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Prévention et protection

Publié le 17 mai 2011Lecture 12 min

N’oublions pas les femmes dans la prévention cardiovasculaire - Alerte rouge sur un risque évitable !

C. MOUNIER-VÉHIER, B. LETOMBE, CHRU Lille


Les Journées de la SFC
Les maladies cardiovasculaires de la femme sont sous-estimées alors même qu’elles sont fréquentes. Il faut souligner qu’il est indispensable d’agir sur la prévention CV chez les femmes par une communication grand public plus appuyée et une sensibilisation des professionnels de santé sur les particularités du risque vasculaire féminin.

Risque cardiovasculaire de la femme : la situation actuelle Les maladies cardiovasculaires sont considérées à tort comme étant plus rares chez les femmes. Mais nos femmes, bien que protégées par leurs estrogènes avant la ménopause ont un risque CV qui rejoint celui des hommes au moment de la ménopause. Les MCV devraient être un axe prioritaire de prévention chez la femme dès son plus jeune âge car elles restent leur première cause de décès. Selon le rapport INSERM paru en 1999, une femme sur 3 décèdera d’une MCV quand une femme sur 30 succombera d’un cancer du sein. Ces chiffres sont malheureusement toujours d’actualité bien que la mortalité CV ait baissé de plus de la moitié en 20 ans (tableau 1)[1]. Les maladies CV restent cependant rares en 2011 chez la femme en période d’activité génitale sauf lorsqu’estrogènes de synthèse contenus dans la contraception et tabac sont associés. Une exposition aux facteurs de risque variable selon l’âge Comme chez l’homme, mais avec 10 ans d’écart, l’âge est un facteur déterminant dans l’apparition de la MCV chez la femme. Les artères des femmes seraient plus sensibles à l’effet toxique des facteurs de risque (plus particulièrement le tabac et le diabète)[1] (figure). Une autre particularité chez la femme est la répartition différente des facteurs de risque en fonction de l’âge (tableau 2). On note une croissance exponentielle du tabagisme chez la jeune femme depuis les années 1980. Figure. Artériopathie oblitérante des membres inférieurs : atteinte proximale. Or, le risque associé au tabac est plus important chez la femme que chez l’homme et ne dépend pas de l’âge ; une consommation de 3 à 4 cigarettes par jour multiplie par 3 le risque relatif d’accident CV. Avant 50 ans, plus d’un infarctus sur deux chez la femme est lié au tabac. À l’inverse, l’arrêt total de tabac permet de réduire le risque de un tiers à 2 ans. Avant 35 ans et surtout après, l’association « tabac + contraception estroprogestative » majore significativement le risque d’infarctus du myocarde et d’accident ischémique cérébral. Ce surrisque est principalement dû à l’action délétère du tabac sur l’agrégation plaquettaire et sur la fonction endothéliale tandis que la contraception estroprogestative (dès 35 µg d’éthinylestradiol) favorisera la synthèse de fibrinogène et de fibrinopeptides. Les femmes « fumeuses » ne pourront réagir à l’effet « procoagulant » de la contraception orale alors que les femmes « non fumeuses » augmenteront leur activité antithrombine III en réponse à la contraception. À la ménopause, hormis la carence en estrogènes endogènes, les femmes sont plus fréquemment exposées aux facteurs de risque environnementaux. Après 65 ans, les femmes ménopausées sont plus sujettes que les hommes au syndrome métabolique. Le diabète a aussi un impact CV plus puissant chez la femme car il réduit l’effet protecteur des estrogènes naturels. L’augmentation de l’obésité féminine multiplie par 10 le risque d’accidents CV ; or, selon l’étude MONICA, 25 % des femmes seraient concernées par l’obésité. L’HTA concerne une femme sur deux après 65 ans et s’inscrit fréquemment dans le syndrome métabolique de la ménopause. Ainsi, même si les MCV touchent encore préférentiellement les femmes ménopausées, l’exposition aux facteurs de RCV est de plus en plus précoce. Les registres européens (Mona Lisa) et nord-américains nous ont récemment alertés sur cet impact puissant de l’environnement chez la femme[1-4]. Le risque CV a ses spécificités chez la femme alors qu’il est sous-estimé voire négligé par méconnaissance du problème. Une classification spécifique du risque CV de la femme a été proposée dans les recommandations de l’American Heart Association en 2007 pour aider