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Coronaires

Publié le 01 juin 2010Lecture 10 min

Utilisation des stents actifs durant l'angioplastie primaire de l'infarctus du myocarde avec sus-décalage de ST

O. VARENNE, S. SILBERMAN, A. CHAIB et C. SPAULDING, Hôpital Cochin, Paris

L’utilisation des stents actifs en phase aiguë d’infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (STEMI) fait encore couler beaucoup d’encre. Certains praticiens refusent catégoriquement d’utiliser les stents actifs dans ce contexte en raison de craintes d’un risque accru de thromboses, ignorant de façon manifeste les résultats d’études cliniques randomisées réalisant le socle de notre sacro-sainte « evidence based medicine ». Les mêmes praticiens n’hésitent, par ailleurs, pas à recourir à l’utilisation des mêmes stents actifs en cas de NSTEMI pourtant très voisins sur le plan physiopathologique (rupture de plaque et thrombose coronaire). Pourquoi ces réactions passionnelles ?

Les preuves scientifiques accumulées au cours des dernières années ont amené à l’inscription sur la liste de la LPPR des stents au sirolimus (CYPHER®) et au paclitaxel (TAXUS®) dans le contexte de l’angioplastie primaire. En effet, les stents actifs en général, et les stents CYPHER® et TAXUS® en particulier, ont été étudiés chez plus de 5 000 patients dans des essais randomisés, représentant une population bien plus fréquente que celle atteinte de lésions spécifiques (tronc commun, resténose, petits vaisseaux, pluritronculaires, etc.) ou que la population diabétique chez laquelle leur utilisation n’est pas controversée. La raison en est une connaissance incomplète des études randomisées, une mise en cause du bénéfice réel de ces endoprothèses dans le STEMI, mais aussi la crainte, souvent injustifiée, de complications potentielles, non retrouvées dans les études. L’étude MISSION a randomisé 310 patients entre stents CYPHER® et stents nus durant un STEMI. Après 9 mois, l’efficacité des stents actifs sur la resténose est voisine de l’efficacité habituelle (hors STEMI), avec un late loss de 0,12 mm vs 0,68 mm dans les stents nus. L’étude TYPHOON a permis de valider le recours aux stents CYPHER® chez 712 patients avec STEMI. Les stents CYPHER® réduisent de près de 50 % des événements cardiovasculaires (décès, infarctus et revascularisation du vaisseau cible) à un an, principalement par une réduction des réinterventions coronaires liées à des épisodes de resténose (figure 1). Ce bénéfice est également observé chez les patients n’ayant pas été soumis à un contrôle angiographique systématique (6,8 % vs 12,7 % ; p = 0,034) démontrant ainsi le bénéfice clinique réel lié à l’utilisation des stents actifs lors d’une angioplastie primaire. Il n’est pas retrouvé d’augmentation de la mortalité entre stents actifs et nus (2,3 % vs 2,2 % ; p = ns) ou des taux de réinfarctus (1,1 % vs 1,4 % ; p = ns) (figure 2). Les taux de thromboses de stents sont similaires dans les deux groupes de patients (3,4 % vs 3,6 % ; p = ns). Ces résultats sont maintenus après 4 ans avec des taux de revascularisation très favorables aux stents actifs (7,2 % vs 15,2 % ; p = 0,005) (figure 3) et des taux similaires de décès, de réinfarctus et de thrombose de stent. Figure 1. Étude TYPHOON. Critère principal à un an associant décès cardiaque, infarctus et revascularisation du vaisseau cible. Bénéfice du stent actif au sirolimus (CYPHER®) vs stents nus (BMS). Figure 2. Étude TYPHOON. Événements cliniques à un an chez les patients traités par stents actifs au sirolimus (CYPHER®) ou par stents nus (BMS). TVF : target vessel failure (décès, infarctus, et revascularisation du vaisseau cible) TVR : target vessel revascularization (revascularisation du vaisseau cible). Figure 3. Étude TYPHOON 4 ans. Taux de patients en vie et indemnes de revascularisation du vaisseau cible. Bénéfice du stent actif au sirolimus (CYPHER®) vs stents nus (BMS) maintenu à 4 ans. Dans l’étude MULTISTRATEGY incluant des patients moins sélectionnés que dans TYPHOON et devant prendre la double association aspirine