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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 24 mar 2009Lecture 6 min

Le traitement de la fibrillation atriale : dans quel but et comment ?

J.-Y. LE HEUZEY, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris

Les Journées Européennes de la SFC

Traiter une fibrillation atriale peut paraître simple mais en fait les buts sont multiples, les stratégies complexes et les moyens thérapeutiques nombreux.

Dans quel but traite-t-on une fibrillation atriale ? Lorsque l’on traite une fibrillation atriale, les buts recherchés peuvent être très nombreux. On peut vouloir supprimer la symptomatologie, ou tout au moins diminuer les symptômes, les rendre plus acceptables ; améliorer la qualité de vie ; diminuer l’absentéisme professionnel ; augmenter les performances à l’exercice ; diminuer la charge de fibrillation atriale (le temps passé en fibrillation) ; augmenter le temps pendant lequel le rythme sinusal est maintenu après une cardioversion ; éviter les accidents thromboemboliques ; éviter la détérioration cognitive cérébrale progressive ; éviter l’évolution vers la chronicité ; maintenir un rythme physiologique ; préserver le rôle hémodynamique de la systole auriculaire ; prévenir la survenue d’une insuffisance cardiaque ; augmenter l’espérance de vie, voire guérir le patient… L’énumération de tous ces objectifs montre qu’en fait le traitement, s’il peut paraître simple à l’origine est en fait complexe et que clairement il ne faut pas s’attendre à ce qu’un seul médicament puisse résoudre tout comme on l’a autrefois pensé avec les antiarythmiques. En fait, parmi tous ces objectifs, quatre peuvent être retenus (figure 1) : améliorer les symptômes et la qualité de vie, éviter les accidents thromboemboliques, éviter l’évolution vers l’insuffisance cardiaque, augmenter l’espérance de vie. Figure 1. Le traitement de la fibrillation atriale : quel est le but ? Comment traiter ? Les moyens thérapeutiques qui sont à la disposition du cardiologue pour traiter la fibrillation atriale sont nombreux, à la fois pharmacologiques et non pharmacologiques. Le traitement pharmacologique peut être de deux types : à visée antithromboembolique et à visée antiarythmique. Les thérapies médicamenteuses antithrombotiques sont les antivitamine K, les antiplaquettaires, les héparines, les médicaments antithrombiniques ou antifacteur Xa. Sur le plan des thérapies à visée antiarythmique, il peut s’agir de médicaments utilisés dans la cardioversion (cardioversion pharmacologique ou préparation à la cardioversion électrique), de médicaments antiarythmiques prescrits dans le but de maintien du rythme sinusal ou de médicaments utilisés pour contrôler la fréquence ventriculaire en fibrillation atriale. En ce qui concerne les traitements non pharmacologiques, il peut s’agir, dans un but antiembolique des « occludeurs » de l’auricule, de la cardioversion électrique qui, en elle-même, constitue un traitement de la fibrillation atriale persistante, de l’ablation, qu’il s’agisse d’une ablation par isolation des veines pulmonaires ou d’une ablation du nœud auriculo-ventriculaire avec mise en place d’une stimulation qui est habituellement, actuellement, biventriculaire. Les tentatives de traitement de la fibrillation atriale d’une part par la stimulation, d’autre part par un défibrillateur automatique, se sont en fait avérées être des échecs. La stimulation, malgré tous les algorithmes qui ont été essayés, n’a un effet favorable que chez quelques patients particuliers. Quant à la défibrillation, des défibrillateurs automatiques implantables ont été mis en place mais le développement de la technique a été limité essentiellement par le caractère douloureux de ces chocs. Reste la chirurgie qui garde sa place chez certains patients, habituellement ceux qui sont opérés pour une valvulopathie, mitrale le plus souvent, parfois pour une insuffisance coronaire. Des techniques proches des techniques chirurgicales mais utilisant des abords plus simples comme par exemple la vidéoscopie tendent à se développer actuellement. Quelle stratégie choisir, quels développements futurs ? Développer tous ces abords de la thérapeutique de la fibrillation atriale nécessiterait des pages entières de la revue pendant plusieurs semaines ! On peut schématiser ici la situation de la façon suivante : Stratégie rythmique Concernant l’abord sous l’angle du rythme cardiaque il est clair qu’actuellement la problématique réduire ou ralentir, c’est-à-dire contrôle du rythme ou contrôle de la fréquence, soit maintien du rythme sinusal ou simple ralentissement de la fréquence cardiaque en respectant la fibrillation atriale, reste une problématique permanente et quotidienne pour le cardiologue. On peut schématiser la situation de la façon suivante : – vouloir maintenir le rythme sinusal, en proposant cardioversion et médicaments antiarythmiques pour prévenir les rechutes se justifie tout à fait chez les sujets jeunes, très symptomatiques, avec peu de facteurs de risque de rechute. À l’extrême opposé, le simple contrôle de la fréquence cardiaque se justifie chez les patients âgés peu symptomatiques ayant une cardiopathie sous-jacente évoluée, facteur de rechute très probable. Bien entendu, la plus grande majorité des patients se situent entre ces deux extrêmes et le choix est affaire de cas particulier et d’appréciation du cardiologue en fonction de tous les éléments évoqués précédemment. Dans le « paysage » de la prise en charge rythmique de la fibrillation atriale, deux nouveautés thérapeutiques voient le jour : - l’ablation par isolation des veines pulmonaires dont le développement est certain, utilisée depuis maintenant près de 10 ans. La meilleure indication est celle du sujet jeune très symptomatique sans cardiopathie sous-jacente, avec des taux de succès de l’ordre de 80 %. Un certain nombre d’équipes réalisent également des ablations chez des sujets avec des cardiopathies sous-jacentes, y compris des patients en insuffisance cardiaque. Il faut bien savoir que le risque de succès baisse d’autant plus que le patient a une cardiopathie sous-jacente, qu’elle est évoluée, qu’il est âgé. Le taux de succès baisse et le risque s’élève indiscutablement chez ces patients. - la dronédarone, antiarythmique de classe III de type benzofurane comme l’amiodarone mais sans atome d’iode, constitue l’autre nouveauté dont il faut souligner l’intérêt. La dronédarone a montré des résultats très intéressants dans l’étude ATHENA ; en effet, c’est la première fois qu’un médicament antiarythmique prouve une efficacité en termes de décès de toutes causes et d’hospitalisations de cause cardiovasculaire. C’était le critère de jugement primaire de cette étude. Le médicament diminue la mortalité rythmique et cardiovasculaire prises isolément mais ne diminue pas la mortalité totale prise isolément. La dronédarone constitue donc une avancée indiscutable mais elle est contre-indiquée dans l’insuffisance cardiaque évoluée, une étude spécifique lui ayant été consacrée et ayant donné des résultats négatifs. Stratégie antithrombotique Dans le domaine de la prévention des accidents thromboemboliques, les recommandations sont maintenant bien établies et consensuelles. Le risque peut être facilement évalué par le score CHADS2, allant de 0 à 6 (figure 2). Figure 2. SCORE CHADS2. Ce score s’appuie sur la présence d’une insuffisance cardiaque (1 point), d’une hypertension artérielle (1 point), d’un âge élevé > 75 ans (1 point), d’un diabète (1 point) et d’antécédents d’accident vasculaire cérébral ou d’accident ischémique transitoire (2 points). Globalement et pour schématiser tous les patients qui ont des scores de CHADS2 ≥ 2 relèvent des antivitamines K, quel que soit le type de la fibrillation atriale. En cas de score CHADS 0, l’aspirine est suffisante ; en cas de score CHADS 1 il faut analyser au cas par cas pour faire le choix du traitement antithrombotique. Â côté de ces traitements bien établis se développent actuellement de très nombreux médicaments qui sont soit des antithrombiniques, soit des antifacteurs Xa. Celui dont le développement est le plus avancé est le dabigatran, antithrombinique pour lequel a été réalisée l’étude RELY contre warfarine. Un groupe de 18 000 patients a été inclus ; les résultats définitifs seront connus en septembre prochain lors du congrès de la Société européenne de cardiologie. Les autres candidats sont le rivaroxaban, antifacteur Xa, évalué dans l’essai ROCKET-AF également contre warfarine, l’apixaban dans l’essai ARISTOTLE toujours contre warfarine. Enfin, le dernier candidat est l’idraparinux qui a la particularité de s’administrer par voie sous-cutanée à raison d’une injection par semaine. La forme chimique qui est testée actuellement est l’idraparinux biotyliné qui comporte une molécule de biotine sur laquelle peut s’amarrer l’avidine qui est en quelque sorte un antidote de l’idraparinux, à utiliser en cas d’hémorragie. Ce médicament injectable est évalué actuellement dans l’essai BOREALIS AF. On voit que ce domaine est hautement compétitif et que les espoirs sont importants dans la mise au point de médicaments antithrombotiques qui permettraient d’avoir une efficacité au moins égale à celle des antivitamines K, qui est réelle, mais dont le maniement pourrait être plus facile, notamment en évitant les INR. Il reste qu’en tout état de cause ce sont des substances antithrombotiques et qu’il faudra réaliser des prescriptions scrupuleuses car le risque hémorragique existera toujours avec ce type de médicaments.

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