le clinicien avec 3 niveaux de risque spécifique : très élevé, modéré, bas à optimal. À la ménopause, toutes les femmes doivent être considérées comme étant à risque élevé (tableau 3)[2,3,4]. Les recommandations de prise en charge ll n’y a pas de traitement spécifique chez la femme. Mais la plupart des essais ont été conduits chez des hommes ou dans des populations à prédominance masculine, à l’exception de l’HTA. Les seules mesures thérapeutiques préventives réellement efficaces sont celles de l’hygiène de vie associant une activité physique régulière, l’arrêt du tabac, peu de sel et d’alcool, une prise en charge du stress, le traitement de la dépression. Les artères de la femme sont plus petites, plus rigides, plus épaisses après la ménopause. Les lésions artérielles sont souvent sévères et proximales (femme fumeuse) ou alors diffuses et/ou touchant les artères en distalité, ce qui rend le geste de revascularisation (endovasculaire) ou chirurgical plus compliqué, avec un succès plus mitigé et un risque de récidive. Les femmes vont moins en rééducation cardiovasculaire car elles se sentent désinvesties de leur missions familiales, n’assumant pas de devoir s’absenter pour leur santé. Chez la fumeuse surtout après 35 ans, on arrête toute contraception avec estrogène de synthèse. Il convient de dépister l’HTA chez la femme aux 3 phases clés de la vie hormonale de la femme ! Il s’agit bien d’une mesure majeure de prévention ! La PA est la porte d’entrée du RCV de la femme. À la périménopause, le médecin traitant et le gynécologue doivent répertorier les facteurs de risque CV, faire un bilan biologique à la recherche d’une hypercholestérolémie, d’un diabète, et mesurer la circonférence abdominale. Après 45 ans si la femme veut refaire du sport, un bilan CV est conseillé avec une épreuve d’effort si elle est à risque. L’American Heart Association[3] et la Société européenne de cardiologie[4] ont publié des recommandations spécifiques sur la prise en charge du RCV de la femme en insistant sur l’urgence de la modification de nos pratiques et de l’information des femmes. Elles recommandent un traitement antihypertenseur chez les femmes sans autre facteur de risque dont l’HTA reste ≥ 140/90 mmHg malgré une hygiène de vie adaptée et dès 130/80 mmHg chez les femmes ayant un autre facteur de risque tel que le diabète[4]. Les taux idéaux concernant les lipides sont estimés ≥ 0,5 g/l pour le HDL-C (0,4 g/l chez les hommes) et ≤ 1 g/l pour le LDL-C. Elles préconisent la prescription de statines chez les femmes à haut RCV ou dont le LDL-C est > 1g/l, avec pour objectif de le ramener à 0,7 g/l. Concernant le diabète, les recommandations s’en tiennent à un objectif d’HbA1c < 7 %. Enfin, la dépression semble augmenter le risque d’infarctus du myocarde de façon plus significative chez les femmes que chez les hommes. La prescription d’inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRS) est donc recommandée (tableau 4)[3,4]. Références 1- Aouada A, Péquignot F, Le Toullec A, Jougla E. BEH 2007 18 septembre ; 35-36. www.invs.sante.fr. 2- Mosca L, Jones WK, King KB, et al. Arch Fam Med 2000 ; 9 : 506-15. Hayes SN. Am Fam Physician 2006 ; 74 : 1331-40. 3- Mosca L, Appel LJ, Banka CL, et al. Circulation 2007 ; 115 : 1481-501. 4- Collins P, Rosano G, Casey C, et al. Eur Heart J 2007 ; 28 : 2028-40. Femmes et maladies vasculaires : des particularités à souligner ! L’AOMI de la femme : un diagnostic trop tardif, une prise en charge trop attentiste D’après la communication de M. Lafitte Les femmes comme les médecins ne connaissent pas ou peu le pronostic vasculaire lié à l’AOMI (démence, atteinte coronarienne, infarctus cérébral) et le pronostic global (cancers associés, amputation). Une mise au point par M. Lafitte sur ce sujet sera publié prochainement dans Cardiologie Pratique.   