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Risque

Publié le 15 mai 2011Lecture 4 min

Sevrage tabagique : orientations et perspectives en France et en Europe

B. DAUTZENBERG, Service de pneumologie et réanimation, GH Pitié-Salpêtrière, Paris

La dépendance tabagique est, selon l’OMS, une maladie chronique grave de l’adulte qui est acquise au cours de l’adolescence par un comportement délétère. La maladie ne guérit pas. Le fumeur qui arrête de fumer ne deviendra pas un « non-fumeur », mais un « ex-fumeur » ; il gardera à vie dans son cerveau, en particulier dans le noyau accumbens, la mémoire de cette addiction qui pourra se réveiller avec quelques prises de nicotine à un niveau identique à celui qui existait avant l’arrêt.

Les faits sont accablants : la dépendance tabagique a tué 100 millions de fumeurs au xxe siècle ; un fumeur sur deux meurt prématurément d’une maladie liée au tabac et perd alors 20 années de vie ; le tabagisme explique encore 40 % de différence d’espérance de vie entre l’homme et la femme ; l’existence même de la « maladie » est souvent niée par les fumeurs, mais aussi par les soignants, les médecins, les caisses d’Assurance maladie et les ministres chargés de la Santé. L’industrie du tabac qui est le vecteur de la première cause de mort évitable en Europe continue à progresser cachée, se défendant à coup de milliards d’euros sous de faux prétextes pour garder au tabac une image acceptable dans la société. Heureusement, des messages d’espoir naissent, notamment en Europe, où le tabagisme est maintenant contrôlé chez les hommes, mais continue à progresser chez les femmes. Il faut que chacun d’entre nous passe à la vitesse supérieure dans la lutte contre l’addiction tabagique pour éviter l’hécatombe du milliard de décès prématurés annoncée pour ce xxie siècle. La Finlande de façon symbolique a voté en octobre 2010 une loi visant à la fin du tabac pour 2040 : « Le but de cette loi est de mettre fin à l'utilisation des produits du tabac contenant des composés qui sont toxiques pour les humains et créent une dépendance ». Ceci fait de la Finlande le premier pays après l’exotique Boukistan dont le but déclaré n’est pas seulement de réduire, mais de mettre fin à la consommation de tabac. Ainsi, les politiques finlandais se sont donné les moyens législatifs de sortir d’une politique de simple contrôle, comme dans les autres pays européens, pour une politique d’éradication progressive. Un concept qui va progressivement faire son chemin et qui changera radicalement la prise en charge du tabagisme que de passer d’un concept de soins curatifs à un concept de soins palliatifs avant la fin de vie du tabagisme. Au Royaume-Uni, les Britanniques fumaient il y a 20 ans beaucoup plus que les Français et payaient un très lourd tribut au tabac, avec un taux de décès par cancer bronchique chez les hommes de 35 à 65 ans qui atteignait 210/100 000 à la fin des années 1970 et un taux de mortalité cardiovasculaire beaucoup plus élevé qu’en France. Depuis cette époque, les Britanniques ont fait leur révolution dans le domaine de la prise en charge de la maladie tabagique et les hommes jeunes meurent trois fois moins de cancer bronchique. Les Britanniques ont en effet évalué la dépendance tabagique et son traitement avec les mêmes critères que les autres maladies. Ainsi, un médicament est remboursé en Grande-Bretagne s’il en coûte moins de 30 000 livres de gagner une année de vie. Les produits d’arrêt du tabac apparaissent 40 à 50 fois plus « coût-efficaces » que cette limite. Aussi, les médicaments d’arrêt du tabac sont gratuits en Grande-Bretagne. Ce pays est ainsi, avec l’Irlande, un des seuls pays européens dans lesquels la prise en charge du tabagisme est complète. Aucun des 27 pays européens ne rembourse cependant l’arrêt du tabac. Même quand il est pris en charge, l’arrêt du tabac l’est encore avec des mesures d’exception. En France, le forfait de 50 euros disponible une fois par an en France, ou le remboursement de la deuxième boîte de varénicline en Belgique, ou la démarche actuellement en cours en Allemagne pour faire prendre en charge l’arrêt du tabac uniquement chez les patients atteints de BPCO, témoignent de ces régimes d’exception qui en Europe accompagnent le traitement de la dépendance tabagique. Le débat de savoir si la dépendance tabagique est une maladie, comme le dit l’OMS, ou seulement un comportement n’est pas encore abouti en Europe. Ainsi, en Allemagne, la plupart des centres accueillant des fumeurs sont des centres tenus par des psychologues où il n’y a pas de prescription. Dans beaucoup de pays du Nord de l’Europe, l’arrêt du tabac n’est que peu médicalisé. Au Danemark, par exemple, les municipalités contractent avec des pharmaciens qui organisent dans une salle attenante à l’officine des réunions de groupe pour les fumeurs. En Suède, les « nurse against tobacco » sont en première ligne. Il devient urgent que la dépendance tabagique soit reconnue comme une maladie « ordinaire ». Il est incohérent que l’insuffisance coronaire constitue une indication à la substitution nicotinique en France chez les fumeurs, et que la HAS ne demande pas que ces traitements soient remboursés en fonction de l’important service médical rendu dans cette maladie mortelle. Il est incohérent que trop souvent les médecins mettent comme préalable aux soins d’un sujet dépendant au tabac la motivation du fumeur et lui remette la décision de se traiter ou non alors que pour un diabète, un cancer ou une hypertension, ils prendraient la décision et ne rechercheraient que dans un deuxième temps l’adhésion du fumeur. Tout fumeur dépendant, surtout s’il est atteint d’une comorbidité, doit être pris en charge pour un arrêt sans délai quand cela est possible. Mais, bien souvent, seul un arrêt progressif, voire une réduction du tabagisme est possible dans un premier temps chez un malade sans aucune motivation pour l’arrêt ; c’est cependant déjà un premier pas face à l’abandon de soins dont font trop souvent l’objet les fumeurs dépendants. "Publié dans OPA Pratique"

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