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Thérapeutique

Publié le 16 mar 2004Lecture 6 min

Quand traiter une hypercholestérolémie par un fibrate en 2004 ?

G. TURPIN, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris

Cette question sous-entend le traitement de l’augmentation du LDL cholestérol associée ou non à une augmentation des triglycérides, c’est-à-dire l’hypercholestérolémie pure (type IIa) et l’hyperlipidémie combinée (type IIb), et exclut le traitement de l’hypertriglycéridémie pure (type IV). Nous dirons cependant un mot du type IV pour être complet et pour préciser en fait les indications des hypolipidémiants dans les trois principales hyperlipoprotéinémies athérothrombogènes.

Dans l’hypercholestérolémie pure (type IIa) L’hypercholestérolémie pure est définie par un bilan lipidique très stable dans le temps, évidemment en l’absence de traitement diététique et médicamenteux : - sérum clair au bout de 12 heures de jeûne, - augmentation du cholestérol total par augmentation du LDL cholestérol, - triglycérides normaux, - HDL cholestérol normal ou diminué, - augmentation des bêtalipoprotéines en électrophorèse.    1re étape La première étape thérapeutique reste évidemment diététique : régime pauvre en cholestérol et graisses saturées, enrichi en graisses mono- et poly-insaturées (et depuis peu en phytostérols : la prise de 3 g de phytostérols par jour peut entraîner une diminution du LDL cholestérol de 10 % ).  2e étape Si elle est nécessaire (c’est-à-dire LDL cholestérol > 1,60 g/l en prévention primaire et > 1,30 g/l en prévention secondaire ou en prévention primaire en cas de nombreux facteurs de risque cardio-vasculaires associés), sera médicamenteuse : - les statines sont évidemment le traitement de première intention ; - si une monothérapie est insuffisante, l’association statine et colestyramine est synergique ; - en raison des problèmes de tolérance digestive bien connue avec la colestyramine, l’association statine et ézétimibe sera maintenant le traitement de choix, l’ézétimibe — à la dose d’un comprimé d’Ezetrol® 10 mg par jour — entraînant une diminution supplémentaire du LDL cholestérol de l’ordre de 18 %. Rappelons que la colestyramine agit en interrompant le cycle entéro-hépatique des acides biliaires, alors que l’ézétimibe est un inhibiteur sélectif de l’absorption intestinale du cholestérol.   Place des fibrates Tout cela pour dire que les fibrates ont très peu de place dans le traitement de l’hypercholestérolémie pure. On les prescrira uniquement en cas de résistance aux statines (très rare mais possible) et d’intolérance surtout musculaire (myalgies, augmentation importante des CPK en dehors d’un effort physique important). Les quatre fibrates toujours commercialisés en France pourront donc être prescrits, en sachant que les meilleurs résultats sont obtenus avec le fénofibrate et le ciprofibrate. En cas de résultat insuffisant, l’association fibrate et ézétimibe pourra être tentée.         Dans l’hyper-lipidémie combinée (IIb)   Elle est définie par une bilan lipidique assez variable dans le temps, évidemment en l’absence de tout traitement diététique et médicamenteux : - sérum trouble au bout de 12 heures de jeûne, - augmentation du cholestérol total par augmentation du LDL cholestérol, - augmentation des triglycérides, - diminution du HDL cholestérol, - augmentation des bêta- et des prébêtalipoprotéines en électrophorèse. La diététique est nécessaire, mais rarement à elle seule suffisamment efficace. Un traitement médicamenteux est donc quasiment toujours indispensable. Il a été dit que toutes les statines, en plus de leur action essentielle de diminution du LDL cholestérol, diminuaient les triglycérides, ce qui est loin d’être toujours le cas en pratique courante. Pour une raison inconnue, on peut même parfois observer des augmentations « paradoxales » des triglycérides.   Statine ou fibrate Je recommande donc : - dans les cas d’hyperlipidémie combinée avec hypercholestérolémie prédominante (augmentation nette du LDL cholestérol) et triglycérides modestement élevés (en pratique < 3 g/l) : la prescription d’une statine ; - dans les cas d’hyperlipidémie combinée avec hypertriglycéridémie prédominante (augmentation discrète du LDL cholestérol et triglycérides > 3 g/l) : la prescription d’un fibrate.     