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Prévention et protection

Publié le 26 oct 2004Lecture 22 min

Facteurs de risque cardio-vasculaire - Nouvelles cibles thérapeutiques

M. NGUYEN

Les données épidémiologiques concernant les maladies cardio-vasculaires sont particulièrement alarmantes ; elles incitent les spécialistes à promouvoir une intensification de la lutte contre les facteurs de risque et plus spécialement ceux qui, comme la surcharge pondérale et le tabagisme, échappent encore à une véritable prise en charge, faute de moyens thérapeutiques adaptés.
Or, c’est justement là où l’on mesure les conséquences les plus dramatiques aussi bien dans les pays occidentaux que dans ceux en voie de développement.

La mortalité cardio-vasculaire pire que la peste noire Dans son allocution inaugurale lors du congrès de Munich, le Pr Jean-Pierre Bassand, président de la Société Européenne de Cardiologie (ESC), a rappelé les données épidémiologiques qui montrent le poids du fléau. Celles-ci, publiées en 1996 (Munoz et coll.), tiraient déjà la sonnette d’alarme en révélant la progression des facteurs de risque cardio-vasculaire. À partir de telles données, on pouvait entrevoir ce qui allait contribuer à augmenter la morbi-mortalité, qu’il s’agisse ou non de maladies transmissibles, le nombre des décès imputables à des causes cardio-vasculaires passant de 28,1 millions (données 1990) à 49,7 millions en 2020, si aucune mesure préventive n’était adoptée.   Une menace omniprésente La pandémie des maladies cardio-vasculaires s’observe dans les pays développés, mais également dans les pays en voie de développement ; « elle est pire que la peste noire qui avait sévi au Moyen Âge », souligne le Pr Bassand, bien qu’il ne s’agisse pas d’une maladie transmissible ! Sa cause : des facteurs de risque liés à certaines habitudes alimentaires et d’hygiène de vie. C’est vers ce domaine que devront porter les efforts d’information. La Société Européenne de Cardiologie se devait de se tourner délibérément vers la prévention ; un objectif consensuel décidé et adopté à Cork (Irlande) en février 2004 et qui doit, à partir de maintenant, entrer dans la pratique courante. On connaît bien les facteurs de risque dont la responsabilité a été établie au cours d’études internationales. La dernière en date, l’étude INTER-HEART, a d’ailleurs créé l’événement lors de l’ESC et, de ce fait, a été largement discutée et commentée à Munich quelques jours avant sa publication (le 14 septembre 2004) dans le Lancet.   Neuf facteurs de risque D’après cette étude, l’ethnicité n’entre pas en ligne de compte ; les facteurs de risque sont les mêmes pour tous et partout dans le monde : tabagisme, dyslipidémie (mauvais rapport apolipoprotéine B/apolipoprotéine A-1), hypertension, diabète, obésité abdominale, stress, insuffisance de consommation de fruits et légumes, manque d’exercice ! Pas un seul continent, pas une seule civilisation ne sont épargnés, de même que la plupart des facteurs de risque cardio-vasculaire peuvent être prévenus, et parmi eux, le tabagisme et l’obésité qui sont particulièrement préoccupants, pour ne pas dire menaçants pour les années à venir. En effet, faisant référence au message délivré il y a plus de quatre siècles par le roi d’Angleterre James Ier, le Pr Bassand en a rappelé les propos : « le tabagisme est une habitude répugnante pour l’œil, dégoutante pour le nez, blessante pour le cerveau, dangereuse pour les poumons... » ; or, par l’intermédiaire des maladies cardio-vasculaires et pulmonaires, le tabagisme est en passe de devenir l’une des causes majeures de décès avec près de 8 millions de morts par an d’ici 2020. Quant à l’obésité, elle progresse de façon dramatique sur toute la planète, faisant le lit des maladies métaboliques et vasculaires : syndrome métabolique, diabète, hypercholestérolémie, hypertension artérielle. La situation est grave. Il est temps de mettre en place une stratégie globale ciblée pour stopper la progression mondiale de l’obésité. Cette stratégie doit s’appuyer sur des travaux scientifiques, elle passera par des recommandations et l’éducation des patients.   