et clopidogrel pendant au moins 3 mois, les mêmes résultats favorables sont observés à 1 an avec des taux d’événements réduits de près de 50 % en faveur des stents CYPHER® (7,8 % vs 14,5 % ; p = 0,006) (figure 4). Dans l’étude STRATEGY, les bons résultats observés à un an se maintiennent à 5 ans avec un taux d’événements de 30 % chez les patients traités par stent actif et tirofiban et 51 % en cas de stenting nu sous abciximab (p = 0,006) sans différence de mortalité ou de thrombose. Des résultats favorables ont été également rapportés avec les stents TAXUS® au paclitaxel. Dans l’étude HORIZONS-AMI, 3 606 patients traités par angioplastie primaire étaient randomisés entre stent actif TAXUS® (n = 2 257) et stent nu EXPRESS® (n = 749). Les deux stents possédant une plateforme métallique absolument identique. A un an, les deux stents ont le même profil de sécurité avec un taux de MACE (décès, ré-infarctus, accident vasculaire cérébral ou thrombose de stent) identique (8,1 % vs 8,0 % ; OR : 1,02 ; IC 95 % : 0,76 à 1,36 ; p = 0,01 pour la non infériorité). Par contre, en termes d’efficacité, le critère principal TLR (taux de revascularisation de la lésion cible) est favorablement réduit pas les stents actifs TAXUS® (5,8 % vs 8,7 % ; OR : 0,65 ; IC 95 % : 0,48 à 0,89 ; p = 0,006). Les taux de thromboses de stents à un an sont identiques dans les deux groupes de stents (3,2 et 3,4 % respectivement ; p = 0,98). L’efficacité des stents au paclitaxel dans le contexte du STEMI est confirmée par la réduction du taux de resténose chez les patients traités par stents TAXUS® (10,0 % vs 22,9 % ; OR : 0,44 ; IC 95 % : 0,33 à 0,57 ; p < 0,001). On ne dispose que de deux études comparatives entre les deux plateformes CYPHER® et TAXUS® dans cette indication précise. L’étude PROSIT retrouve un bénéfice en termes de resténose angiographique en faveur du stent sirolimus à 6 mois (0,09 mm vs 0,33 ; p = 0,002) et l’étude ZEST-AMI, non publiée, comparant les taux de resténoses angiographiques des stents CYPHER®, TAXUS® et ENDEAVOR® avec des résultats favorables du premier (2 % vs 9 % vs 15,9 % ; p = 0,027) sans que l’on puisse conclure à un bénéfice clinique d’un des stents actifs par rapport aux autres. Plusieurs méta-analyses retrouvent et amplifient ce bénéfice. La méta-analyse de Schömig et al. retrouve le bénéfice des stents actifs chez 2 786 patients traités en termes revascularisations et de critères combinés à un an (RR = 0,38 [IC 95 % : 0,29-0,50] ; p < 0,001) (figure 4), mais également des taux identiques de thromboses (RR 0,80 [IC 95 % : 0,46-1,39] ; p = 0,43). Figure 4. Méta-analyse de Schömig. Critère principal à un an associant décès cardiaque, infarctus et revascularisation du vaisseau cible. Bénéfice des stents actifs vs stents nus. Dans le registre GRACE regroupant les syndromes coronaires aigus traités dans les centres participants, il a été suggéré que la mortalité était majorée dans le groupe des patients traités par stents actifs entre 6 mois et 2 ans. Cependant, en raison du nombre important de patients perdus de vue à 2 ans, et du fait que la mortalité sur la même période est favorable aux stents actifs, cette conclusion doit être prise avec précaution (figure 5). De plus, les profils de risque des patients entre les deux groupes étaient très différents et peuvent impacter les événements cliniques à 2 ans. Dans le registre MASS-DAC, après appariement pour les profils de risque, les patients recevant un stent actif ont non seulement un bénéfice en termes de revascularisation, mais également un bénéfice en termes de mortalité (-3,1 % [IC 95 % : -5,4 % à -0,8 %] ; p = 0,009). Figure 5. Registre GRACE. Mortalité à 2 ans dans les groupes de patients avec STEMI traités par stents nus (BMS) ou stents actifs (DES). Bénéfice en termes de mortalité sur la période d’étude à 2 ans. Il est utile de préciser quelques éléments à considérer avant de recourir aux stents actifs en cas de STEMI. La préparation du vaisseau est particulièrement importante. La thromboaspiration permet de réduire le volume de thrombus présent