Indications des associations Mais, dans les hyperlipidémies combinées d’un assez haut niveau, une monothérapie est assez souvent insuffisante. Dans ces cas, l’association statine et fibrate est recommandée, à condition : - de ne pas utiliser le gemfibrozil (les cas de rhabdomyolyses qui ont abouti au retrait de la cérivastatine en août 2001 ont été observés en cas de posologie forte de cérivastatine ou d’association cérivastatine et gemfibrozil) ; - de sérier les indications et de bien peser le bénéfice et le risque. On réservera donc une telle association aux cas de prévention secondaire, ou aux cas de prévention primaire avec de nombreux facteurs de risque cardio-vasculaire associés et une menace athéroscléreuse nette ; - de tester régulièrement la tolérance hépatique et surtout musculaire, l’association devant être évidemment interrompue en cas de myalgies et/ou d’augmentation importante des CPK. Le risque de myopathie, récemment revu, a été estimé seulement à 12 cas pour 10 000. Pour minimiser ce risque de myopathie, il est recommandé de réduire la dose de statine à 25 ou 50 % de la dose maximale de ladite statine lorsqu’on associe le fibrate. Il est encore trop tôt pour recommander, dans ces cas d’hyperlipidémie combinée non normalisée par une monothérapie, l’association fibrate et ézétimibe, mais cette conduite thérapeutique paraît cohérente et méritera d’être étudiée.   Hypertriglycéridémie pure de type IV Le titre même de cette article pratique : « quand traiter une hypercholestérolémie par un fibrate en 2004 ? » exclut le traitement de la 3e hyperlipidémie athérothrombogène, c’est-à-dire l’hypertriglycéridémie pure de type IV définie par : - le sérum opalescent au bout de 12 heures de jeûne, - un LDL cholestérol normal, - des triglycérides élevés, - un HDL cholestérol bas (s’il est concomitamment élevé avec l’augmentation des triglycérides, il faut rechercher une hypothyroïdie primaire, une exogénose, ou une prise d’estrogène par voie orale sous forme de pilule estroprogestative ou de traitement hormonal substitutif de ménopause ), - l’augmentation des prébêtalipoprotéines en électrophorèse. Ici, en plus du régime adapté (hypocalorique souvent et hypoglucidique toujours), c’est l’indication exclusive des fibrates. Les statines ne sont pas indiquées et sont même contre-indiquées, une majoration importante des triglycérides pouvant, en effet, se manifester. Les acides gras oméga-3 représentent un plus thérapeutique dans cette hyperlipidémie.   En conclusion Il ne faut donc pas, en 2004, jeter les fibrates à la poubelle. Il ne faut pas non plus les opposer aux statines. Ce sont deux classes thérapeutiques qui n’ont pas les mêmes indications. Les statines ont des effets pléiotropes bien connus. Les fibrates aussi : outre l’action bénéfique sur certains facteurs de l’hémostase, les fibrates réduisent le taux des LDL petites et denses, c’est-à-dire particulièrement oxydables et athérogènes. Or, ces LDL petites et denses sont toujours augmentées en cas d’hypertriglycéridémie. C’est un plus thérapeutique en faveur de l’effet des fibrates dans l’hyperlipidémie combinée de type IIb et l’hypertriglycéridémie pure de type IV. À l’heure de la « médecine basée sur les preuves » et de très nombreuses études de prévention primaire et secondaire effectuées avec les statines, il faut raison garder et ne pas donner systématiquement une statine devant toute anomalie lipidique, et surtout en cas d’hypertriglycéridémie pure (type IV). Les études de prévention primaire (Helsinki Heart Study avec le gemfibrozil) et de prévention secondaire (VA-HIT : Veterans Affairs HDL Intervention Trial également avec le gemfibrozil), se sont révélées bénéfiques : - le gemfibrozil réduit les événements cardio-vasculaires de 35 % dans la HHS, de 22 % dans VA-HIT, - le fénofibrate réduit la progression de l’athérosclérose coronaire dans DAIT (Diabetes Atherosclerosis Intervention Trial). Les statines ont fait faire un bond considérable au traitement des hypercholestérolémies pures et combinées et à la prévention cardio-vasculaire primaire et secondaire, mais les fibrates gardent, encore aujourd’hui, leurs indications propres.   En pratique   Statine dans l’hypercholestérolémie pure. Fibrate dans l’hypertriglycéridémie pure. Statine et/ou fibrate dans l’hyperlipidémie combinée en association avec l’ézétimibe en cas de persistance d’une augmentation du LDL cholestérol sous monothérapie.

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