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Vasculaire

Publié le 17 jan 2005Lecture 8 min

Quand opérer une sténose carotidienne symptomatique ?

D. ROUGEMONT, hôpital américain, Neuilly-sur-Seine

Les résultats des deux grandes études multicentriques ECST et NASCET concernant l’endartériectomie en cas de sténose carotide symptomatique ont été publiés, il y a près de 15 ans. Ils ont permis de préciser quels étaient réellement les patients à plus haut risque de récidive et quels pouvaient être globalement les bénéfices de la chirurgie chez ces malades.
Depuis lors, le suivi à plus long terme des patients inclus a permis d’affiner les résultats « primaires » de ces études et de préciser les indications de l’intervention chirurgicale.

Les principaux résultats des études ECST et NASCET Les résultats de ces deux grandes études multicentriques, la première européenne, la seconde nord-américaine, ont été publiés en 1991. Ces deux études concluaient à un bénéfice de la chirurgie carotidienne pour des sténoses symptomatiques serrées de plus de 70 %. De plus, l’étude ECST dans ses conclusions initiales rapportait un bénéfice modéré mais significatif de l’endartériectomie en cas de sténose de 50 à 69 %. En fait, les résultats des deux études ont été, dès leur publication, l’objet de multiples comparaisons en raison d’une différence du mode de quantification du degré de sténose entre les deux essais : pour une même lésion, le degré de sténose mesuré dans NASCET était ainsi de 10 à 15 % inférieur à celui obtenu dans ECST. Une étude récemment publiée a « poolé » les patients de ces deux essais et ceux d’un précédent travail réalisé sur les Vétérans américains en « remesurant » le degré de sténose à partir de l’artériographie initiale de chaque patient : 6 092 patients ont été regroupés (soit 35 000 années-patients de suivi). Les résultats retrouvent un bénéfice très net de la chirurgie pour les sténoses de 70 à 99 % sans pseudo-occlusion (1 092 patients, 16 % de réduction absolue du risque ; p < 0,0001) et un bénéfice modéré pour les sténoses de 50 à 69 % (1 549 patients, réduction de 4,6 % ; p = 0,04). En ce qui concerne les patients ayant une sténose très serrée pseudo-occlusive, les résultats sont négatifs : tendance à un bénéfice non significatif à 2 ans, mais absence de bénéfice à 5 ans (262 malades, –1,7 % ; p = 0,9). Aucun bénéfice n’a non plus été démontré en cas de sténose inférieure à 50 % avec même un risque accru de récidive à 5 ans en cas de sténose initiale de moins de 30 %. La morbi-mortalité périopératoire moyenne dans ces études, était d’environ 7 %, ce qui a suscité de nombreux commentaires. R. Bond et coll. ont récemment repris l’ensemble des études publiées entre 1994 et 2001 (383 études) et extrait les 45 qui faisaient état du risque chirurgical dans leur série : le risque de morbi-mortalité périopératoire est significativement plus bas dans les publications émanant d’équipes chirurgicales (4,2 % ; p < 0,0001) que le risque combiné dans les études ECST et NASCET (7 %). Le risque est pratiquement le même dans les séries ayant comporté un audit neurologique (6,5 %). Les auteurs ont également démontré que pour les études plus récentes exploitables avec ou sans audit neurologique, les chiffres de morbi-mortalité n’avaient pas diminué et que de ce fait, les résultats de NASCET et ECST restaient toujours « valables ». De même le risque dépend des circonstances de l’indication chirurgicale : il est plus élevé en cas d’accident constitué que d’AIT, de chirurgie réalisée en urgence devant des symptômes « évolutifs » ou sur resténose. Figure 1. Étude NASCET. Courbe de survie avec ou sans endarteriectomie carotidienne. La courbe montre la probabilité d’éviter un AVC du même côté chez les patients avec sténose carotidienne ≥ 70 % (quel que soit son degré de sévérité [A] ; sévère ou fatal [B]) et chez ceux avec une sténose comprise entre 59 et 69 % (C et D). N Engl J Med 1998 ; 339 : 1415-25. Les sous-groupes de patients susceptibles de bénéficier de la chirurgie carotidienne Si les résultats d’ECST et NASCET permettaient une