut risque chirurgical. Les progrès de l’anesthésie-réanimation et l’amélioration des techniques opératoires laissent encore une large part à l’indication chirurgicale malgré ce changement de profil du patient coronarien.   L’introduction des artères mammaires internes Les méthodes de revascularisation myocardique par pontages coronaires ont, en effet, nettement évolué depuis l’introduction des artères mammaires internes. Les techniques de prélèvement de ces greffons et la pratique de montages artériels complexes pour une revascularisation complète du réseau coronaire ont permis au chirurgien cardiaque de s’adapter aux populations actuelles de patients ayant une atteinte coronaire diffuse, à mauvais lit d’aval et ne pouvant bénéficier des progrès de la cardiologie interventionnelle. Les bénéfices de l’artère mammaire interne gauche sur l’artère interventriculaire antérieure ont été anciennement démontrés avec des résultats cliniques à long terme très satisfaisants et une perméabilité des greffons proche de 95 % à 10 ans. Les greffons veineux saphènes, classiquement utilisés mais aux résultats immédiats et à distance inconstants ont été progressivement réservés comme greffons additionnels à une revascularisation de l’artère interventriculaire antérieure par l’artère mammaire interne gauche. D’autres greffons artériels, comme l’artère radiale ou l’artère gastroépiploïque, ont ensuite été utilisés dans l’espoir d’une revascularisation plus durable. Ces données ont progressivement permis d’évoluer vers un concept de revascularisation « tout artérielle » du myocarde, évitant l’utilisation des greffons veineux saphènes. La paroi élastique, les propriétés histologiques, physiologiques, pharmacologiques et hémodynamiques de l’artère mammaire et de son endothélium lui procurent une apparente protection contre l’athérome, pouvant expliquer sa perméabilité supérieure aux autres greffons artériels qui sont à paroi musculaire. Cette supériorité en termes de perméabilité a conduit à évaluer les résultats de la revascularisation myocardique à l’aide des deux artères mammaires internes droite et gauche. Les données des différentes études montrent l’intérêt de ce type de pontage double mammaire par rapport à l’utilisation de la seule artère mammaire interne gauche en combinaison à d’autres greffons veineux ou artériels. De nombreuses avancées techniques ont fait évoluer rapidement le concept de revascularisation « tout artérielle » vers un concept de « reconstruction du réseau coronaire » par un nouveau réseau artériel, libre d’athérome, « exclusivement mammaire ».   Les améliorations des techniques chirurgicales Les améliorations des techniques chirurgicales sont de plusieurs ordres et sont surtout liées à l’optimisation de l’utilisation des greffons mammaires internes. Certaines sont en rapport avec les techniques de prélèvement des artères mammaires internes, d’autres avec la réalisation de montages artériels avec les deux artères mammaires internes, enfin, les dernières sont liées à la pratique d’anastomoses séquentielles ou « en kissing » sur des artères coronaires de très petit calibre. C’est la combinaison de ces méthodes innovantes qui assure actuellement une revascularisation complète « exclusivement mammaire », sur des réseaux coronaires extrêmement pathologiques, siège d’une atteinte diffuse, sur des artères de très petit calibre et donc totalement adaptée à la population de patients coronariens proposés actuellement au chirurgien. La technique utilisant les artères mammaires en Y (l’artère mammaire interne droite étant anastomosée en Y sur l’artère mammaire interne gauche) permet une revascularisation complète du myocarde en n’utilisant que les artères mammaires sans besoin d’autre greffon, saphène ou radial. L’avantage est la possibilité de créer un nouveau réseau vasculaire irrigant la majeure partie du myocarde en s’implantant sur des artères de très petit calibre. Les résultats immédiats et à distance de cette technique en termes de survie et d’absence de réinterventions sont satisfaisants. Ces avancées techniques doivent permettre d’offrir de nouvelles options thérapeutiques aux malades coronariens autrefois récusés pour une revascularisation myocardique.   Chirurgie valvulaire Le traitement classique des valvulopathies est actuellement parfaitement codifié. Les techniques de conservation valvulaire, maintenant appliquées dans tous les centres, pallient, quand elles sont réalisables, aux inconvénients des substituts valvulaires prothétiques. L’inconvénient du traitement anticoagulant pour les prothèses mécaniques et le risque de détérioration des bioprothèses sont toujours d’actualité, malgré des progrès technologiques certains dans la conception des prothèses valvulaires. Une gestion différente du traitement anticoagulant par automesure est à l’étude et devrait nous permettre de savoir s’il est possible de limiter les risques hémorragique et thromboembolique.   La durabilité des bioprothèses De même, la durabilité des bioprothèses a été améliorée par les stents de bas profil permettant de diminuer le stress mécanique des valves, la fixation tissulaire à basse pression et les traitements biochimiques prévenant la calcification tissulaire. Cependant, la détérioration par calcification des bioprothèses est particulièrement rapide chez l’enfant et l’adulte jeune en raison d’un métabolisme phosphocalcique supposant un turnover beaucoup plus rapide. L’âge est le facteur déterminant pour proposer une bioprothèse en position aortique. Les résultats des bioprothèses de deuxième génération montrent des taux de sujets indemnes de lésions > 85 % à 10 ans et sont d’autant plus élevés que le patient est âgé. Les éléments de choix d’une bioprothèse en position aortique dépendront donc, en premier lieu, de l’âge du patient mais aussi de son mode de vie. Même si l’espérance de vie chez les patients < 65 ans semble supérieure à la longévité d’une bioprothèse, un substitut biologique peut être envisagé chez la femme jeune, en âge de procréer et chez tout patient jeune, physiquement actif, pour qui la contrainte du traitement anticoagulant peut être supérieure à une réintervention.   