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Prévention et protection

Publié le 07 déc 2004Lecture 8 min

Nouvelles recommandations des sociétés européennes pour la prévention des maladies cardio-vasculaires - Quoi de nouveau ?

J.-P. BASSAND, CHU Jean Minjoz, Besançon

Ces nouvelles recommandations ont été écrites en commun par huit sociétés : la Société Européenne de Cardiologie, la Société Européenne d’Athérosclérose, la Société Européenne d’Hypertension Artérielle, l’Association pour l’Étude du Diabète, la Fédération Internationale du Diabète, le Réseau Européen du Cœur, la Société Internationale de Médecine Comportementale, la Société Européenne de Médecine Générale et Familiale*. Elles représentent donc un large consensus entre plusieurs sociétés européennes portant intérêt à la prévention des maladies cardio-vasculaires.

    Cliquer sur l'image pour agrandir     Les nouvelles recommandations apportent trois changements majeurs : - on passe de la notion de prévention de la cardiopathie ischémique à la prévention de la maladie cardio-vasculaire ; - l’estimation du risque est désormais dérivée du projet SCORE (Systematic Coronary Risk Evaluation)1 et s’affranchit des données de Framingham ; - enfin, ces recommandations proposent une mise à jour et une adaptation des priorités dans la prévention de la maladie cardio-vasculaire.   Prévention de la pathologie athéroscléreuse C’est le premier point important. Les recommandations concernent la prévention de la pathologie athéroscléreuse et pas seulement de la cardiopathie ischémique puisque la prévention et le traitement sont identiques, quelle que soit la localisation : coronaire, carotidienne ou périphérique de la maladie.   Estimation du risque C’est le deuxième point important des nouvelles recommandations. On parle désormais de risque cardio-vasculaire global. En effet, la maladie cardio-vasculaire athéroscléreuse est d’origine multifactorielle. Les facteurs de risque interagissent de façon synergique. Enfin, les médecins ont à prendre en charge des malades et pas des facteurs de risque isolés. Cela signifie en clair que la prévention doit prendre en charge le risque global, et pas seulement une variable biologique isolée, quelle qu’elle soit, comme le taux de cholestérol. L’hypercholestérolémie doit être interprétée dans son contexte, rapportée aux autres facteurs de risque, avant de faire l’objet d’une prise en charge cohérente et adaptée au risque cardio-vasculaire global de l’individu.   Abandon du modèle Framingham La nouveauté en matière de calcul du risque cardio-vasculaire dans les nouvelles recommandations est liée à l’abandon du modèle de Framingham, basé sur l’étude d’une cohorte de taille relativement limitée, de quelques milliers de patients, vivant dans une petite ville du Massachusetts. Certes, les informations venant de l’étude de cette cohorte de patients sont très intéressantes et ont conduit à de nombreuses constatations épidémiologiques. Cela étant, la population du nord-est des États-Unis n’est pas nécessairement représentative d’une population européenne. On sait depuis longtemps que l’estimation du risque cardio-vasculaire basée sur le modèle de Framingham aboutit, pour les populations européennes, à une surestimation du risque et donc à une prise en charge inadaptée.   Adoption du projet SCORE Le nouveau modèle est fondé sur le projet SCORE qui a rassemblé des bases de données représentatives de populations européennes typiques. En effet, l’incidence de la maladie cardio-vasculaire est fondamentalement différente en Europe de l’Ouest par rapport à l’Europe de l’Est. Concrètement, la base de données SCORE a réuni douze cohortes européennes représentant plus de 200 000 patients suivis pendant plusieurs années, représentant 3 millions d’années/individus d’observation avec 7 000 événements cardio-vasculaires au total. D’après l’observation de ces cohortes et de cette base de données, la décision a été prise d’estimer le risque cardio-vasculaire en termes d’événements fatals plutôt que de décès + infarctus. Le projet SCORE permet donc de définir le risque d’une population bien déterminée et donc d’établir le risque individuel d’un individu en fonction de l’endroit où il vit. Le risque cardio-vasculaire est donc désormais défini en risque de décès et non plus de décès plus infarctus à 10 ans. Les patients à haut risque sont ceux dont le risque de décès à 10 ans est > 5 %.   Le calcul du risque • Il est basé sur le sexe, l’âge, l’habitude de tabagisme, la pression artérielle systolique, le cholestérol total ou le rapport cholestérol total/HDL cholestérol. • Il doit tenir compte de la présence ou de l’absence d’autres facteurs de risque non incorporés dans le modèle, car ayant une valeur prédictive encore incertaine, tels que les marqueurs de l’inflammation, le taux de lipoprotéine a, la présence éventuelle d’une homocystéinémie. • Il doit être adapté en fonction de l’histoire clinique des individus et, en particulier, de la présence d’une maladie cardio-vasculaire précoce chez les collatéraux, frères et sœurs ou parents, dont on sait qu’ils majorent considérablement le risque individuel. • Des modèles de calcul du risque adaptés aux populations à haut risque, à risque modéré ou à risque moyen ont été établis avec une version électronique du calculateur de risque. Il s’agit du projet HeartScore qui est mis à la disposition des cliniciens en ligne sur le site de la Société Européenne de Cardiologie (www.escardio.org), et qui devrait faire l’objet d’une traduction dans les langages nationaux, mais qui sera surtout adapté au risque cardio-vasculaire d’une population déterminée.   