Publié le 06 déc 2005Lecture 11 min
Pour notre pratique au quotidien
E. FERRARI , CHU de Nice
Stratification du risque d’embolie pulmonaire par le pro-BNP, la troponine et l’échocardiographie Les valeurs pronostiques de la troponine, du BNP ainsi que de l’échocardiographie ont déjà été étudiées de manière exhaustive dans la littérature. Dans cette série à propos de 124 embolies pulmonaires (EP), les auteurs ont déterminé les valeurs prédictives de ces trois paramètres. Sur les 124 patients, 27 % seulement présentaient des critères de gravité sur l’échographie (diamètre du ventricule droit en grand axe > 30 mm ou rapport des diamètres en 4 cavités > 1, avec absence de collapsus inspiratoire de la veine cave inférieure) ; 33 % seulement avaient une troponine T > 0,04 ng/ml et 37 % une troponine I à plus de 0,07 ng/ml. Le pro-BNP, seul, à un seuil de 1 000 pg/ml possède une excellente valeur prédictive négative contre la survenue de complications, puisque la totalité des sujets présentant une EP avec pro-BNP < 1 000 pg/ml survivront. Mais la signification d’un taux de pro-BNP > 1 000 pg/ml n’est pas suffisante pour prédire une mauvaise évolution. En revanche, si, lorsque le taux de pro-BNP est > 1 000 pg/ml, on regarde les résultats de l’échographie cardiaque, alors deux populations se distinguent : • les sujets avec un taux de pro-BNP > 1 000 pg/ml mais avec une échographie normale qui auront un risque de complication hospitalière multiplié « seulement » par 3, • ceux qui avec le même taux de BNP ont une échographie positive selon les critères vus supra ; ces derniers multiplient leur risque de complication par 12. Il en est de même avec la troponine : • les patients à taux de troponine et échographie normales sont ceux qui évolueront toujours bien ; • ceux à taux de troponine positive mais échographie normale ont un risque de complication multiplié par 3 ; • ceux qui ont un taux de troponine positive et une échographie positive ont un risque de complication multiplié par 10. Il faut donc interpréter la troponine et le BNP ou le pro-BNP avec les résultats de l’échocardiographie. Colchicine de première intention dans les récidives de péricardite La colchicine est, depuis quelque temps, conseillée dans la prévention des rechutes de péricardite. Mais les preuves de son efficacité ne sont pas légion. Cette étude a randomisé 84 pa-tients présentant une récidive de péricardite. Le choix thérapeutique se faisait entre : • de l’aspirine seule 800 mg toutes les 6 à 8 h (soit près de 2,500 g/j) pendant 7 à 10 jours, puis une diminution progressive des doses sur 4 semaines ; • ou la même dose d’aspirine plus de la colchicine ; 1 à 2 mg à J1 puis 0,5 à 1 mg par jour pendant 6 mois. Le taux attendu de récidives était de 22 %. Le suivi aura été de 3 ans. La bonne nouvelle est que le taux de récidives est de 21 % chez les patients ayant pris de la colchicine contre 45 % pour ceux qui n’avaient pris que de l’aspirine. De plus, la colchicine permet un contrôle plus rapide des symptômes puisque 10 % seulement des patients sous colchicine gardent des douleurs à 72 h contre 31 % sous aspirine. Ajoutons, pour confirmer une notion déjà connue, que le seul critère associé à une rechute de péricardite dans cette étude a été l’utilisation de corticoïdes lors du traitement de l’épisode précédent. In fine, la colchicine évite une récidive sur deux ; elle est bien tolérée en dehors de quelques épisodes de diarrhée en début de traitement. On peut se demander pourquoi aucun essai n’a entrepris la colchicine dès le premier diagnostic de péricardite en prévention de la première rechute… et l’on peut aussi se demander si l’aspirine est vraiment nécessaire pendant 6 semaines. La colchicine semble ainsi efficace dans le traitement de la péricardite et l’on peut se demander si l’aspirine est vraiment nécessaire. La CRP est bien le meilleur critère biologique pour surveiller l’évolution des endocardites infectieuses Le fait que la protéine C-réactive (CRP) soit le marqueur biologique le plus sensible pour discriminer l’évolution des endocardites était un fait déjà acquis. Ce travail précise cependant des données