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Vasculaire

Publié le 23 mar 2010Lecture 7 min

Quelle prise en charge pour les anévrismes de l'aorte thoracique ?

J.-P. BECQUEMIN, hôpital Henri Mondor, Créteil


Les Journées européennes de la SFC
Pathologie fréquente, les anévrismes de l’aorte thoracique ont largement bénéficié de progrès techniques, et notamment de la mise au point d’endoprothèses de plus en plus sophistiquées. Le plateau technique requis ainsi que la compétence des équipes sont déterminants pour le succès.

Épidémiologie Les anévrismes représentent la troisième cause de mortalité cardio-vasculaire dans les pays industrialisés. L’enquête de l’INSERM analysant les certificats de décès à domicile entre 2005 et 2009 a révélé que 6 358 décès sur 99 778 étaient liés à la rupture présumée d’un anévrisme aortique, soit 6 % des décès. L’étude des admissions hospitalières par le PMSI montre au cours de la même période que 990 anévrismes ont été admis en urgence pour rupture avec un taux de décès de l’ordre de 60 %. Dix pour cent des anévrismes intéressent l’aorte thoracique. La prévalence des anévrismes thoraciques augmente, comme le montre le registre suédois relevant le nombre de cas et le nombre d’interventions sur l’aorte thoracique entre 1987 et 2002. Ces augmentations sont respectivement de 50 % et de 100 %. Les trois principales causes d’anévrisme thoracique sont les anévrismes dégénératifs athéromateux, les dissections chroniques évolutives et les ruptures isthmiques passées inaperçues. Nous ne disposons pas actuellement d’études randomisées permettant de définir précisément le diamètre à partir duquel une intervention est nécessaire pour prévenir le risque de rupture. Le consensus des sociétés savantes est de recommander une intervention chez les patients asymptomatiques dès lors que le diamètre est ≥ 6 cm ou que la croissance de l’anévrisme est > 1 cm/an ou encore en cas de manifestations cliniques ou de complications telles les douleurs, les ruptures aiguës ou contenues et les complications ischémiques, qui sont plus rares. Figure 1. Endoprothèse de l’aorte thoracique descendante. Les options thérapeutiques Chirurgie ouverte Jusqu’à une période récente, la seule possibilité thérapeutique était une chirurgie ouverte qui consistait à remplacer l’aorte pathologique par une prothèse suturée sur des tissus artériels sains. Selon la localisation, cette chirurgie nécessite des abords plus ou moins délabrants par sternotomie, thoracotomie, thoraco-phréno-laparotomie, bien souvent une circulation extracorporelle avec, en cas d’anastomose proximale proche du cœur, un arrêt circulatoire. Dans des mains entraînées, la mortalité opératoire reste élevée, de 7 à 10 %, avec un taux de complications neurologiques incluant les accidents vasculaires cérébraux et les paraplégies de 4 à 15 % des cas. Les endoprothèses Depuis la publication de Parodi en 1991, on dispose d’endoprothèses spécifiquement destinées aux différents segments artériels et notamment à l’aorte thoracique. Schématiquement, ces prothèses comportent un squelette métallique en acier ou en alliage type nitinol, et un tissu chirurgical en PTFe ou en polyester. Certaines prothèses présentent à leurs extrémités une rangée de stents non couverts et des crochets permettant d’assurer la fixation. Ces prothèses sont introduites par voie fémorale avec une courte incision du Scarpa ou en percutanée par l’intermédiaire de systèmes de fermeture adéquate. Une anesthésie générale est souvent effectuée mais ces interventions pourraient être réalisées sous anesthésie locorégionale. La prothèse et son système d’introduction sont placés en regard de la zone anévrismale repérée par l’artériographie peropératoire et par une échographie transœsophagienne. Les extrémités de la prothèse doivent être placées en zone non anévrismale afin d’assurer une étanchéité parfaite. Plusieurs séries permettent de vérifier la sécurité et l’efficacité de cette approche. Les séries les plus récentes montrent un taux de mortalité variant de 2 à 5 % et un taux de paraplégie de 1 à 6 %. Le rapport de l’HAS a confirmé le progrès thérapeutique et la mise sur le marché des endoprothèses thoraciques est actuellement autorisée. Figure 2. Endoprothèse de l’aorte thoraco-abdominale. Figure 3. Endoprothèse de l’aorte thoracique. Les difficultés techniques à résoudre Il reste cependant de nombreux problèmes techniques liés à la complexité de la pathologie de l’aorte thoracique. Les points les plus importants sont la localisation, l’étendue de la lésion, la pathologie en cause. La localisation On distingue trois segments : l’aorte thoracique descendante, la crosse de l’aorte et l’aorte thoraco-abdominale. L’aorte thoracique descendante est le segment le plus accessible. Il est relativement rectiligne, sans difficulté majeure pour le déploiement de l’endoprothèse. Notre groupe a été le premier à effectuer le traitement d’un anévrisme de l’aorte thoracique basse dès 1995. Les anévrismes peu étendus bénéficient au mieux de cette technique. Pour les anévrismes plus étendus depuis l’artère sous-clavière gauche à la traversée