L’AVC de la femme : des particularités à souligner ! D’après la communication de F. Woimant, Paris Dans un rapport ministériel datant de 2009, il est noté que la prévalence de l’AVC augmente avec l’âge avec 120 982 personnes hospitalisées pour AVC ou AIT dont 51,5 % de femmes (étude PMSI 2007). Les AVC sont plus sévères chez la femme avec un moins bon pronostic fonctionnel, davantage de séquelles physiques, de limitations dans les activités de la vie quotidienne, d‘atteinte cognitive, de dépression, et une qualité de vie moins bonne (Roquer et al. Stroke 2003). Les étiologies varient en fonction de l’âge. Chez la jeune femme, on retient la dissection, l’athérome, la cardiopathie, la maladie des petites artères. Aucune cause est retrouvée dans 4 cas sur 10, plus d’une cause dans 11 % des cas (Leys Neurology 2002). La dysplasie fibro-musculaire, le syndrome des anti-phospholipides et l’artérite de Takayashu sont des causes d’infarctus cérébral plus fréquentes chez la femme que chez l’homme. Le risque neurovasculaire n’est pas augmenté de façon notable pendant la grossesse mais la période du post-partum est à plus haut risque d’AVC que ce soit les infarctus artériels, les hémorragies cérébrales et les thromboses veineuses cérébrales (Lanska and Kryscio, Stroke 2000). En ce qui concerne l’association « migraine et AVC », le risque d’infarctus cérébral est augmenté seulement dans la migraine avec aura avec un risque relatif (RR) x 3. Il est aussi augmenté avec l’association migraine (surtout avec aura), contraception estroprogestative, tabac et autres facteurs de risque vasculaire (risque x 10 à 35). Le risque absolu est néanmoins finalement relativement faible : 18/100 000/an. Chez la femme plus âgée, l’étiologie la plus fréquente est la fibrillation atriale mais l’HTA est aussi un puissant facteur de risque d’accident cérébral. On retiendra quelques particularités du traitement chez la femme par rapport aux hommes : l’aspirine est efficace en prévention primaire (NEJM 2005; 352:1293-1304). Le délai de prise en charge préhospitalier est comparable entre hommes et femmes mais la prise en charge intrahospitalière est plus tardive avec moins de bilans prescrits sur l’évaluation du risque vasculaire global. La thrombolyse semble plus efficace mais est moins souvent utilisée (Forster, Stroke 2009). La chirurgie carotidienne est moins efficace chez la femme (Rothwell et al, Lancet 2004 ; 363 : 915-24).   Femmes et traitement hormonal de la ménopause (THM) et risque cardiovasculaire D’après la communication de B. Letombe, Lille Jusqu’en 2002, date de parution des résultats de l’étude WHI[1], les traitements hormonaux de la ménopause (THM) tiraient leur bénéfice de la diminution du risque coronarien. Les autres accidents découverts dans la WHI[1] qu’il s’agisse des accidents thromboemboliques veineux, de l’augmentation des infarctus cérébraux chez les femmes très âgées ou de l’augmentation modeste des risques de cancer du sein, étaient connus de longue date. L’augmentation de ces accidents était, en termes attribuables, largement compensée par une diminution de 40 % des risques coronariens. Les résultats de l’étude HERS[2] ont bouleversé la donne en montrant que, chez la femme ayant déjà une maladie coronarienne, le THM constitué d’estrogènes conjugués équins et de médroxyprogestérone acétate (MPA) n’a pas d’effet préventif sur les récidives mais qu’il accroît le risque coronarien[2,3]. Dès lors, l’absence de bénéfice coronarien ne contrebalançait plus les risques déjà connus du THM, même s’il a été confirmé que celui-ci diminue le risque fracturaire et les cancers du côlon. De ce fait désormais 75 % des femmes ont abandonné leur THM. Depuis 2002, on considère que seulement 800 000 femmes sont actuellement traitées sur les 6 millions et demi de femmes entre 50 et 65 ans qui pourraient peut-être en « bénéficier ». Depuis ces deux études, le THM est plus souvent associé à la notion de risque qu’à celle de bénéfice CV. Or, il est important de rappeler que les femmes incluses dans WHI étaient âgées (en moyenne 63 ans) et n’avaient pas été traitées depuis 15 ans lorsqu’elles sont entrées dans l’étude (pour 75 % d’entre elles). Il s’agissait donc d’une population de femmes à haut risque vasculaire bénéficiant d’un traitement différent de celui prescrit en France (estrogènes conjugués équins et MPA), ce qui pouvait expliquer le caractère très décevant des résultats de l’époque. Redécouverte du concept de fenêtre de prévention En 2006, la réanalyse de l’étude WHI sur le sous-groupe des femmes âgées de 50 à 60 ans au début du traitement hormonal[5] et sa confrontation au réexamen des grandes études épidémiologiques[4] et aux recherches fondamentales[6] ont permis de redécouvrir le concept de fenêtre de prévention et de préciser les conditions optimales et les contre-indications du THM. À âges et facteurs