au moment de l’impaction du stent (un important thrombus au moment du stenting est associé à une péjoration du pronostic) et est associée à une amélioration de la reperfusion myocardique et du pronostic (étude TAPAS). Elle doit être associée à une vasodilatation correcte du vaisseau cible par utilisation de vasodilatateurs intracoronaires afin d’éviter d’impacter un stent trop petit, facteur associé au risque de mal-apposition et de thrombose. La longueur du stent est aussi importante et doit couvrir toute la lésion (de zone saine à zone saine) en préférant utiliser une seule endoprothèse afin d’éviter les zones de chevauchement. Le traitement des lésions de bifurcation est associé à un sur-risque de thromboses. Le résultat angiographique doit être parfait, en particulier en cas de sous-déploiement du stent, une post-dilatation au moyen d’un ballon non compliant un quart de taille supérieure est recommandée. La prise d’une double antiagrégation plaquettaire est capitale. Dans le registre PREMIER, jusqu’à 13,6 % des patients avaient arrêté le clopidogrel après 30 jours et avaient une augmentation significative de la mortalité par rapport à ceux poursuivant l’association. L’utilisation de nouveaux antiplaquettaires plus puissants que le clopidogrel comme le prasugrel testé dans l’étude TRITON-TIMI 38, permet de limiter les complications ischémiques après angioplastie, dont une réduction significative des thromboses de stents actifs et nus (figure 6). Le prasugrel (EFIENT®) peut être prescrit dans le cadre de l’angioplastie primaire et chez les patients diabétiques, en association à l’aspirine en excluant les patients âgés (75, < 60 kg et ceux avec un antécédent d’accident vasculaire cérébral). Il est clair que le débat sur l’utilisation des stents actifs en phase aiguë d’infarctus doit être clos. Les stents actifs, en particulier les stents CYPHER® et TAXUS®, seuls stents à bénéficier d’une prise en charge dans cette indication, doivent être utilisés dans les cas ou le risque de resténose est important (patient diabétique, lésion de petit vaisseau, lésions longues et sténose de l’IVA) et en dehors de certaines situations cliniques spécifiques et si le patient semble pouvoir adhérer à la double antiagrégation plaquettaire pendant au moins un an. Le bénéfice de leur utilisation tient essentiellement à une diminution des taux de revascularisation du vaisseau cible. Ce bénéfice est lié à une utilisation précautionneuse des endoprothèses et une préparation parfaite du vaisseau (thromboaspiration, vasodilatateurs) et du patient (antiagrégants plaquettaires, antithrombotiques). Figure 6. Étude TRITON-TIMI 38. Étude comparative du clopidogrel et prasugrel. Le prasugrel permet une réduction marquée et significative des événements ischémiques après angioplastie et, en particulier, une réduction marquée de plus de 40 % des thromboses de stents (p = 0,02). L’expérience de la clinique Esquirol-Saint-Hilaire Depuis quand utilisez-vous les stents actifs dans la phase aiguë de l’infarctus, et dans quel cadre ? Nous utilisons Cypher® en SCA depuis la publication dans le NEJM en septembre 2008 de l’article de Laura Mauri et coll. Dans le cadre des accords de bon usage des dispositifs médicaux implantables, nous nous sommes inquiétés du problème du remboursement des endoprothèses qui étaient hors du cadre légal. Nous avons posé la question à nos interlocuteurs de la CPAM qui nous ont fourni un élément de réponse : « Le législateur est conscient d’un délai entre la mise en évidence d’un bénéfice thérapeutique et la prise en charge avec remboursement de l’acte ». Ils nous ont donc conseillé de justifier l’implantation de stents actifs en phase aiguë par : – Le caractère « à haut risque de resténose » de la lésion (lésion longue, petit vaisseau ou patient diabétique) ; – Les résultats d’études multicentriques randomisées (TYPHOON, registre Massachussets [Laura Mauri], etc.). Chez un patient présentant un accident inaugural de la maladie coronaire, il ne nous semblait pas rationnel de ne pas implanter de stent actif en phase aiguë