Une bonne nouvelle : le risque est prévisible et les causes sont contrôlables C’est le Pr Salim Yusuf, principal investigateur de l’étude INTER-HEART (université Mac Master, Canada) qui a tiré les messages les plus encourageants de cette très large étude menée à l’échelle planétaire, c’est-à-dire dans 52 pays sur une population de 29 000 sujets suivis pendant toute une décennie. Ses conclusions devront servir de fondement à une approche thérapeutique préventive du fléau cardio-vasculaire. Comme l’a souligné le Pr Yusuf, l’étude INTER-HEART réfute les idées conventionnelles selon lesquelles seulement la moitié des infarctus pourraient être prévenus. D’après INTER-HEART, 90 % des infarctus de myocarde sont prévisibles ! Il s’agit, pour S. Yusuf, d’un résultat « stupéfiant » qui a été observé malgré les consignes méthodologiques qui tendaient à sous-estimer l’impact du diabète et de l’hypertension.   Un même message de prévention pour tous S. Yusuf observe que les mêmes facteurs de risque prédisent la plupart de ces événements dans toutes les régions du monde, toutes les populations, quelle que soit leur appartenance ethnique, aussi bien chez les femmes que chez les hommes, et quelle que soit leur catégorie d’âge. Une telle conclusion nous permet de penser que la prévention est possible et passe par des messages universels, simples, et accessibles à tous, en tenant compte des différences sociales et économiques.   L’obésité : un problème de santé publique L’obésité est responsable de 5,5 à 7 % des dépenses de santé aux États-Unis et déjà de 2 à 3,5 % dans d’autres pays comme l’Australie, le Canada, la France, le Japon, la Nouvelle-Zélande ou encore le Portugal (Thompson, 2001). Actuellement, l’OMS estime que plus d’un milliard d’adultes dans le monde sont en surcharge pondérale, dont quelque 130 millions aux États-Unis où le problème est apparu dans les années 60... Cependant, il remarque que, rapporté au nombre de sujets concernés, le coût médical de la prise en charge de cette maladie reste, en soi, relativement modeste parce que le problème est peu traité médicalement.   Obésité abdominale : un facteur de risque cardio-vasculaire enfin reconnu L’étude INTER-HEART a mis en évidence l’obésité abdominale en tant que facteur de risque cardio-vasculaire indépendant. L’obésité est longtemps restée une éventuelle préoccupation esthétique pour le patient, même si c’était déjà un sujet de préoccupation pour le médecin, mais faute de disposer de traitements efficaces, il désespérait de faire maigrir son patient. Aujourd’hui, il peut faire plus ; ainsi, grâce aux travaux de l’équipe canadienne, on sait que deux sujets de même poids et de même taille ne comportent pas forcément les mêmes risques. Les complications métaboliques sont associées à l’obésité viscérale, abdominale. C’est tout le cadre qui est à revoir. Autrefois, on parlait d’obésité « androïde » ou « gynoïde » en fonction de la distribution haute ou basse de la masse adipeuse ; désormais, en fonction du risque inhérent à cette localisation particulière de l’adiposité qui épaissit la peau, qui touche les viscères, mais aussi le rétropéritoine, l’arrière et les flancs où elle forme les « poignées d’amour », il faut distinguer l’obésité abdominale. Les moyens diagnostiques sont des plus simples : l’observation et l’usage d’un mètre de couturière pour mesurer le périmètre abdominal. Toutefois, cette localisation des graisses peut aussi être confirmée par des moyens plus sophistiqués comme les techniques d’imagerie par scanner, présentées par J.-P. Desprès.   