fois pour toutes de préciser en termes de degré de sténose les patients à opérer après un AIT ou AIC de la carotide, de nombreux auteurs ont cherché à préciser les principaux sous-groupes qui pourraient bénéficier au mieux de ce type de chirurgie. L’analyse successive des résultats de NASCET a permis d’apporter des réponses à ces questions. La publication des résultats chirurgicaux définitifs de NASCET en 1999 avait déjà permis de retrouver cinq éléments prédictifs d’un plus haut risque à la fois de récidive (constituant une indication à la chirurgie) mais aussi de morbi-mortalité périopératoire : • événement clinique ischémique initial hémisphérique (vs rétinien) ; • atteinte de la carotide gauche ; • occlusion carotide controlatérale ; • infarctus cérébral hémisphérique au scanner, aspect irrégulier ou ulcéré de la plaque. Figure 2. Risque périopératoire dans les études NASCET et ACE (ASA and Carotid Endarterictomy trial). AVC et décès à 1 mois chez les patients avec carotide controlatérale occluse ou sténosée. L’étude ACE a considéré les patients avec sténose symptomatique et ceux avec sténose asymptomatique. N Engl J Med 2000 ; 342 : 1693-700. Le risque opératoire apparaissait, en revanche, abaissé si le patient, par ailleurs coronarien, avait déjà subi au préalable un geste chirurgical sur les coronaires. D’autres paramètres interviennent toutefois également à la fois dans le risque de récidive, le risque opératoire et le bénéfice lié à l’intervention.   Influence de l’âge Le bénéfice de la chirurgie a été prouvé chez les sujets > 75 ans et devient d’autant plus important que l’âge augmente (et ce, malgré un risque propre au patient et une morbi-mortalité opératoire accrue). Dans l’essai NASCET, 409 patients de plus de 75 ans ont pu être comparés à 1 315 sujets de 65 à 74 ans et 1 161 < 65 ans. Il en ressort que le bénéfice de la chirurgie est significativement accru dans le sous-groupe de sujets plus âgés et ce même pour les sténoses de 50 à 69 %. La réduction absolue du risque de récidive à 2 ans pour une sténose ≥ 70 % est respectivement de 28,9 % au-delà de 75 ans (15,1 % entre 65 et 74 ans, 9,3 % au-dessous de 65 ans) et de 17,3 % pour une sténose de 50 à 69 % (5,3 % entre 65 et 74 ans, – 1,2 % donc non significatif au-dessous de 65 ans). Après 75 ans, le nombre de patients à opérer pour éviter un AVC à 2 ans est de 3 pour une sténose ≥ 70 % et de 6 pour une sténose de 50-69 % (7 et 19 respectivement entre 65 et 74 ans). Figure 3. Étude NASCET. Risque de survenue d'un AVC du même côté à 3 ans chez les patients ayant une sténose carotidienne supérieure ou égale ) 50 %, avec ou sans traitement chirurgical. CMT : cécité monoculaire transitoire ; AITH : accident ischémique transitoire hémisphérique. La différence de risque avec ou sans endartériectomie est très nette en ce qui concerne les AITH. N Engl J Med 2000 ; 345 : 1084-90. Influence du sexe La prévalence à âge égal des AVC est moindre chez la femme. ECST et NASCET ont démontré un bénéfice moindre de l’endartérectomie chez la femme avec un risque péri-opératoire plus élevé. Le bénéfice est néanmoins démontré en cas de sténose supérieure à 70 % dans NASCET (soit ≥ 80 % dans ECST). Pour une sténose de 50-99 %, il faut opérer 9 hommes ou 36 femmes pour éviter un AVC homolatéral lors des 5 années suivantes.   Délai du geste chirurgical À partir du regroupement des données d’ECST et NASCET, P. M. Rothwell et coll. ont également pu démontrer que le délai entre le geste chirurgical et la survenue de l’événement clinique était un élément important : le bénéfice est, en effet, maximum si le patient est opéré lors des 2 premières semaines qui suivent l’événement puis diminue ensuite. Ainsi, pour une sténose de 50-99 %, il faut opérer 5 patients dans les deux premières semaines pour éviter un AVC lors des 5 années suivantes, contre 125 si l’on opère plus tardivement.   