Les homogreffes Les homogreffes, qui avaient été une source d’espoir dans la recherche de la prothèse idéale, se sont révélées être des substituts valvulaires sans supériorité comparativement aux bioprothèses classiques. Par ailleurs, les difficultés techniques d’implantation et surtout les difficultés extrêmes des réinterventions après détérioration doivent limiter leurs indications à des cas exceptionnels.   Les techniques de plastie ou de conservation valvulaire Les techniques de plastie ou de conservation valvulaire sont l’élément marquant en chirurgie valvulaire. Les principes exposés par A. Carpentier ont marqué un tournant dans l’évaluation des valvulopathies mitrales, les indications chirurgicales et les résultats de cette chirurgie. D’autres techniques de chirurgie conservatrice de la valve mitrale ont ensuite été proposées qui ont élargissant l’éventail thérapeutique offert au chirurgien. De plus, la valve aortique est également concernée par la possibilité d’une conservation valvulaire. Si les techniques de plastie pour une insuffisance aortique isolée sans dilatation aortique sont encore au stade d’évaluation, les interventions de conservation valvulaire lors de la chirurgie des anévrismes de l’aorte ascendante sont bien codifiées. Les interventions de Yacoub ou de Tirone David, qui consistent au remplacement de l’aorte ascendante, à la réimplantation des artères coronaires et à la suture de la valve aortique native sur la portion proximale du tube aortique prothétique, montrent des résultats très satisfaisants. Le remodelage (intervention de Yacoub) permet de traiter une dilatation des sinus et de la jonction sinotubulaire et la réimplantation (intervention de David) traite aussi une éventuelle dilatation de l’anneau aortique associée. Ces interventions apparaissent séduisantes, car elles évitent la mise en place d’une prothèse valvulaire et sont associées à des taux d’accidents neurologiques inférieurs aux taux de complications du remplacement valvulaire et aortique composite. Techniquement difficiles, les résultats à court et moyen termes sont satisfaisants avec une mortalité précoce < 2 % et une absence de réopérations à 5 ans de 91,5 ± 6,8 % en combinant les séries publiées. Ces résultats sont proches des résultats du remplacement composite (intervention de Bentall) qui reste la technique de référence.   Les techniques percutanées et transapicales La nouveauté, et probablement le futur en chirurgie valvulaire, sont annoncés par les travaux concernant les techniques percutanées et transapicales développées dans ce numéro par A. Vahanian. Les indications chirurgicales classiques seront peut-être modifiées grâce à une nouvelle technologie. Tout comme la commissurotomie mitrale percutanée a remplacé, pour le plus grand nombre, les techniques à cœur ouvert, certains gestes de réparation valvulaire mitrale par mise en place d’anneaux ou de clips rapprochant les feuillets de la valve mitrale sont actuellement à l’étude. Dans le même ordre d’idée, les remplacements valvulaires aortiques percutanés pourront éventuellement permettre de proposer un traitement à certains patients considérés comme à très haut risque opératoire, parfois non proposés pour la chirurgie ou récusés par les chirurgiens. L’abord percutané pouvant se révéler difficile ou dangereux du fait du diamètre des systèmes parfois incompatible avec la petite taille des vaisseaux fémoraux ou iliaque, d’artériopathie des membres inférieurs ou de lésion de l’aorte abdominale, un système d’abord transapical est actuellement en cours d’évaluation. Il s’agit, par une thoracotomie limitée, sans circulation extracorporelle, de remplacer la valve aortique par une bioprothèse, par abord de la pointe du cœur. Les premières études cliniques des remplacements valvulaires aortiques par voies d’abord transapicales ont été récemment publiées avec des résultats prometteurs. Cette technique offre des perspectives extrêmement intéressantes à toute une population de patients invalidés par leur pathologie et autrefois récusés pour une chirurgie conventionnelle sous circulation extracorporelle. Elle pourra être proposée dans les cas où une voie d’abord percutanée fémorale ne pourra pas être utilisée. Il est bien évident qu’il s’agit d’une étape préliminaire de faisabilité, d’efficacité et d’évaluation des risques et des bénéfices de la procédure, mais le potentiel offert mérite cette mise en œuvre.   Un travail d’équipe Cette approche a également le mérite de rapprocher sur un même plateau technique des spécialités complémentaires comme la cardiologie, l’anesthésie, la radiologie et la chirurgie cardiaque pour une mutualisation des compétences au service du patient. Ces approches hybrides nécessitent effectivement un travail d’équipe où la voie d’abord chirurgicale aura la même importance que les études échographique et radiologique pendant la réalisation d’un acte nécessitant une surveillance par une équipe d’anesthésistes spécialisée dans le domaine cardiovasculaire. D’autre part, la conception de salle d’opération d’un nouveau type associant un monitoring hémodynamique, une installation radiologique et l’infrastructure nécessaire à la réalisation d’une intervention chirurgicale, sera nécessaire. Ce travail commun d’équipes aux compétences variées permettra très probablement, dans un futur proche, de proposer un large choix de techniques différentes (chirurgie conventionnelle, remplacement valvulaire percutané ou remplacement valvulaire transapical) qui pourront être adaptées à chaque patient. Il semble, en définitive, que ce soit cette collaboration médico-chirurgicale, sur un même plateau technique, avec des praticiens formés à l’ensemble des techniques évoquées, valvulaire et coronaire, qui permettra de construire le futur de la cardiologie interventionnelle et chirurgicale.

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