Retour sur les définitions L’obésité est communément définie par le rapport poids (kg)/taille (m2) (autrement dit BMI, c’est-à-dire body mass index ou indice de masse corporelle, IMC en français) : c’est ainsi que l’OMS a retenu en 2003 les valeurs de l’IMC > 25 pour la simple surcharge pondérale et un IMC > 30 pour l’obésité. Cette définition même a fait l’objet de débats au cours du congrès de Munich parce qu’elle ne tient absolument pas compte de la distribution de la masse grasse. Or, on sait aujourd’hui que certains patients peuvent avoir un profil métabolique que l’on pourrait qualifier de « normal » en termes de facteurs de risque métabolique malgré une présence significative d’excès de masse adipeuse, alors qu’au contraire, certains sujets en surcharge pondérale modérée mais avec un périmètre abdominal supérieur à la normale peuvent présenter toute une série de complications : diabète, maladie coronaire, artérite périphérique, etc. Aussi, pour l’équipe canadienne du Pr Desprès qui observe depuis 17 ans différentes populations d’obèses, plus que l’IMC, c’est le tour de taille ou la ceinture abdominale qui sont déterminants de la survenue d’un syndrome métabolique.   L’adipocyte : une cellule neuro-endocrine L’adipocyte ne doit plus être considéré comme une simple réserve de graisse, c’est une cellule clé active. Elle produit la leptine, dont la sécrétion est proportionnelle à la masse adipeuse. Sa découverte dans les années 90 avait suscité de grands espoirs ; on sait aujourd’hui que ce n’est qu’un marqueur qui participe au contrôle de la masse adipeuse. La leptine est une cytokine qui, libérée par les adipocytes dans la circulation sanguine, va se fixer sur des récepteurs centraux hypothalamiques qui participent à l’intégration de signaux métaboliques et permettent de contrôler l’homéostasie énergétique. Informé sur l’état des réserves lipidiques, le cerveau sait alors exercer un rétrocontrôle négatif sur la prise alimentaire lorsque le sujet s’est alimenté suffisamment, ce qui provoque la satiété. D’autres cytokines sont également secrétées par les adipocytes : l’interleukine IL6, ou encore le facteur de nécrose tumorale TNF a... qui jouent un rôle vraisemblable dans le développement des complications vasculaires et la sensibilité à l’insuline. Les équipes de recherche ont également identifié différentes protéines sécrétées, elles aussi, par les adipocytes, comme la résistine et l’adiponectine qui pourraient aussi être impliquées dans le cercle vicieux reliant adipocyte et insulinorésistance. L’adiponectine, protéine adipocytaire de découverte récente, est impliquée dans les métabolismes glucidique et lipidique et joue un rôle important dans la physiopathologie de l’obésité, du diabète de type 2 et de la maladie coronarienne. Ses concentrations plasmatiques sont diminuées chez les obèses et inversement corrélées à l’IMC ; il en est de même des diabétiques et des coronariens. À l’inverse, l’amaigrissement et la normalisation du métabolisme glucidique s’accompagnent d’une réascension de ses concentrations plasmatiques.   L’insulinorésistance Longtemps, on a cru que l’insulinorésistance observée au niveau musculaire était due à une compétition entre acides gras et glucose en tant que substrat oxydatif, cette notion a vécu à la suite : • d’une part de la découverte de la leptine, dont l’absence chez certains rongeurs génétiquement modifiés s’accompagne d’une résistance à l’insuline que l’on a appris à corriger par une perfusion de leptine, ; • d’autre part, de la découverte d’un facteur de transcription : le PPAR g (peroxisome proliferator-activated receptor), qui appartient à une famille de récepteurs nucléaires contrôlant à la fois le métabolisme lipidique, lipoprotéique et glucidique, l’adipogenèse et la différenciation cellulaire. Ce dernier est exprimé spécifiquement dans les adipocytes et est impliqué dans l’athérosclérose, tant au niveau du dysfonctionnement endothélial que de l’accumulation de cholestérol, de la prolifération cellulaire ; il semble posséder une activité immunomodulatrice jouant sur la production d’interleukines, d’interféron et de TNF a. Ces PPAR g, en se liant à des récepteurs nucléaires, entraînent une cascade de réactions qui stimulent alors les gènes impliqués dans le métabolisme glucidique.   