Priorités dans la prévention de la maladie cardio-vasculaire C’est le troisième point le plus important des nouvelles recommandations. La prévention est basée sur les interventions portant sur le mode de vie, les habitudes alimentaires, l’interruption du tabagisme, les recommandations concernant l’activité physique. Elle est également basée sur le contrôle des facteurs de risque, en particulier hypertension artérielle, dyslipidémie, correction du diabète, correction du syndrome métabolique, l’ensemble de ces facteurs de risque pouvant nécessiter une thérapeutique médicamenteuse agressive en fonction du risque individuel (encadré 1). Les patients à haut risque • Parmi les sujets à haut risque qui doivent bénéficier d’une prise en charge agressive figurent tous les patients avec maladie athéroscléreuse établie, cardiopathie ischémique, artériopathie périphérique ou maladie cérébro-vasculaire. Ces patients sont à haut risque, que la pathologie soit symptomatique ou asymptomatique, et même infraclinique. Cela implique que les patients dont l’athérosclérose a été dépistée par des méthodes non invasives, comme l’écho vasculaire ou le scanner multicoupe, sont à placer dans cette catégorie et méritent une prévention agressive de la maladie cardio-vasculaire. • La deuxième catégorie de patients à haut risque est représentée par les sujets asymptomatiques, sans maladie athéroscléreuse déclarée, dont le risque à 10 ans est > 5 %. On déduira facilement des paragraphes qui précèdent qu’on ne fait désormais plus le distinguo entre prévention primaire et prévention secondaire. On définit la prévention en fonction du niveau de risque d’un individu, sachant que ceux avec athérosclérose documentée sont, de toute façon, à haut risque. • Ces sujets comprennent ceux qui ont des facteurs de risque multiples, tels que hypercholestérolémie > 8 mmol, LDL cholestérol > 6 mmol, pression artérielle > 180/110 mmHg. • Font également partie des sujets à haut risque les patients asymptomatiques porteurs d’un diabète de type 2 ou d’un diabète de type 1 avec microalbuminurie. • Enfin, sont considérés comme sujets à haut risque les sujets asymptomatiques ayant des antécédents familiaux de maladie athéroscléreuse prématurée, survenue à moins de 55 ans chez les sujets de sexe masculin ou moins de 65 ans chez les femmes ; également les sujets faisant partie d’une fratrie d’hypercholestérolémie familiale ou faisant partie d’une fratrie d’individus à très haut risque cardio-vasculaire selon la définition précédente (encadré 2). Risque modéré ou faible Tous les autres sujets ne rentrant pas dans ces catégories sont considérés à risque modéré ou faible. La prise en charge dans ces conditions requiert une approche moins agressive. De façon générale, ce sont des patients dont le risque cardio-vasculaire de décès à 10 ans est < 5 %.   Objectifs Les objectifs de réduction des facteurs de risque ont changé. PA. La limite supérieure de pression artérielle a été fixée à 140/90 mmHg chez la plupart des individus. Chez les diabétiques et les insuffisants rénaux, les objectifs sont plus bas, à 130/80 mmHg. La prévention du risque est en fait d’autant plus importante que la pression artérielle est plus proche de 110/60 mmHg. Cela étant, les objectifs de traitement ont été fixés à un niveau réaliste et se différencient de ceux fixés par les recommandations américaines du JNC VII. Cholestérol. Pour le taux de cholestérol, la recommandation est de baisser en dessous de 5 mmol, c’est-à-dire 1,90 g/l chez la plupart des sujets, et à moins de 4,5 mmol, c’est-à-dire moins de 1,75 g/l chez les sujets à haut risque. LDL-c. De la même façon, pour le taux de LDL cholestérol, la recommandation est de le baisser en dessous de 3 mmol, c’est-à-dire 1,15 g/l ou 2,5 mmol, c’est-à-dire < 1,00 g/l chez les sujets les plus à risque, en particulier ceux avec maladie cardio-vasculaire démontrée. L’obtention de tels chiffres nécessite la plupart du temps le recours à une thérapeutique médicamenteuse sous forme de statines, de toute façon indiquées chez les sujets ayant une pathologie cardio-vasculaire démontrée ou diabète patent (encadré 3). Diabète. En ce qui concerne le diabète, des règles très strictes ont été également émises, avec taux d’hémoglobine glyquée < 6,1 %, glycémie à jeun < 6,0 mmol (1,10 g/l), taux de cholestérol < 4,5 mmol (1,75 g/l) et taux de LDL cholestérol < 2,5 mmol (1,00 g/l) (encadré 4). Une fois encore, toutes ces recommandations qui impliquent le recours à des thérapeutiques médicamenteuses, dans la plupart des cas chez les sujets à haut risque, sont inséparables des recommandations concernant le mode de vie et le tabagisme, le régime alimentaire et l’activité physique.   En pratique, les nouvelles recommandations engagent le praticien à : - penser en termes de pathologie athéroscléreuse vasculaire et pas seulement en termes de cardiopathie ischémique ; - prendre en charge un risque cardio-vasculaire global, ce qui implique un calcul de risque individuel basé sur l’utilisation d’abaques simples prenant en compte le sexe, l’âge, le tabagisme, la pression artérielle, le taux de cholestérol total ou le rapport cholestérol total/HDL, à moduler en fonction de l’histoire clinique de l’individu ; - procéder à une réduction agressive des facteurs de risque chez les sujets à haut risque, qu’ils soient ou non symptomatiques ; - prendre en compte non seulement la thérapeutique médicamenteuse, mais aussi les autres interventions tenant au mode de vie, l’abandon du tabagisme, l’exercice physique et le régime alimentaire. La prévention de la maladie athéroscléreuse ne peut pas se résumer seulement à la prescription de médicaments destinés à corriger l’hypercholestérolémie, l’hypertension artérielle et/ou le diabète.

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