très pratiques. Sur 134 épisodes d’endocardite (chez 129 patients), les auteurs ont regardé l’évolution de la CRP et l’ont corrélée à celle des patients. Lorsque l’évolution est favorable, la CRP se normalise beaucoup plus vite que le taux de globules blancs et surtout que la vitesse de sédimentation. Et lorsque la CRP se normalise, on peut être rassuré quant au devenir du patient. Aucun des 80 pa-tients qui normalise sa CRP à la 10e semaine ne présentera de complication (décès, embolies cérébrales, embolies périphériques, nécessité de chirurgie). Aucun des 22 patients qui normalise sa CRP à la 4e semaine ne nécessitera de chirurgie. Alors que sur les 87 patients qui normalisent leur taux de leucocytes à la 4e semaine, 6 décèderont et 15 auront besoin d’une chirurgie. Il est tout de même très intéressant de noter que sur cette importante série, plus de la moitié des complications, en particulier emboliques, sont présentes dès la prise en charge du patient. Lorsque vos coronariens sont aussi des hypertendus… donnez-leur l’aspirine le soir Cette belle étude a comparé l’effet sur la pression artérielle (PA) de l’aspirine 100 mg donnée le matin contre la même dose donnée le soir chez 328 sujets hypertendus. Après quelques jours de traitement, une mesure ambulatoire de la PA était pratiquée. Le résultat est surprenant. Lorsque les sujets prennent l’aspirine le matin, on constate une augmentation de la PA moyenne sur le holter tensionnel de 2,6 mm sur la PA systolique et de 1,6 mm sur la PA diastolique. En revanche, lorsque l’aspirine est prise au coucher, la PA systolique diminue de 6,8 mmHg et la diastolique de 4,6 mmHg… un effet que beaucoup de médicaments antihypertenseurs purs envieraient. Ce résultat peut paraître surprenant, mais la même équipe avait déjà publié de très beaux papiers sur l’effet de l’aspirine sur la PA en fonction du moment de sa prise, y compris chez la femme enceinte. Donnons donc l’aspirine au coucher chez nos hypertendus. Intérêt de l’amiodarone en prophylaxie des troubles du rythmes postopératoires dans la chirurgie cardiaque La chirurgie cardiaque (pontages ou valves) se complique d’épisodes de fibrillation auriculaire (FA) ou flutter dans 40 à 60 % des cas. Ces événements qui surviennent habituellement entre le 2e et le 5e jour postopératoire représentent un risque important d’AVC, de décompensation cardiaque et d’infarctus postopératoires. À fortiori, ils imposent un traitement et une surveillance coûteux. Cette étude est une métaanalyse de tous les essais randomisés ayant testé l’amiodarone dans la prévention de ces arythmies postchirurgie cardiaque. Elle collige les données de 10 essais et de 1 744 patients. Les résultats sont très en faveur de l’amiodarone systématique. On note en effet : • une réduction de la FA et du flutter de 35 % ; • une réduction des TV ou de la FV postopératoire de près de 60 % ; • une réduction des AVC de plus de 60 % ; • et finalement une réduction de la durée de séjour de près de 1 jour. Superbes résultats donc. Quelques éléments de cette métaanalyse méritent d’être détaillés. L’âge moyen des patients était de 64 ans, la FE moyenne de 49 %. En fonction des études, l’amiodarone était débutée entre J-13 et J0. Quoi qu’il en soit, les patients avaient reçu une dose d’au moins 2 g à J2 postopératoire. Cette dose était donnée per os ou IV (en particulier lorsqu’elle était débutée tard). Quelques effets indésirables ont été notés, nausées, bradycardies (d’où la nécessité de monitoring) mais pas d’éléments graves. Une question essentielle est : faut-il associer bêtabloquant + amiodarone en traitement préventif chez tous les patients ? Selon les recommandations actuelles (ACC/AHA) des bêtabloquants est la prescription « obligatoire chez tous les patients alors que l’amiodarone n’est conseillée que chez les patients à risque d’arythmies supra-ventriculaires (antécédent de FA/flutter, grosse OG, valvulopathie). Dans cette métaanalyse, un bêtabloquant était donné (en sus de l’amiodarone) chez 67 % des patients. Une étude randomisée comparant bêtabloquant + amiodarone au bêtabloquant seul s’impose mais d’ores et déjà le