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Paramédical

Publié le 30 déc 2024Lecture 7 min

Cathlab Vert : Enjeux et Perspectives

Charlène RUSSO, manipulatrice en électroradiologie médicale (MERM), Groupe Hospitalier Mutualiste (GHM) de Grenoble

Bien qu’ayant pour objectif principal de préserver et d’améliorer la santé publique, les activités de soin sont paradoxalement une source importante de pollution, particulièrement atmosphérique, dont les effets néfastes sur la santé humaine sont très largement documentés, notamment concernant les maladies cardiovasculaires(1,2). Dans les années à venir, la conséquence sera une augmentation du nombre de patients, entraînant irrévocablement une demande croissante de soins… Afin d’enrayer ce cercle vicieux, il est crucial pour le monde de la santé d’intégrer des stratégies plus durables qui réduisent l’impact environnemental et de développer des pratiques de soin plus écoresponsables tout en garantissant leur qualité.

CONTEXTE   En 2023, les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur de la santé représentent autour de 49 millions de tonnes de CO2e, soit plus de 8 % de l’empreinte carbone de la France (figure 1). Il est aisé de constater qu’ensemble, l’achat de médicaments et de dispositifs médicaux représentent déjà 50 % de ces GES. En tant qu’acteurs clés de ces deux principales catégories, les pharmacies et les industriels ont un rôle déterminant à jouer, tout comme les professionnels de santé qui doivent engager une vraie réflexion sur l’empreinte carbone de leurs structures de soins. En effet, les déchets médicaux représentent 20 à 30 % des déchets d’un établissement de santé (ES) et proviennent des blocs opératoires (BO)(3), dont font partie nos salles de cathétérisme cardiaque. Bien qu’ils ne représentent « que » 5 % des GES, agir sur l’optimisation de leur gestion ne nécessite que peu de moyens matériels ou financiers et consiste en un projet qui peut tout à fait être piloté par un paramédical. Ainsi est né notre projet de départ autour de l’interrogation suivante : « Quel est l’impact d’une optimisation du tri des déchets en cardiologie interventionnelle au GHM de Grenoble ? » Afin de répondre à cette question, nous avons donc analysé tous les déchets générés au cours d’une procédure de coronarographie et/ou d’angioplastie sur un échantillon aléatoire de 60 procédures consécutives. Pour ce faire, nous avons effectué cet audit en deux phases : avant optimisation du tri puis après optimisation du tri. En guise de matériel, un pèse-bagage suffit dans la mesure où le poids des déchets influence en totalité l’impact économique et écologique. Figure 1. Répartition des émissions de gaz à effet de serre du secteur de la santé (MTCO2e). Source : calculs The Shift Project 2023.   PRÉAMBULE DE L’ÉTUDE   Prioritairement, il est essentiel de bien connaître et appréhender tous les aspects qui régissent la gestion des déchets au BO : • Les normes réglementaires : CSP(4), Manuel de certification des ES(5), la HAS, recommandations, prestataires, etc. • La mise à jour des protocoles de tri : définition des différents types de déchets et de leur gestion à l’aide de personnes ressources (infirmière et médecin hygiénistes, chef des services techniques, etc.). • Les filières de tri existantes et à créer. • L’ergonomie au BO et la logistique des poubelles. • La formation et la sensibilisation de tous les acteurs de la chaîne de tri.   ÉTAT DES LIEUX   Avant l’optimisation du tri, nous ne disposions que de trois filières existantes : – les déchets assimilés aux ordures ménagères (DAOM) ; – les déchets assimilés aux soins à risques infectieux (DASRI) ; – le carton. Au cours d’une procédure, en dehors du carton, 100 % des déchets générés étaient jetés dans les DASRI. Or, « la seule présence de sang ou de liquide biologique n’est pas un critère de classement en DASRI »(6). De ce fait, d’après sa définition dans le CSP (Article R1335-1), la poubelle jaune ne devrait contenir que les déchets qui présentent un risque infectieux avéré « dont on sait ou dont on a de bonnes raisons de croire qu’en raison de leur nature, de leur quantité ou de leur métabolisme, ils causent la maladie chez l’homme ou chez d’autres organismes vivants ». Par exemple, cela concernerait un patient atteint d’une hépatite. Dans la majorité des cas, les patients de nos cathlabs sont « sains » et leurs déchets, à condition que les liquides soient contenus (absorbés par un champ ou une compresse), peuvent ainsi être éliminés dans les DAOM. Après optimisation du tri, les nouvelles filières valorisables se sont multipliées : papier, verre, plastique, métaux précieux (cuivre, acier inoxydable, fer, aluminium), bouchons, eau recyclée, etc. Ainsi, 100 % des déchets restants non valorisables étaient éliminés dans la filière des DAOM.   