Le syndrome métabolique ou prédiabète Le syndrome métabolique est communément admis comme un état prédiabétique. Il a été défini dans le programme national américain NCEP (National Cholesterol Education Program) sur la présence d’un ensemble de trois critères parmi les cinq critères suivants : • une circonférence abdominale ≥ 102 cm chez l’homme et 88 cm chez la femme, • une triglycéridémie > 1,50 g/l, • un HDL cholestérol < 0,4 g/l chez l’homme ou < 0,5 g/l chez la femme, • une pression artérielle > 130/ 80 mmHg, • une glycémie à jeun > 1,10 g/l. Les recherches biomédicales conduites des deux côtés de l’Atlantique ont montré que la masse grasse n’est pas un simple dépôt de surplus, mais que le tissu adipeux se comporte comme une véritable glande endocrine, impliquée bien sûr dans le stockage énergétique, mais aussi dans l’équilibre hormonal et le métabolisme glucido-lipidique.   L’équilibre énergétique : un vice de forme L’ajustement des besoins alimentaires aux changements de l’environnement est critique pour tous les êtres vivants, et les hommes contemporains en particulier ! Ainsi, le Pr Desprès a commencé son intervention par une image forte d’actualité télévisée montrant les files de voitures qui évitent les déplacements à pieds, les escalators et ascenseurs divers qui se substituent aux escaliers, les écrans d’ordinateurs qui visualisent les interlocuteurs des bureaux voisins, le sport à la télévision qui se substitue à sa pratique... Tous ces efforts évités font que tout ce qui aide au confort participe aussi à la sédentarisation ! Le sujet mange souvent mal et trop gras ; il se dépense d’autant moins qu’il se prive d’exercice, d’où l’apparition progressive de la surcharge pondérale, puis de l’obésité. Les travaux récents montrent que le rôle joué par le système nerveux central est complexe, faisant intervenir des facteurs physiologiques, psycho-sensoriels et même génétiques, puisqu’en 1997 l’équipe de J.-P. Desprès et C. Bouchard identifiait le gène de l’obésité abdominale. Ainsi, si la faim, l’appétit, facilitent l’absorption d’aliments, et si la prise alimentaire est nécessaire à la prise de poids, cela n’explique pas tout ; l’équilibre de la balance énergétique peut être perturbé par différents types d’éléments : externes environnementaux ou innés, génétiques. Toutefois, dans la grande majorité des cas d’obésité, c’est la sédentarité associée à une mauvaise hygiène alimentaire hypercalorique qui est en cause ; l’obésité fait le terrain du syndrome métabolique qui mène au diabète...   Le diabète : un risque sous-estimé On sait depuis longtemps que le diabète et les maladies cardio-vasculaires ne font pas bon ménage ; d’ailleurs, bien souvent le diabète non insulinodépendant, dit de la maturité, ou diabète de type 2, était découvert à l’occasion d’un accident vasculaire, si bien que l’on soupçonnait des effets métaboliques délétères bien avant les premières manifestations cliniques. Le Pr L. Ryden (Institut Karolinska, Suède) a présenté les données sur les relations cœur et diabète, issues de l’Euro Heart Survey. Il s’agit d’une étude de population, réalisée auprès de plus de 4 000 patients admis en service de cardiologie. L’enquête a été réalisée dans 110 centres de 25 pays européens. Parmi les patients admis pour des soins, 31 % se savaient diabétiques, mais au bilan biologique, une autre proportion de 36 % avait de toute évidence des troubles du métabolisme glucidique qui se sont révélés par la suite un facteur de mauvais pronostic. Une pandémie annoncée D’après l’Atlas du diabète, publié en 2003, environ 5 % de la population mondiale souffre de diabète et le pourcentage devrait atteindre 6,5 % en 2025 : cela correspond actuellement à une population mondiale de 193 millions de diabétiques, et à une estimation de 333 millions pour 2025. Or, la prévalence du