bénéfice de l’amiodarone semble remarquable dans cette indication. Chez les patients présentant un syndrome coronarien aigu, un prétraitement par l’héparine standard (HNF) annulerait le bénéfice à attendre d’une HBPM et en particulier l’enoxaparine Les premières études comparant HNF et enoxaparine (TIMI 14B, Essence) semblaient concordantes sur le bénéfice de l’HBPM comparativement à l’HNF. Plus récemment ont été publiées des études où le bénéfice de l’HBPM n’était plus aussi évident. Par exemple, dans l’étude SYNERGY, chez 10 027 patients présentant un syndrome coronarien à haut risque qui recevaient soit une HNF soit une HBPM (enoxaparine), un décès ou un IDM est survenu chez 14,5 % des patients randomisés HNF vs 14 % des patients randomisés enoxaparine. En fait, 75 % des patients avaient déjà reçu une antithrombine avant la randomisation. Ainsi, si l’on regarde les patients non prétraités, l’enoxaparine induirait un bénéfice authentique avec une baisse de 16 % du RR de décès ou d’IDM. Ce phénomène se retrouve sur une métaanalyse concernant près de 22 000 coronariens aigus. Le bénéfice de l’enoxaparine était substantiellement plus important lorsque les patients n’avaient pas reçu un prétraitement par une HNF (12,6 % de décès ou IDM vs 15,2 %) alors qu’il s’annulait lorsqu’un prétraitement avait eu lieu (13,5 vs 13,1 %). Certains essayent déjà de trouver des explications à ce phénomène. En bref, bien qu’on prête des propriétés anti-inflammatoires à l’héparine, l’héparine classique (HNF) aurait des effets « adverses » non désirés sur un endothélium pathologique, tels que la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires ou prothrombotiques (augmentation de l’interleukine 6, du facteur willebrand, relarguage de tissue factor pathway inhibitor), phénomène qui survient très rapidement après administration d’héparine avec un possible effet rebond aggravant encore la situation à l’arrêt de l’héparine. Cette sécrétion de médiateurs pro-inflammatoires, prothrombotiques rendrait la tâche beaucoup plus difficile à l’HBPM. Une piste à suivre qui pourrait avoir des implications pratiques très claires : éviter les « mélanges » et prescrire l’enoxaparine d’emblée ? Des études négatives Il est parfois important de publier (et de prendre connaissance) des études « négatives », c’est-à-dire de travaux qui ne montrent pas la supériorité éventuelle attendue de telle ou telle mesure thérapeutique. Certaines revues médicales ou certains auteurs y répugnent. Ce sont pourtant des renseignements aussi importants, parfois plus, que ceux apportés par de belles études avec une différence statistique en faveur d’un médicament. Le New England Journal of Medicine a, en quelques semaines, publié deux « belles études » négatives, dont voici un très bref résumé. - Le traitement vasodilatateur, qu’il se fasse par un inhibiteur calcique ou par un IEC, ne sert à rien dans l’insuffisance aortique. Au total, 95 patients porteurs d’une IAO sévère avec fonction ventriculaire gauche normale ont reçu soit de la nifédipine (20 mg x 2/j) soit de l’énalapril (20 mg/j) soit pas de traitement. Après un suivi de 7 ans (qui fait tout l’intérêt de l’étude), le taux de remplacements valvulaires mais aussi les paramètres échographiques de la fonction VG sont identiques. Un an après la chirurgie, la diminution des diamètres du ventricule gauche est également identique. Au total, et contrairement à ce que des études moins bien construites avaient laissé entrevoir. Il n’y a aucun bénéfice à la nifédipine ou à l’énalapril dans l’IAO à bon VG. - Dans un New England un peu plus ancien et alors que, là aussi, des résultats précédents pouvaient évoquer un effet très bénéfique des statines dans l’évolution du rétrécissement aortique (RAO), une équipe écossaise a randomisé plus de 150 patients porteurs de RAO. Les uns se voyaient donner un placebo, les autres 80 mg d’atorvastatine. Le suivi moyen a été de 25 mois. Alors que l’efficacité de la statine est bien obtenue sur les lipides, aucune différence n’est notée sur la progression de la valvulopathie sténosante aortique.
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