Type d’événement clinique en cas d’AIT Toutes sténoses ≥ 50 % confondues, NASCET établit un bénéfice net de la chirurgie en cas d’AIT hémisphérique (réduction du risque absolu à 3 ans de 9,5 %) alors qu’aucun bénéfice n’est retrouvé en cas de cécité monoculaire transitoire (CMT). Il a pu néanmoins être démontré que l’association d’une CMT à deux autres facteurs de risque de récidive (âge ≥ 75 ans, sexe masculin, antécédents d’AVC, présence d’une claudication intermittente des membres inférieurs, sténose ≥ 80 %, absence de circulation collatérale intracrânienne) augmentait significativement le risque spontané d’AVC et devait inciter alors à la chirurgie. Figure 4. Echo-Doppler : sténose serrée de carotide interne. Type d’accident ischémique cérébral Le problème discuté est celui des infarctus lacunaires : dans NASCET, 493 patients avaient un accident ischémique cérébral lacunaire (283 AIC lacunaires « possibles » et 210 « probables ») contre 1 158 infarctus hémisphériques. L’intérêt de la chirurgie est démontré en cas de sténose ≥ 0 % mais est plus net en cas de lacune probable que possible (risque relatif ajusté à 3 ans de 9 % en cas de lacune possible et de 15 % en cas de lacune probable). Figure 5. Angiographie : sténose serrée de carotide interne. Sténose athéromateuse associée de la carotide intracrânienne Neuf cent cinquante six patients avaient dans NASCET une sténose associée du siphon carotidien (33 %). Ces patients, à plus haut risque spontané d’accident ischémique cérébral, bénéficient largement de l’endartériectomie y compris pour les sténoses de 50 à 69 % : selon le degré de sténose (≥ 70 % et de 50-69 %), il suffit d’opérer respectivement 4 et 12 patients pour éviter un AVC à 3 ans (au lieu de 7 et 26 en l’absence de sténose intracrânienne).   Ulcération de la carotide interne La présence d’ulcération augmente le risque d’AVC (il est presque multiplié par 2 pour une sténose de 80-99 %). Le risque périopératoire est également accru. Mais la chirurgie diminue néanmoins le risque d’AVC.   Présence d’une circulation collatérale intracrânienne Il a pu être démontré par l’étude NASCET que la présence d’une circulation collatérale intracrânienne diminuait, en cas de sténose très serrée non opérée, le risque d’accident ischémique à distance (27,8 % d’AVC à 2 ans en l’absence de circulation collatérale contre 11,3 % en cas contraire [p = 0,005]). Après chirurgie, le risque périopératoire d’AVC hémisphérique est également augmenté (1,1 vs 4,9 %) comme le risque à 2 ans (5,9 vs 8,4 %).   Leucoaraïose associée Le fait d’avoir une leucoaraïose augmente le risque spontané d’accident ischémique cérébral, mais aussi le risque périopératoire (sur 2 618 patients ayant eu un scanner cérébral dans NASCET, 13,5 % avaient une leucoaraïose « focale » et 5,3 % une leucoaraiose « diffuse » : le risque opératoire était dans ces deux groupes respectivement de 7,6 et 11,6 %). Malgré ces chiffres élevés, la chirurgie diminue le risque de récidive ischémique à 3 ans, y compris en cas de leucoaraïose diffuse.   Conclusion   Si les études ECST et NASCET ont permis de focaliser l’attention sur l’intérêt de la chirurgie carotide en cas de sténose serrée symptomatique, il n’en demeure pas moins que 70 à 75 % de ces patients n’auront jamais de récidive de leur AVC en rapport avec la sténose considérée s’ils sont correctement pris médicalement en charge. L’intérêt de ces études et des analyses réalisées à posteriori a été d’isoler les sous-groupes de patients à opérer en « priorité » en cas de sténose carotide symptomatique (encadré). Ces études ont également démontré que plus le risque périopératoire est élevé plus la qualité du geste chirurgical est importante. Certains patients, compte-tenu d’éléments spécifiques ne pourront donc malheureusement pas être opérés : c’est dire l’intérêt chez de tels malades à haut risque opératoire d’autres types de procédures telle l’angioplastie avec pose d’un stent. Cette procédure fait l’objet de plusieurs grandes études comparatives avec l’endartériectomie dont certains résultats, attendus avec impatience, commencent à être connus. Indications de la chirurgie dans les sténoses de la carotide symptomatiques Une bibliographie sera adressée aux lecteurs sur demande au journal.

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