diabète augmente parallèlement à celle du prédiabète, du syndrome métabolique et de l’obésité ! D’ores et déjà, les diabétologues de par le monde ont commencé à exhorter les pouvoirs publics, les incitant à se préoccuper du problème que certains ont appelé la « diabésité » et à prendre des mesures environnementales pour enrayer cette pandémie et éviter l’implosion des systèmes de soins dans les années à venir. Or, lors du congrès européen du diabète 2003, la bonne nouvelle était venue d’une étude finlandaise : en réduisant les facteurs de risque par la lutte contre la sédentarité et la surcharge pondérale, on peut éviter, dans près de la moitié des cas, l’évolution vers le diabète.   L’exercice « excentrique » améliore la tolérance au glucose Il existe de nombreuses études démontrant les effets favorables de l’exercice physique sur les métabolismes glucidique et lipidique ; ce que le Pr H. Drexel (Académie de Feldkirch, Autriche) a présenté offre une toute nouvelle approche pour évaluer l’impact de différents types d’exercices et répondre à certaines questions de patients trop essoufflés pour entreprendre une quelconque ascension. Les muscles squelettiques travaillent de deux façons : excentrique et concentrique. Dans l’exercice concentrique, les muscles raccourcissent, c’est le cas lors de la montée, alors qu’en descente, ils s’étirent, d’où effort excentrique. H. Drexel a étudié, sur une population de 45 sujets sains volontaires, les effets des exercices concentriques pendant 2 mois, puis excentriques pendant 2 mois également, les volontaires étant leurs propres témoins. Durant l’étude, les participants ont été amenés à pratiquer 3 à 5 fois par semaine des exercices de montée ou de descente sur les pentes autrichiennes avec un dénivelé de 600 mètres. En début d’étude et après chaque période d’exercice de 2 mois, ils ont subi un examen métabolique complet. L’étude montre que les exercices excentriques, c’est-à-dire de descente, améliorent davantage la tolérance au glucose (25 %) que les exercices concentriques de montée (9 %). Pour H. Drexel, le message est clair : « Puisque de nombreux diabétiques ne se sentent pas capables de monter, et donc de pratiquer des exercices concentriques, il faut les laisser prendre les ascenseurs, les tire-fesses, les remonte-pentes pour l’ascension, mais leur conseiller de descendre à pied, car c’est de ce type d’exercice excentrique qu’ils tireront métaboliquement le meilleur profit ! » Le système endocannabinoïde : une clé de l’équilibre énergétique Le système endocannabinoïde a été découvert dans les années 90 et n’a cessé de faire, depuis, l’objet d’importantes recherches. Il est présent dans le cerveau ainsi que dans les tissus périphériques. Bien que l’on connaisse depuis longtemps l’effet stimulant de l’appétit de cannabis sativa, il a fallu attendre la découverte des récepteurs spécifiques et de leurs ligands endogènes avant d’envisager une possible application thérapeutique et donner une base physiologique aux effets biologiques induits par ces substances. Le clonage du récepteur CB1 (Nature, 1990), suivi de celui du récepteur CB2, a ouvert un champ de recherches particulièrement intéressant sur le plan pharmacologique. Les récepteurs CB1 sont largement répandus dans les tissus centraux et périphériques des mammifères, notamment dans le tissu adipeux et le système gastro-intestinal. Leur stimulation par des agonistes, dont les endocannabinoïdes, inhibe la libération du neurotransmetteur au niveau des neurones centraux et périphériques. Certains mécanismes d’action biochimique ont été identifiés ; ainsi, l’activation des récepteurs, en particulier CB1, module l’adénylcyclase, les canaux calcium et potassium, et intervient dans les systèmes de signalisation cellulaire. Les travaux publiés montrent que le système endocannabinoïde est impliqué dans un grand nombre d’actions, notamment : la régulation de prise alimentaire et des dépenses énergétiques, mais aussi la neuromodulation, la nociception, les sécrétions hormonales de l’axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien.   