Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 01 nov 2019Lecture 5 min
Le risque thromboembolique du flutter atrial commun est-il le même que celui de la fibrillation atriale ?
Rodrigue GARCIA, Marine TAVERNIER, Bruno DEGAND, unité de rythmologie, service de cardiologie, Centre cardiovasculaire, CHU de Poitiers
Les Journées de rythmologie
Incidence et profil clinique
Tout d’abord, l’incidence du flutter atrial commun, lorsqu’il n’est pas associé à la fibrillation atriale (FA), est faible puisqu’il est de 0,35/1 000 personnes année.
L’incidence de la FA est, elle, 15 fois plus élevée, à hauteur de 5,38/1 000 personnesannées(1).
Le profil des patients est également différent. Lorsque l’on compare les patients présentant une FA et ceux présentant un flutter atrial isolé, on se rend compte que ces derniers sont en majorité plus jeunes (67 ans versus 71 ans), et avec une proportion d’hommes plus importante (83 % versus 59 %)(2). Le pourcentage d’insuffisance cardiaque ou d’hypertension artérielle est plus faible dans le groupe de patient en flutter atrial. Par ailleurs, on remarque que les scores CHA2DS2-VASc et HAS-BLED sont plus faibles chez les patients du groupe flutter atrial comparé à ceux du groupe FA : le score CHA2DS2-VASc moyen est de 2,3 contre 3,3 et le score HAS-BLED à 1,3 contre 1,67.
Ce que disent les guidelines
Il est primordial de rappeler aussi que le score d’évaluation du risque thrombotique CHA2DS2-VASc a été créé sur une population de patients ayant une FA(3).
Ce score n’est donc pas approprié stricto sensu pour évaluer le risque thrombotique des patients en flutter atrial.
En 2016, des recommandations sur la prise en charge de la FA ont été développées par la Société européenne de cardiologie. Dans celles-ci, il est clairement établi qu’une thérapie antithrombotique est recommandée pour les patients ayant un flutter atrial avec une classe de recommandation I et un niveau de preuve B(4). Cette année, nous avons eu la chance de voir publier de nouvelles recommandations sur la prise en charge des tachycardies supraventriculaires. Une anticoagulation est désormais préconisée chez les patients en flutter atrial, mais il est clairement précisé que le seuil à partir duquel cette anticoagulation doit être initiée n’est pas clairement établi (classe IIa, niveau de preuve C)(5) (tableau 1).
Lorsque l’on regarde plus en détail les recommandations, une importante évolution voit le jour. En 2016, il était annoncé qu’il n’y avait pas de différence sur le risque thrombotique des patients en flutter atrial comparé à celui des patients en FA(4). Au contraire, en 2019, il est clairement énoncé que le risque thrombotique du flutter atrial est moindre que celui de la FA(5).
Comparaison du risque thromboembolique du flutter atrial et de la fibrillation atriale
Données échographiques
L’étude publiée par Alberto Cresti(6) en 2016 nous apporte quelques informations intéressantes, en évaluant la prévalence d’un thrombus intra-auriculaire en échographie transœsophagienne avant cardioversion. Au total, 1081 patients ont été inclus, les patients chez qui du flutter atrial et de la FA concomitante étaient diagnostiqués étaient exclus. Malheureusement, aucune donnée sur le score CHA2DS2-VASc a été rapportée.
La première donnée intéressante porte sur la vitesse de vidange de l’auricule gauche en l’absence de thrombus, qui est plus basse dans le groupe des patients en FA comparé à ceux en flutter atrial. Il y avait par ailleurs une tendance à avoir un peu plus de contraste spontané sans atteindre la significativité dans le groupe FA versus le groupe flutter atrial. Enfin, le taux de thrombus du groupe FA était de 10,5 % alors que dans le groupe flutter atrial il a été de 6,4 %. Néanmoins, cette différence n’atteignait pas un seuil statistiquement significatif (tableau 2).