d’infarctus alors que nous aurions implanté un stent actif chez ce même patient si nous avions réalisé la coronarographie dans les quelques jours précédents en phase d’angor instable, sans sus-décalage ST, à un stade plus précoce d’un même processus. Que pensez-vous des modifications récentes de la LPPR incluant la phase aiguë d’infarctus pour les patients à haut risque de resténose pour les stents CYPHER et TAXUS ? Depuis la publication au JO des conditions de remboursement des stents actifs, nous n’avons plus besoin de justifier de leur implantation dans nos comptes-rendus. La prise en charge du patient en SCA avant, pendant et après la procédure est-elle différente s’il reçoit un stent actif ou un stent nu ? Nous recommandons l’administration la plus précoce possible du traitement anticoagulant et antiagrégant plaquettaire. Ceci est effectué le plus souvent au service des urgences des structures qui nous adressent les malades ou dans l’ambulance du SMUR. Avec nos partenaires cardiologues des autres structures et urgentistes, nous avons établi des protocoles thérapeutiques qui sont systématiquement discutés au cas par cas, 24 heures sur 24, avec l’angioplasticien qui va recevoir le patient. Ainsi le traitement médicamenteux anticoagulant et antiagrégant est administré en amont de la salle de coronarographie et il n’y a plus d’administration à effectuer durant la procédure. Le patient arrive en salle de coronarographie perfusé au bras gauche, pour un abord artériel radial droit de préférence. La procédure d’implantation d’un stent actif en phase aiguë d’infarctus ne diffère en rien d’une angioplastie programmée, si ce n’est la préparation de la lésion pour traiter le thrombus toujours présent. Nous utilisons le plus souvent une thromboaspiration. Ceci permet souvent de mieux visualiser le lit d’aval de l’occlusion et d’analyser la lésion donc de préciser les dimensions du stent à implanter. Dans le suivi immédiat, nous préconisons un séjour en centre spécialisé de réadaptation cardiaque et d’éducation thérapeutique. Le suivi cardiologique sera effectué en consultation cardiologique avec épreuves d’effort, échographie pour apprécier l’évolutivité d’une dysfonction VG, Holter rythmique. En diminuant la resténose intrastent, nous pouvons obtenir un net bénéfice clinique. En particulier pour les patients diabétiques, les patients jeunes, les patients n’étant pas sous AVK au long cours, les stents actifs participent à l’amélioration du pronostic après infarctus, sans modifier la procédure ou le suivi cardiologique. Quel est votre protocole concernant le traitement antiagrégant ? Dans tout SCA, en accord avec les recommandations SFC/ESC nous préconisons de garder l’association aspirine-clopidogrel pendant un an (clopidogrel prescrit à la dose de 75 mg matin et soir pendant un mois puis 75 mg/j), en l’absence d’hémorragie. Cette approche est valable avec les stents actifs et les stents nus, indifféremment. Pendant la phase d’hospitalisation, le patient doit être sensibilisé à la nécessité de poursuivre la bithérapie antiagrégante compte tenu du bénéfice clinique. La nature du stent implanté, actif ou nu, ne change en rien la durée du traitement antiagrégant plaquettaire. Pensez-vous qu’il y ait une réelle problématique liée au traitement antiagrégant en SCA ? S’il existe un doute sur la compliance du patient à son traitement, ou si une chirurgie est envisagée prochainement, il faut éviter la pose d’un stent actif. Il est important de signaler que les situations chirurgicales où les 2 antiagrégants plaquettaires doivent être arrêtés du fait d’un risque vital d’hémorragie sont exceptionnelles (la neurochirurgie, certaines chirurgies carcinologiques). Dans tous les autres cas, la discussion portera sur la possibilité de différer l’intervention à distance de l’infarctus en arrêtant le clopidogrel 5 jours avant l’intervention et en le reprenant le plus tôt possible. Dr J. Armengaud, Unité de Cardiologie Interventionnelle Clinique Esquirol-Saint-Hilaire, Agen

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