Un espoir dans la prise en charge du risque cardio-vasculaire Une nouvelle approche dans la prise en charge des facteurs de risque cardio-vasculaires pourrait s’ouvrir avec le rimonabant, premier bloqueur sélectif des récepteurs CB1. Rapidement, les études ont montré que le blocage du système entraîne une réduction de la prise alimentaire chez des rongeurs, même lorsqu’ils ont facilement accès à leur nourriture favorite. La bonne tolérance de ce bloqueur du système endocannabinoïde lors des essais de pharmacotoxicologie a permis de passer aux essais de pharmacoclinique. Un vaste programme d’études de phase III a été entrepris dans le monde, portant sur plus de 6 600 patients.   Un véritable contrôle de la balance énergétique Le Pr Uberto Pagotto (Bologne) a fait le point sur l’avancement des connaissances sur le système endocannabinoïde et ses actions. Il a expliqué où, comment et dans quelles conditions le système était activé ; il a précisé le rôle du système endocannabinoïde dans le contrôle de la balance énergétique et la régulation pondérale. Les récepteurs CB1 sont largement présents au niveau du système nerveux central et périphérique, en particulier dans les neurones mésolimbiques, qui participent aux sensations de récompense, et dans la traduction de la motivation en action. Ils sont nécessaires pour induire une prise alimentaire après une courte période de jeûne et stimulent préférentiellement l’ingestion d’aliments agréables au palais. Les excès alimentaires, la gourmandise, l’obésité augmentent l’activité du système endocannabinoïde, mais il en est de même de la nicotine. Cette hyperactivité a une double retombée : - tout d’abord centrale : avec augmentation de l’appétit (effet hypothalamique), augmentation de la motivation pour manger ou fumer (effet lié au noyau accumbens) ; - d’autre part, périphérique : avec accumulation de graisse dans les adipocytes, d’où augmentation de l’insulinorésistance, augmentation de la tolérance au glucose, réduction du taux d’adiponectine, diminution des HDL-C et augmentation des triglycérides. Figure 1. Rimonabant (CB1 bloqueur). Que se passe-t-il en pratique ? Différentes études de stimulation et de blocage ont été effectuées pour expliquer le mécanisme d’action des endocannabinoïdes, aussi bien dans des conditions physiologiques, expérimentales, que pathologiques qui ont donné lieu à des publications et contribué à susciter l’intérêt pour ce système si complexe et très particulier. Les endocannabinoïdes agissent à différents niveaux centraux et périphériques : au niveau de l’hypothalamus pour contrôler l’homéostasie énergétique et des effets directs sur les adipocytes et la lipogenèse pour promouvoir un équilibre énergétique positif. Le blocage du récepteur CB1 (comme on l’observe chez les animaux knock-out, dépourvus du gène) réduit l’appétit, la prise alimentaire s’en trouve diminuée et la masse grasse devient très mince, du moins chez les sujets jeunes, les animaux plus âgés se défendant contre l’obésité par une dépense énergétique accrue. Dès lors, il apparaît que c’est l’association de mécanismes centraux et périphériques qui contrôle la prise alimentaire et la consommation énergétique pour faire face aux besoins métaboliques et maintenir la composition corporelle. La découverte tout d’abord de la leptine, puis des récepteurs endocannabinoïdes a ainsi permis de mieux comprendre les circuits complexes, centraux et périphériques, qui sous-tendent à la fois la prise alimentaire et les dépenses énergétiques. Il est apparu, au cours des études expérimentales réalisées chez les rongeurs obèses, que le système endocannabinoïde peut être stimulé en permanence au niveau hypothalamique, provoquant alors une hyperphagie, ce qui a véritablement ouvert la voie à une meilleure compréhension des relations entre appétit et équilibre énergétique. Figure 2. Résultats de RIO Europe. Modification du poids et du tour de taille.   