Publié le 20 mar 2007Lecture 5 min
L'interrogatoire : un moment fort du bilan en cardiologie du sport
L. CHEVALIER, Clinique du Sport Bordeaux-Mérignac
En pratique quotidienne, la consultation de cardiologie du sport demeure un exercice particulier, et parfois bien délicat.
Le certificat d'aptitude est un acte médical
Contrairement à ce que nous connaissons dans la majorité de nos consultations de cardiologie classique, le patient est, ou se croit la plupart du temps, en très bonne santé et n’envisage le bilan cardiologique que comme une formalité administrative à remplir pour avoir l’autorisation de pratiquer son sport favori.
Par ailleurs, contrairement au traumatologue, au radiologue ou au nutritionniste du sport, le cardiologue n’est que rarement perçu comme un allié par le sportif, puisque susceptible de dépister une anomalie pouvant amener à l’interdiction temporaire ou définitive de la pratique sportive.
Enfin, la délivrance du certificat de non contre-indication s’inscrit dans un contexte médico-légal de plus en plus pesant, avec en corollaire, des contraintes budgétaires qui imposent des bilans minimalistes puisque les recommandations de l’ESC en faveur d’un simple ECG de repos pour les sportifs à partir de l’âge de 12 ans ne datent que de 2005.
Nous voici donc contraints en routine de dépister, dans une population statistiquement à bas risque, les éventuelles complications cardiovasculaires pouvant survenir à l’effort maximal, dans des conditions parfois extrêmes, avec les seuls interrogatoire, examen clinique et ECG de repos.
Or, les études prospectives de morbi-mortalité réalisées ces dernières années aux USA, en Italie et en France ont objectivé un taux non négligeable de décès à l’effort dans des tranches d’âge pour lesquelles les examens complémentaires plus lourds ne font pas partie des recommandations. D’où la nécessité d’une optimisation maximale du trépied diagnostique mis à notre disposition par les recommandations.
Le premier volet d’un interrogatoire efficace doit s’attacher à évaluer du mieux possible le sportif
Si l’examen clinique et l’ECG de repos sont de réalisation et d’interprétation comparables en cardiologie générale et en cardiologie du sport, il n’en va pas de même de l’interrogatoire.
Si l’évaluation des facteurs de risque personnels que sont l’HTA, l’hypercholestérolémie ou le diabète reste classique, l’existence d’un tabagisme actif devra susciter la question subsidiaire, mais ô combien importante, du délai séparant la pratique sportive de la première bouffée de cigarette.
Les antécédents familiaux : il faudra poser explicitement la question d’un décès brutal chez les ascendants ou dans la fratrie avant l’âge de 40 ans. Une réponse par l’affirmative amènera à l’interdiction de toute activité sportive dans l’attente d’examens complémentaires susceptibles d’éliminer myocardiopathie hypertrophique, dysplasie arythmogène et autres.
Les antécédents personnels : l’expérience de terrain et les enquêtes réalisées dans des populations sportives soulignent le caractère parfois très négligent des sportifs vis-à-vis des symptômes suspects. En conséquence, il ne faut pas compter sur ces patients pour vous signaler spontanément des précordialgies, arythmies ou malaises survenus à l’effort. Au médecin de poser clairement, avec insistance, ces questions spécifiques car le sportif, outre le sentiment d’immunité que semble lui conférer la pratique de son sport, a également une capacité non négligeable à « oublier » ces épisodes souvent synonymes de contre-performances.
L’interrogatoire devra également s’attacher à dépister les comportements à risque : hydratation insuffisante, pratique sportive en période fébrile ou post-fébrile, immersion post-effort dans des bains glacés, et comme vu plus haut, tabagisme dans l’heure qui précède ou dans les 2 heures qui suivent l’activité physique.
Enfin, il faudra essayer de déterminer le niveau de motivation, et parfois, il faut le dire, d’inconscience, de la personne face à vous, tâche parfois ardue face quelqu’un que vous rencontrez pour la première fois dans un nombre non négligeable de cas.
L’interrogatoire doit également cerner l’activité sportive pratiquée et la sollicitation CV qui peut en découler
Une fois que le sportif est mieux cerné, l’interrogatoire doit également appréhender la sollicitation cardiovasculaire générée par le sport pratiqué. Ce volet nécessite une « culture sportive » significative, mais cela permet au praticien de ne pas tomber dans les sempiternels clichés souvent infondés du genre « le golf n’est pas sollicitant au niveau cardiaque », ou « le ping-pong peut être pratiqué par tous » ou encore « le squash est un grand pourvoyeur d’accidents cardiaques ».
Une classification inadaptée des sports
Il est également clair que le praticien novice en la matière ne trouvera qu’une aide modeste dans l’utilisation de la classification Endurance/Résistance des sports de Mitchell (tableau), servant pourtant de canevas aux recommandations européennes et nord-américaines. En effet, nombre de sports apparaissent classés de façon franchement inadaptée, en contradiction parfois significative avec les données recueillies sur le terrain. Par ailleurs, cette classification néglige totalement les contraintes cardiovasculaires en rapport avec certaines activités pratiquées à l’entraînement et parfois bien éloignées du sport lui-même.
Les conditions de la pratique
Au-delà de ces questions de classification, l’interrogatoire nécessite une certaine finesse, au sein d’un seul et même sport, pour appréhender du mieux possible les contraintes auxquelles le cœur du patient qui est en face de vous sera soumis.
L’exemple du tennis est assez démonstratif : ainsi, il ne suffit pas de demander combien d’heures par semaine votre patient s’adonne à ce sport ; il faudra aussi connaître son classement et le niveau de ses partenaires afin d’apprécier la longueur et l’intensité des échanges ; il faudra savoir si le sujet se consacre régulièrement à la compétition ; il faudra, bien sûr, se renseigner sur son rythme d’hydratation sur le court, sur la pratique exclusivement en simple ou en double, sur le type de surface utilisée, tous ces paramètres conditionnant, eux aussi, un degré de sollicitation cardiovasculaire qui peut aller du simple au triple. N’oublions pas le risque accru consécutif à un départ de notre tennis(wo)man pour un stage intensif sous les tropiques où la chaleur, la répétition des efforts, le renvoi imperturbable de la balle par un moniteur payé pour cela, génèreront une très nette augmentation de la charge de travail cardiaque.
L’altitude et le climat
Dans le même registre, une prudence médico-légale s’impose vis-à-vis des endurants, coureurs, « VVTistes », performants au niveau de la mer, qui se mettent en tête de supporter des charges de travail équivalentes en haute montagne, dans des régions lointaines, alors qu’ils n’ont souvent qu’une petite expérience de l’altitude.
Il faudra également évaluer les conditions climatiques dans lesquelles le sport sera pratiqué : nager ou plonger au large de Roscoff ne constituera pas la même sollicitation qu’à Porquerolles ou aux Maldives ; randonner à 2 000 m dans les Pyrénées en plein été peut s’avérer très sollicitant en cas de coup de froid brutal. Or, le certificat de non contre-indication ne mentionnera pas toujours ces particularités d’exercice.
En pratique
En cardiologie du sport, comme dans nombre de disciplines, l’interrogatoire est un temps essentiel de la consultation ; il doit :
- permettre de dépister certaines anomalies congénitales ou acquises de la sphère cardiovasculaire,
- déceler des comportements à risque,
- contribuer à l’éducation du sportif,
- et aider, en association avec certains examens complémentaires, à établir des recommandations personnalisées pour une pratique sportive sereine et raisonnée.
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