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Insuffisance cardiaque

Publié le 16 mai 2006Lecture 6 min

Nouveautés et futur de l'insuffisance cardiaque

J.-S. HULOT et S. HATEM, Faculté de médecine Pitié-Salpêtrière, Paris

On a probablement fini de décrire les très nombreux changements à l’échelon moléculaire et cellulaire du myocarde qui surviennent au cours de l’insuffisance cardiaque. De même, on connaît bien aujourd’hui les facteurs paracrines ou endocrines impliqués dans ce syndrome (endothéline, angiotensine II, adrénaline, etc.). Maintenant, l’effort de recherche vise à décrypter les voies de signalisation mises en jeu dans le remodelage du myocarde et qui conduisent à l’insuffisance cardiaque. L’enjeu, c’est le développement de nouveaux traitements ciblant les événements précoces du remodelage myocardique afin de prévenir le développement de l’insuffisance cardiaque. L’autre axe majeur de recherche vise, au-delà des formes familiales de cardiopathies, à identifier le rôle joué par les facteurs génétiques dans la survenue d’une cardiopathie dilatée, la relation génotype-phénotype, le pronostic des cardiopathies ou encore la réponse aux médicaments.

Le décryptage des boîtes noires de l’insuffisance cardiaque   Les voies de signalisation cellulaires La possibilité de manipuler le génome de la souris a constitué un fantastique outil de recherche pour identifier les voies de signalisation cellulaires de l’insuffisance cardiaque : voies des “ mitogen-activated protein kinases ” (MAPK), de la protéine kinase C, de la calcineurine, et la plus récente, de l’histone déacétylase. Il existe aussi au niveau du disque Z des sarcomères, là où s’accrochent les protéines contractiles, un réseau de protéines qui renseigne le myocyte (c’est-à-dire le génome) sur l’activité mécanique du cœur. Ainsi, la protéine LIM accroche au sarcomère la calcineurine, une phosphatase qui agit sur le facteur de transcription NFAT qui, lui-même, régule l’expression de nombreux gènes impliqués le remodelage du myocarde. Que ce soit dans certaines formes familiales de cardiomyopathie dilatée ou ischémique, ce décodeur de l’activité mécanique est en panne : le myocyte ne s’hypertrophie pas en réponse à une augmentation de travail. Cela a bien été démontré chez la souris invalidée pour les gènes de la mécano-transduction et dont le cœur se dilate après un infarctus du myocarde. Qu’est-ce qui distingue, à l’échelon moléculaire, l’hypertrophie physiologique de la pathologique du myocarde ?   Peut-être le facteur suppresseur de la transcription Nab1 : chez la souris, la surexpression de Nab1 inhibe la réponse hypertrophique du myocarde à la stimulation bêtaadrénergique ou à une sténose aortique. En revanche, la réponse trophique du cœur à l’entraînement physique n’est pas affectée par le Nab1.   Le gradient de repolarisation cardiaque Un dernier exemple de décryptage de boîte noire concerne le gradient de repolarisation cardiaque qui va de la base à l’apex et des couches épicardiques du myocarde à l’endocarde ; son altération est une source d’arythmie. Cet asynchronisme physiologique de la repolarisation est dû à une durée plus longue du potentiel d’action des myocytes des couches endocardiques par rapport aux cellules de l’épicarde et cela à cause d’un gradient de concentration de certains canaux potassiques. On vient de découvrir l’ordonnateur de cet asynchronisme. C’est la famille des gènes Iroquois qui codent pour des facteurs de transcription qui participent à la spécification territoriale de plusieurs organes et agissent aussi sur l’expression des canaux potassiques cardiaques. Restaurer ce gradient de repolarisation au cours des cardiopathies en agissant sur ces facteurs de transcription pourrait être une nouvelle approche antiarythmique. De ce décryptage des voies de signalisation de l’insuffisance cardiaque sortiront probablement les nouveaux traitements de l’insuffisance cardiaque. Une voie de recherche thérapeutique Ces mécanismes sont mis en jeu dans d’autres maladies et sont déjà la cible de nombreux traitements qui pourrait être utilisés dans l’insuffisance cardiaque. Un contre-exemple, mais qui illustre bien la grande ubiquité de ces processus : l’herceptin® (trastuzamab) un anticorps monocolonal dirigé contre le récepteur ErbB2 (récepteur du facteur de croissance neuregulin), traitement largement utilisé dans le cancer du sein. Les récepteurs ErbB2 existent aussi dans les myocytes cardiaques ; ils interviennent dans le maintien de la sarcomérisation, ce qui explique la toxicité cardiaque de cette molécule lorsqu’elle est associée aux anthracyclines. Mais on peut aussi être optimiste et penser que la pharmacopée des cancérologues puisse un jour aider à traiter l’hypertrophie des myocytes, en quelque sorte le pendant à la prolifération cancéreuse. La régénération du cœur   Il existe, bien sûr, une très grande effervescence autour des questions de la régénération et de la réparation du cœur avec notamment la place des thérapies cellulaires et