Données cliniques
Une étude rétrospective taïwanaise(7), basée sur plus de 200 000 patients a comparé l’incidence d’AVC de 3 groupes de patients : un groupe flutter atrial, un groupe FA et enfin un groupe contrôle matché sur l’âge et le sexe. Les patients étaient exclus s’ils avaient une anticoagulation, un antécédent d’ablation ou s’il y avait du flutter atrial associé à de la FA (figure 1). L’incidence cumulée des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques était nettement supérieure dans le groupe FA comparé au groupe flutter : 8 % à 8 ans dans le groupe FA vs 4,3 % dans le groupe flutter atrial. De plus, l’incidence des AVC ischémiques a été évaluée en fonction du score CHA2DS2-VASc. L’incidence des AVC dans le groupe FA était supérieure au groupe contrôle, et ceci quel que soit le score CHA2DS2-VASc. Au contraire, l’incidence des AVC ischémiques dans le groupe flutter atrial était supérieur au groupe contrôle qu’à partir d’un score CHA2DS2-VASc supérieur ou égal à 5 (figure 2).
Figure 1. D’après Lin YS et al. J Am Med Assoc 2018 ; 1(4) : e18094.
Figure 2. D’après Lin YS et al. J Am Med Assoc 2018 ; 1(4) : e18094.
Association flutter atrial et FA
Jusqu’alors, nous vous avons présenté un profil caricatural des patients rencontrés dans la vraie vie, analysant les données de patients présentant flutter atrial uniquement, c’est-à-dire non associé à de la FA. Une métaanalyse(8) sur plus de 8 000 patients ayant une ablation de flutter atrial montre clairement qu’en l’absence d’histoire préalable de FA, un patient sur quatre après ablation de l’isthme développera de la FA. Cette proportion peut augmenter à un patient sur deux s’il y a eu, avant la procédure d’ablation, une histoire de FA (figure 3).
Figure 3. D’après Maskoun W et al. J Am Coll Cardiol 2016 ; 2 : 682-90.
Qui plus est, cela paraît logique, mais plus on va chercher la FA, plus on a de chance de la trouver… Après ablation de l’isthme cavo-tricuspide, l’incidence de découverte de la FA est de 12,4 % sur un ECG ou un Holter ECG réalisé dans le cadre de symptômes. Celle-ci est augmentée à 45,5 % en cas de monitoring intensif par ECG et Holter du patient (plus de 7 jours par an).
Ablation de l’isthme cavo-tricuspide et risque thromboembolique
Cette étude tourangelle(2), publiée en 2014, portant sur presque 9 000 patients admis pour FA et/ou flutter atrial a clairement démontré que le groupe de patients ayant bénéficié d’une ablation de l’isthme cavo-tricuspide, majoritairement composé de patients en flutter, avait un risque thromboembolique plus faible que le groupe contrôle, luimême composé majoritairement de patients en FA et n’ayant pas eu d’ablation de l’isthme cavotricuspide (figure 4). Le risque thromboembolique dans le groupe FA augmente progressivement en fonction du score CHA2DS2-VASc. Dans le groupe ayant bénéficié d’une ablation de l’isthme cavo-tricuspide, le risque thromboembolique stagne lorsque le score CHA2DS2-VASc est entre 2 et 4, puis augmente de manière significative au-delà d’un score supérieur à 5. Enfin les facteurs associés au risque d’AVC étaient l’âge, le diabète, l’insuffisance cardiaque, l’antécédent d’AVC, alors que l’ablation de l’isthme cavo-tricuspide semblait protecteur des AVC.
Figure 4. Survie sans AVC ou événement thromboembolique — Groupe flutter avec ablation de l'isthme cavo-tricuspide — Autres patients
En pratique
Il n’existe pas de score de risque spécifique pour apprécier le risque thromboembolique du flutter atrial.
Néanmoins, le risque thromboembolique du flutter atrial paraît être moindre que celui de la FA.
Enfin après une ablation de l’isthme cavo-tricuspide, au moins 1 patient sur 4 développera de la FA au cours de son suivi.
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