de risques équivalents, les femmes ménopausées ont un risque d’accident coronaire plus élevé que les femmes non ménopausées. Il en est de même des femmes « castrées » comparativement aux femmes « non castrées ». Si l’on réexamine les études d’interventions HERS et WHI [1,2], seules les femmes traitées précocement après le début de la ménopause ont présenté une diminution du risque coronarien, bien sûr à la limite du seuil de significativité statistique en raison de leur faible effectif ; l’effet a été neutre chez les femmes traitées 10 à 20 ans après la ménopause, seulement délétère chez celles ayant début le traitement plus de 20 ans après. Ainsi, l’introduction d’estroprogestatifs artificiels chez une femme athéromateuse et/ou à distance de la ménopause, majore le risque coronarien. A contrario, en l’absence de risque d’athérome, et administrés immédiatement après la ménopause, les estrogènes conservent leur pouvoir protecteur.   Effet spécifique des molécules et de la voie d’administration Certains arguments théoriques militent en faveur des estrogènes par voie transcutanée, un effet antioxydant sur le LDL-C présent dans le sous-endothélium, l’absence d’augmentation des métalloprotéinases matricielles (MMP) et de fissuration des plaques d’athérome contrairement aux estrogènes per os. Ces résultats sont à rapprocher des résultats de l’étude française E3N (initiée en 1990 auprès d’un échantillon de 100 000 femmes volontaires adhérentes à la MGEN)[7] ainsi que des résultats de l’étude prospective MISSION, étude débutée en janvier 2004, de suivi de 6 755 femmes exposées ou non au THM[8]. Cette étude initiée par la Fédération nationale des Collèges de gynécologie médicale a pour objectif est de déterminer l’incidence du cancer du sein, de l’infarctus du myocarde, de l’AVC, de la phlébite et de l’embolie pulmonaire chez la femme ménopausée suivie par un gynécologue selon la présence ou non de THS et la relation causale possible entre le THS et ces maladies. Restait le point noir des AVC. Tous les traitements hormonaux à base d’estrogènes (contraception comme THM) augmentent le risque d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) à un degré relativement modeste, hormis bien sûr en présence d’autres facteurs de risques (hypertension, diabète, tabagisme, migraines avec aura). Le risque d’AVC augmente avec l’avancée en âge et devient relativement élevé chez les femmes après la soixantaine, ce qui a conduit à limiter la durée du THM et à éviter son introduction chez les femmes ayant des facteurs de risque cérébrovasculaire[9]. Une grande étude observationnelle publiée dans le BMJ de juin 2010 vient de confirmer certains arguments pharmacologiques suggérant que les estrogènes percutanés de même que la progestérone orale n’auraient pas les mêmes effets sur la pression artérielle que les estrogènes par voie orale[10]. Le mot de la fin   Les professionnels de santé, les pouvoirs publics et les médias ont la mission fondamentale de mieux informer les femmes sur leurs facteurs de risque CV, les symptômes annonciateurs et le bénéfice d’un dépistage pour arriver à une égalité des prises en charge. La formation des professionnels de santé représente une autre clé pour améliorer le dépistage des facteurs de risque CV chez la femme aux 3 étapes clés de sa vie génitale (contraception, grossesse, ménopause), les alerter sur les symptômes particuliers et les informer sur le bilan minimal chez une femme à risque. La mesure de la pression artérielle doit faire partie de l’examen de routine à chaque consultation quel que soit l’âge de la femme. Le gynécologue et le médecin généraliste ont un rôle majeur dans la prévention primaire de la femme en insistant sur l’hygiène de vie équilibrée, en particulier sur les effets nocifs du tabac, du sel, de l’alcool et de la sédentarité. Les recommandations insistent aussi sur l’importance du partenariat entre médecins généralistes, cardiologues, médecins vasculaires et gynécologues, élément clé de la prévention CV de la femme. D’après une session consacrée à la maladie cardiovasculaire de la femme au cours des Journées européennes de cardiologie en janvier 2011 avec la participation de Claire Mounier-Vehier (Lille), France Woimant (Paris), Marianne Laffitte (Bordeaux) et Brigitte Letombe (Lille).

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