Publié le 29 oct 2024Lecture 4 min
Arythmies et resynchronisation : stimulation biventriculaire ou physiologique ?
Nicolas CLÉMENTY, Montpellier
La stimulation de la zone de la branche gauche est la technique de resynchronisation cardiaque en plein essor. Faisant partie des techniques dites de stimulation physiologique — avec la stimulation parahissienne actuellement moins en vogue — elle consiste à capturer directement ou indirectement le réseau de Purkinje gauche après perforation guidée du septum interventriculaire.
L’impact de cette technique sur les arythmies cardiaques reste en revanche peu connu.
Arythmies atriales
L’impact de la resynchronisation sur l’incidence des arythmies atriales reste modeste. De manière générale, l’incidence de fibrillation atriale augmente en cas de mauvaise réponse à la resynchronisation, et la fibrillation atriale aggrave à son tour d’autant plus le pronostic de ces patients insuffisants cardiaques. La fibrillation atriale est donc à la fois un marqueur et un facteur de risque dans cette population. L’étude AdaptivCRT avait ainsi montré une réduction d’environ 50% de l’incidence d’épisodes de fibrillation atriale de plus de 48 heures en cas de thérapie biventriculaire « optimisée »(1). On peut imaginer qu’une technique de resynchronisation plus efficace sur le remodelage et diminuant l’incidence de décompensation cardiaque pourrait diminuer l’incidence des arythmies atriales et améliorer d’autant le pronostic. L’étude I-CLAS a suivi pendant une moyenne de 25 mois un total de 1 414 patients resynchronisés par stimulation biventriculaire conventionnelle ou par stimulation de la zone de la branche gauche, appariés par score de propension en 2 groupes comparables(2). Le taux de répondeurs à la resynchronisation, défini par une augmentation de la fraction d’éjection ventriculaire gauche de plus de 5 %, était plus élevé dans le groupe stimulation physiologique. La stimulation de la zone de la branche gauche était associée à une diminution de 66 % de la survenue de fibrillation atriale de novo, avec 4 fois moins d’épisodes de fibrillation atriale de plus de 24 heures.
Arythmies ventriculaires
Même s’il est rare, l’effet pro-arythmique de la stimulation biventriculaire est bien décrit. Il se caractérise par la survenue de tachycardies ventriculaires volontiers monomorphes dès l’instauration de la thérapie électrique — et réversibles à l’arrêt de celle-ci — due à l’inversion de la direction du front de dépolarisation favorisant la pénétration d’un isthme jusqu’alors spectateur. Cet effet arythmogène est aggravé par un gradient d’activation non-physiologique depuis l’épicarde vers l’endocarde, avec une dispersion de la repolarisation.
La stimulation physiologique utilise le réseau de Purkinje pour distribuer l’influx électrique à la vitesse de 4 m/s — c’est 10 fois plus rapide que le myocarde ventriculaire — en raison de l’enrichissement des cellules de Purkinje en protéines connexines et en canaux sodiques voltage-dépendants. Le front de dépolarisation est plus rapide, plus homogène, ce qui pourrait contribuer à diminuer les phénomènes de rentrée intramyocardique. Par ailleurs, un meilleur remodelage inverse et une diminution de l’incidence de l’insuffisance cardiaque pourraient aussi participer à une baisse ultérieure des événements rythmiques ventriculaires. Enfin, la stimulation antitachycardique physiologique pourrait être aussi plus efficace pour casser les circuits de rentrée. La même étude I-CLAS a ainsi montré une diminution de 54 % de la survenue d’arythmies ventriculaires chez les patients naïfs d’arythmies et de traitements antiarythmiques, ainsi qu’une diminution de la nécessité de chocs électriques(2). Les orages rythmiques étaient aussi 6 fois moins fréquents. Le bénéfice de la stimulation de la zone de la branche gauche était par ailleurs plus marqué chez les patients répondeurs.
Des effets spécifiques ?
Stimuler le réseau de Purkinje pourrait aussi avoir des effets rythmiques spécifiques. Il est ainsi vraisemblable que les tachycardies ventriculaires empruntant les voies de conduction comme les tachycardies ventriculaires de branche-à-branche — retrouvées plus particulièrement chez les patients porteurs de cardiopathies dilatées non-ischémiques ou de troubles conductifs infrahissiens — soient tantôt plus, tantôt moins facilement déclenchables par la stimulation physiologique, selon la physiopathologie spécifique du tissu conductif de tel ou tel patient. L’efficacité de la stimulation anti-tachycardique pourrait être elle aussi variable. Nous avons ainsi décrit quelques cas de survenue de bigéminismes ventriculaires issus du Purkinje (extrasystolie ventriculaire fasciculaire ou papillaire) révélés après implantation d’une sonde de stimulation de la zone de la branche gauche (figure)(3). Même si ces observations sont peu fréquentes, peu de données sont disponibles sur leurs conséquences à long terme, notamment du fait de la baisse associée du pourcentage de resynchronisation.
Enfin, si l’on connait bien le rôle majeur du Purkinje comme « trigger » de la fibrillation ventriculaire, que ce soit en présence ou en l’absence de cardiopathie structurelle, il reste à clarifier dans cette situation les effets bénéfiques ou délétères d’une stimulation directe des voies de conduction…
Figure. Bigéminisme fasciculaire gauche incessant post-stimulation fasciculaire postérieure, chez un patient en fibrillation atriale avec ablation de la jonction atrio-ventriculaire(3).
CONCLUSION
• La stimulation des voies de conduction, et plus particulièrement la stimulation de la zone de la branche gauche, permet une activation plus physiologique du ventricule gauche, et pourrait être associée à un meilleur remodelage inverse et à un effet antiarythmique en comparaison des techniques de resynchronisation plus conventionnelles utilisant une sonde de stimulation ventriculaire gauche en position épicardique. Les résultats d’études de plus grande ampleur, randomisées, seront bien sûr nécessaires pour conclure objectivement.
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