Les recherches cliniques : résultats de l’étude RIO Europe Le programme RIO (Rimonabant In Obesity) correspond à quatre études de phase III multicentriques, totalisant plus de 6 600 patients. Elles ont été conduites selon le mode randomisé en double aveugle versus placebo, et mises en place pour évaluer l’effet du rimonabant, premier bloqueur sélectif des récepteurs CB1, sur la surcharge pondérale de patients en surpoids (IMC > 27 kg/m2) ou obèses (IMC ≥ 30 kg/m2) : il s’agit des études RIO North America, conduite sur 2 ans chez des patients en surpoids ou obèses, RIO Europe menée sur plus de 1 500 pa-tients en surcharge pondérale ou obèses suivis pendant 2 ans, RIO Lipids sur 1 036 patients en surpoids et dyslipidémiques durant 1 an et, enfin, de RIO Diabetes sur plus de 1 000 diabétiques de type 2 suivis pendant 1 an. Quelque 1 500 patients ont été inclus dans l’étude RIO Europe dont les résultats ont été présentés par le Pr Luc van Gaal (de l’université d’Anvers, Belgique). Les patients avaient une surcharge pondérale avec un IMC ≥ 27 et un profil à risque : 40 % étaient hypertendus, 60 % présentaient des troubles du métabolisme lipidique, 40 % avaient un syndrome métabolique. Avant de livrer les résultats, L. van Gaal a rappelé le contexte de cette étude : depuis longtemps les médecins disposent d’une gamme de produits efficaces qui leur permettent de contrôler les autres facteurs de risque que sont l’hypertension artérielle, les dyslipidémies, le diabète, pouvant alors être exigeants sur l’impact de leur traitement. Les patients ont été répartis au hasard dans les trois groupes : placebo, rimonabant 5 mg et rimonabant 20 mg. Les patients sous traitement actif et les témoins ont tous été soumis à un régime légèrement hypocalorique. Que ce soit sous placebo, ou sous rimonabant à 5 comme à 20 mg, tous les sujets ou presque ont perdu du poids, mais sous traitement actif la différence est significative : à la dose de 5 mg/jour, la perte de poids moyenne a été de 4,8 kg en 1 an (p = 0,038 versus placebo) ; à la dose de 20 mg/jour, elle a été de 8,6 kg (p < 0,001 versus placebo). C’est ainsi que, sous un traitement par rimonabant 20 mg, 67 % des patients ont eu, au bout d’1 an, une perte de poids ≥ 5 %, tandis qu’ils ont été 39 % à atteindre une perte de poids ≥ 10 %. Les résultats en termes de périmètre abdominal sont à l’avenant : la réduction du périmètre abdominal a été de 5,3 cm chez les patients traités par rimonabant à la dose de 5 mg/jour (p = 0,002 versus placebo) et 8,5 cm en moyenne à la dose de 20 mg/jour (p < 0,001 versus placebo), comparativement à 4,5 cm chez les sujets sous placebo. Le Pr van Gaal a ajouté que ce qui est remarquable, c’est que cette perte de poids correspond aussi à des améliorations du syndrome métabolique, à telle enseigne que le nombre de patients porteurs d’un syndrome métabolique à l’entrée dans l’étude a diminué de moitié après un an de traitement par le rimonabant à la dose de 20 mg (p < 0,001 versus placebo). Cet effet s’est traduit par une augmentation des particules HDL et une baisse des triglycérides en miroir, modifications indépendantes pour moitié de la perte de poids ; il a été observé, par ailleurs, chez ses malades, une diminution de la résistance à l’insuline et une amélioration de la tolérance au glucose. Figure 3. Résultats de RIO Europe : diminution du syndrome métabolique. RIO Lipids Le Pr Jean-Pierre Desprès est venu personnellement présenter les résultats de RIO Lipids. Il s’agit de la première des quatre études de phase III étudiant l’efficacité du rimonabant à la fois sur la surcharge pondérale et les facteurs de risque métabolique. Il s’agit d’une étude internationale, multicentrique randomisée en double aveugle contre placebo. Les critères d’inclusion étaient : un IMC > 27 et ≤ 40 kg/m2, une dyslipidémie non traitée avec un taux de