géniques, le rôle de la mobilisation des cellules souches endogènes. Plusieurs travaux soulignent le rôle joué par les facteurs sécrétés par les cellules souches dans leurs effets bénéfiques cardiaques. Cette hypothèse vient d’être renforcée par la découverte d’un nouveau rôle, dans l’insuffisance cardiaque, du morphogène Sonic Hedgehog (shh) qui normalement contrôle la destinée des cellules au cours de l’embryogenèse. Cette voie de signalisation s’allume quelques jours après la constitution d’un infarctus expérimental myocardique et cela s’associe à une diminution de la taille de la cicatrice fibreuse, à une augmentation de la densité capillaire et à une amélioration des performances cardiaques. C’est le fibroblaste qui est la plaque tournante de ces effets pléïomorphes : en réponse à l’activation de la voie Sonic Hedgehog, il sécrète des cytokines capables d’agir sur l’angiogenèse, la survie des myocytes et le recrutement de cellules souches. L’insuffisance cardiaque aurait-elle une parenté avec les maladies neurodégénératives ?   Il se pourrait qu’une voie commune soit la cause de la défaillance du myocarde quel que soit le primum movens. Les souris exprimant une forme mutée de la a-b-crystalline, une protéine de la famille des petites “ heat shock proteins ”, développent une cardiomyopathie par surcharge en desmine, caractérisée par la présence de nombreux agrégats périnucléaires. Il s’agit d’amas insolubles de protéines mal assemblées et non éliminées par le protéasome, qui participent à la formation de dépôts amyloïdes au cours de nombreuses maladies dégénératives. De façon surprenante, de tels dépôts amyloïdes ont été observés de façon diffuse dans des coupes de cœur de patients souffrant de cardiopathie idiopathique dilatée ou hypertrophique. Cause ou conséquence, la question est soulevée par cette observation de dépôts amyloïdes dans des cardiopathies très diverses. Et l’on peut s’étonner qu’elle n’est pas été posée plus tôt.   La modulation du niveau intramyocytaire en cGMP pourrait-elle devenir une cible thérapeutique future ?   Le blocage de la dégradation de cGMP La production de cGMP en réponse à la stimulation par le NO et/ou les peptides natriurétiques permet, en effet, de moduler l’expression de gènes impliqués dans la réponse proliférative et hypertrophique des cellules musculaires et essaye ainsi de s’opposer au remodelage pathologique, notamment hypertrophique. En inhibant les voies de dégradation du cGMP, le sildénafil (principe actif du Viagra®) permet d’augmenter le niveau intracellulaire du cGMP. Il a ainsi été observé, chez des souris traitées par sildénafil et soumises à une augmentation de postcharge par constriction aortique, une diminution de la réponse hypertrophique et une amélioration de la fonction cardiaque. Une régression de l’hypertrophie a même été notée lorsque le sildénafil était administré après 10 jours de stimulus hypertrophique. De même, il a pu être montré que la réponse contractile à la stimulation adrénergique est supprimée lors de l’administration de sildénafil, et ce probablement par une interaction avec la NOS3. La place du cGMP et de la régulation de son catabolisme, notamment par inhibition des phosphodiestérases, offre donc de nouvelles perspectives dans le traitement de l’insuffisance cardiaque.   La voie de la CaMK-II Le blocage de la voie bêtaadrénergique est un des piliers du traitement de l’insuffisance cardiaque. À ce jour, le blocage de cette voie se fait en amont au niveau des récepteurs membranaires (bêtabloquant) alors qu’il y aurait probablement tout intérêt à agir sur des effecteurs distaux plus spécifiquement impliqués dans le remodelage myocardique afin de préserver certains effets essentiels de cette voie de régulation du cœur. Les protéines kinases dépendantes de la calmoduline-calcium, CaMK-II, dont l’activation dépend des variations cycliques du Ca2+ intracellulaire, c’est-à-dire indirectement de la stimulation bêtaadrénergique, sont mises en jeu dans l’insuffisance cardiaque et pourraient être ces cibles distales. Là encore, grâce à une souris transgénique ayant une inhibition constitutive de cette protéine kinase, on a pu montrer un meilleur pronostic d’infarctus expérimental ainsi qu’un moindre remodelage myocardique induit par une stimulation chronique adrénergique. Il est trop tôt pour dire si l’inhibition des CaMK-II créera une brèche dans la citadelle des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque, mais, incontestablement, cette étude a ouvert un nouvel axe de recherche.   Les deux tendances fortes de la littérature   La remontée toujours plus en amont des cascades d’événements ou des facteurs génétiques qui conduisent à la défaillance cardiaque laissent espérer de pouvoir un jour mieux prévenir le développement de cette complication des cardiopathies. Le myocarde est de nouveau au centre de l’insuffisance cardiaque et il sera probablement la cible des futurs traitements de l’insuffisance cardiaque.

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