diaphragmatique, le risque de paraplégie n’est pas nul. La moelle et vascularisée par les artères spinales qui sont des branches des artères intercostales. L’artère spinale antérieure est issue des intercostales thoraciques entre la 9e et la 11e lombaire. Mais des variations sont possibles. Le risque de paraplégie est d’autant plus grand que la zone à traiter est étendue, que le patient a déjà été opéré d’un anévrisme abdominal, que l’on couvre l’artère sous-clavière gauche, qu’il y a une hypotension périopératoire. Ce risque est donc diminué : - en tentant d’identifier en préopératoire l’artère D’Adamkiewitz, ce qui est possible actuellement grâce aux reconstructions obtenues à partir des scanner multibarettes ; - en drainant le liquide céphalorachidien ; - en maintenant une tension > 14 mmHg de pression systolique ; - en réimplantant si besoin l’artère sous- clavière gauche ; - en évitant les manœuvres endoluminales excessives, source d’embolisation. Comparativement à la chirurgie ouverte, la mortalité est réduite de 11,7 à 2,1 % et le taux de paraplégie de 14 à 3 %. Une métaanalyse récente a confirmé la réduction significative du taux de décès, de complications neurologiques, de dysfonctions rénale, de transfusions et d’utilisation de soins intensifs. La crosse de l’aorte reste le segment le plus difficile. Les différentes courbures, la proximité du cœur, la naissance des artères à destinée cérébrale font de cette localisation un défi important pour les techniques endovasculaires. L’industrie a mis au point des prothèses souples répondant aux besoins anatomiques. Les systèmes de déploiement contrôlés permettent une plus grande fiabilité de mise en place. La conservation de la perméabilité des artères à destinée cérébrale nécessite des techniques hybrides. Différentes possibilités chirurgicales existent pour étendre les zones d’attache. Certaines peuvent être réalisées par voie purement cervicale, réimplantation de la sous-clavière gauche dans la carotide, pontages inter-carotidiens, d’autres nécessitent une sternotomie, des pontages aorto-bicarotidien. Une fois ces artères déroutées, l’endoprothèse est mise en place. Les recherches et développements actuels visent à mettre au point des prothèses avec des orifices latéraux ou des branches destinées à préserver la vascularisation cérébrale. Quelques cas cliniques ont été rapportés et les prothèses peuvent être réalisées sur mesure pour des cas spécifiques. Les résultats sont encourageants. À l’hôpital Henri Mondor, nous avons traité 68 patients à haut risque souvent en urgence avec un taux de succès technique de 98 % une mortalité globale de 12 %. En urgence cependant, la mortalité reste élevée, de l’ordre de 35 %. Le taux d’accident vasculaire cérébral est de 4 %. La chirurgie traditionnelle chez ces patients avait été récusée car considérée comme trop risquée. L’aorte thoraco-abdominale est un segment de difficulté intermédiaire. On dispose actuellement de prothèses fenêtrées et branchées qui permettent de traiter l’anévrisme tout en préservant les artères rénales et digestives. La mise en place reste techniquement difficile et n’est envisageable que dans des centres hautement spécialisés disposant d’une imagerie performante et d’une équipe multidisciplinaire entraînée. Les prothèses sont fabriquées sur mesure après détermination par des logiciels spécifiques des localisations et des diamètres des artères à conserver. Les résultats sont très encourageants. Limitées jusqu’à présent aux patients à haut risque chirurgical, les indications vont probablement s’élargir dans l’avenir. L’HAS a donné un avis favorable à cette technologie et a demandé une évaluation pour les cas complexes. L’équipe d’Henri Mondor a obtenu un STIC national pour effectuer cette évaluation chez 220 patients qui seront comparés à une cohorte de patients traités de façon conventionnelle. L’étendue de la lésion Les lésions courtes < 15 cm sont traitables assez facilement. Il n’en est pas de même pour les lésions étendues qui peuvent englober plusieurs segments de l’aorte thoracique et qui relèvent parfois de plusieurs endoprothèses, voire de plusieurs types d’endoprothèses (tubulaire, fenêtrée ou branchées). La pathologie en cause Les anévrismes athéromateux sont de traitement plus simple que les dissections ou les problèmes de cathétérisme du vrai chenal, la localisation de la ou des portes d’entrée et de la résistance du flap de dissection demandent une bonne analyse de la lésion. En pratique Il est actuellement possible de traiter des patients présentant un anévrisme de l’aorte thoracique par des techniques mini invasives avec un taux de succès très encourageant. La complexité de l’évaluation préopératoire, notamment la nécessité d’avoir une imagerie ultra performante et des logiciels de reconstruction vasculaire spécifiques, et la haute technicité de ces interventions requièrent un plateau technique performant et des équipes multidisciplinaires comportant des chirurgiens vasculaires, des chirurgiens cardiaques, des radiologues vasculaires et des anesthésistes entrainés.

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