triglycérides ≥ 1,69 mmol/l, un rapport cholestérol total/HDL cholestérol > 4,5 chez les femmes et > 5 chez les hommes. L’âge moyen de sujets était de 47 ans, le poids moyen 96 kg. Le premier objectif était la perte de poids avec maintien à 1 an. Chez tous les sujets, le tour de taille était mesuré avant et après traitement. Le bilan biologique portait sur les triglycérides, le HDL et le LDL cholestérol, la glycémie à jeun, l’insulinémie, une hyperglycémie par voie orale, avec mesure de la tolérance au glucose. Le rimonabant à la dose de 20 mg a provoqué une diminution significative du poids (– 8,6 kg versus – 2,3 kg dans le groupe placebo), accompagnée d’une diminution de la circonférence abdominale de – 9,1 cm comparativement au placebo. Il y a eu une amélioration significative du profil lipidique, de même qu’une amélioration des réponses à la charge de glucose. Ces résultats confirment largement l’amélioration du syndrome métabolique : le taux des particules HDL augmente en moyenne de 23 %, celui des triglycérides diminue en moyenne de 15 %, parallèlement à une réduction significative de la taille des particules LDL. Là encore, comme dans RIO Europe, il y a eu une baisse de 50 % des patients présentant un syndrome métabolique entre le début et la fin de l’étude dans le bras de traitement par rimonabant à la dose de 20 mg/jour. J.-P. Desprès a précisé que, parallèlement, on observe une réduction de 27 % de la protéine C-réactive, l’un des marqueurs de l’inflammation qui prédit le risque cardio-vasculaire. Ainsi, a-t-il conclu, grâce au traitement par le rimonabant, on agit sur la cause de la maladie puisqu’on obtient la réduction de la masse grasse viscérale, donc la réduction du tour de taille, et l’on prévient les accidents cardiaques en réduisant aussi bien l’hypertension artérielle que la dyslipidémie et le diabète ; on peut également espérer un impact sur les complications par la réduction du taux de protéine C-réactive, l’un des marqueurs du phénomène inflammatoire. Figure 4. Résultats de RIO-Lipids. Modification en pourcentage du HDL cholestérol et des triglycérides aux consultations (ITT LOCF). Étude STRATUS : le tabagisme sur la voie du sevrage sans prise de poids Lors de sa conférence inaugurale de l’ESC, J.-P. Bassand a déclaré la guerre au tabagisme qui, d’ici 2020, risque d’entraîner quelque 8 millions de morts par an dans le monde ; il a souligné qu’aujourd’hui encore, malgré les efforts d’information sur les risques de cette mauvaise habitude comportementale, la prévalence du tabagisme reste élevée : 30 % de fumeurs dans les 5 grands pays européens, 23 % chez les plus de 18 ans aux États-Unis où pourtant 70 % des fumeurs affirment vouloir abandonner la cigarette et 30 à 40 % tentent au moins un sevrage par an. Or, les fumeurs savent qu’ils perdent ainsi 8 à 12 ans d’espérance de vie et qu’un sevrage à l’âge de 35 ans leur permettrait de récupérer 6 à 8 ans de vie. Le programme STRATUS (STudies with Rimonabant And Tobacco USe) a été conduit entre août 2002 et juillet 2003 sur une population de près de 800 sujets fumant en moyenne 23 cigarettes par jour. L’étude a été poursuivie pendant 52 semaines. Il s’agissait d’une étude randomisée en double aveugle évaluant le rimonabant 5 ou 20 mg versus placebo. Cette étude, rapportée par le Dr Serena Tonstad (Oslo) a confirmé l’intérêt du rimonabant dans le sevrage tabagique chez ces patients. Un nombre significatif de pa-tients sous rimonabant 20 mg ont réussi leur sevrage et sont restés abstinents jusqu’à la fin de l’étude. Chez les sujets ayant obtenu une abstinence prolongée sous rimonabant, il n’y a pas eu de prise de poids, alors que sous placebo, la prise de poids a pu être rapide et substantielle, au point que cet effet secondaire est souvent évoqué à la reprise du tabagisme. Les sujets obèses sous rimonabant 20 mg perdent même du poids lors du sevrage et le sevrage est bien toléré.

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