RÉSULTATS   Au départ, nous avions entre 5,12 kg de déchets pour un examen diagnostique et 5,96 kg pour une procédure diagnostique et thérapeutique. Grâce à l’optimisation du tri, ce poids a pu être réduit jusqu’à 49 % pour le diagnostic (figure 2). Cette diminution s’explique en partie grâce aux nouvelles filières de tri déployées mais principalement grâce à la filière de recyclage de l’eau souillée des procédures. En effet, le sang étant organique, il est biodégradable et peut donc tout à fait rejoindre le circuit des eaux usées, ce qui nous permet une économie de 1,5 kg par procédure (1 litre dans le bac de rinçage de guide et 500 ml par patient pour la PA invasive), soit environ 3 096 l d’eau recyclés par an ; une donnée non négligeable lorsque l’on sait qu’en juin 2023, 30 départements étaient en alerte sécheresse(7). Figure 2. Évolution du poids généré par procédure en cardiologie interventionnelle (GHM Grenoble).   Au départ, les déchets d’une procédure coûtaient entre 3,75 € et 4,4 € en moyenne et a posteriori, une économie allant jusqu’à 81 % a été possible (figure 3). Figure 3. Évolution de l’impact économique en cardiologie interventionnelle (GHM Grenoble).   En réalité, cette valeur est sous-estimée étant donné que nous ne tenons pas compte des éventuels profits des établissements à la suite du rachat des matériaux valorisables. En somme, cette épargne se traduit par le fait que, dans notre centre, lorsqu’un déchet est éliminé dans un DASRI (685 €/tonne selon les chiffres annuels 2022-2023 du GHM de Grenoble), cela va coûter trois fois plus cher à l’établissement ; c’est donc le premier geste principal à restreindre. Enfin, contrairement à ce que l’on pense, les filières de tri ont également un coût (290 €/tonne), naturellement légèrement plus cher que les DAOM (230 €/tonne), puisqu’elles vont nécessiter un traitement supplémentaire. Si on revient à la quantité de GES émis par notre centre, rien que pour notre activité de cardiologie interventionnelle, à l’origine, nous consommions 10,63 tonnes de CO2 par an. Grâce à l’amélioration de notre gestion, nous sommes désormais à 2,39 tonnes de CO2 (figure 4). Ce progrès de 78 % peut être représenté par l’équivalence de 10 trajets en avion Paris-New York ou 40 trajets en voiture Lille-Nîmes. Il est important de retenir que les DASRI (934 kg CO2Eq/tonne) sont en fait trois fois moins écologiques que les DAOM (362 CO2Eq/tonne) et trente fois moins écologique que les filières de tri (33 CO2Eq/tonne)(8) qui sont donc à privilégier largement. Pour le recyclage de l’eau (0 kg CO2Eq/tonne), jeter de l’eau dans la poubelle est une aberration écologique, de surcroît lorsque le procédé est l’incinération. En effet, l’énergie totale à déployer sera beaucoup plus importante puisqu’elle nécessitera une étape de « séchage » par évaporation avant de pouvoir être correctement détruite. Figure 4. Évolution de l'impact écologique du traitement des déchets générés à l’année en cardiologie interventionnelle (GHM Grenoble).   Chaque poubelle pesée a également été ou ver te et soigneusement analysée afin d’estimer un taux de conformité, c’est-à-dire la qualité du « bon tri ». Le passage de 0 à 81 % de conformité témoigne de l’adhésion progressive de toute l’équipe – y compris des membres initialement réfractaires – aux nouvelles pratiques écologiques, grâce à la sensibilisation et au respect du temps d’adaptation du service (figure 5). Figure 5. Taux de conformité du tri avant et après optimisation du tri des déchets (GHM de Grenoble).   LIMITES   Le degré d’optimisation du tri des déchets va principalement dépendre : • Du centre et de l’état des lieux initial (filières de tri existantes, à créer, etc.). • De la région et des modalités de traitement des déchets (incinération, enfouissement, etc). • Du type de contrat établi avec les divers prestataires. • De l’appui de la cadre du service et de l’adhésion des équipes.   FAIRE ENCORE MIEUX ?   Considérant l’estimation que 80 % des déchets sont déjà produits avant même l’entrée du patient dans la salle d’intervention (rôle du suremballage)(9), recycler n’est qu’une étape dans la préservation environnementale, mais essentielle et facile à mettre en œuvre dès lors qu’on en a pris conscience. Dès maintenant, il faut songer à d’autres solutions plus durables en prenant appui sur la règle des 5R : Rendre à la terre : tout ce qui est compostable. Recycler : si aucune autre option, puisque moins écologique que les trois éléments suivants. Réutiliser : autant que possible avant de jeter, réparer, etc. Réduire : optimisation des commandes et stocks, produits durables, éviter le gaspillage. Refuser : le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pa s (exemple : remplacer l’impression de l’IFU, instructions of use, par un code-barres pour réduire l’usage de papier).   CONCLUSION   • En résumé, ce travail nous a permis de prendre conscience de l’impact écologique de la gestion de nos déchets en salle de cathétérisme. • Bien que les actions entreprises dans cette étude puissent paraître modestes à l’échelle des défis environnementaux globaux, elles démontrent qu’en multipliant les petites initiatives à l’échelle locale, il est possible de générer un impact significatif sur le plan économique, environnemental et social. • En réduisant les émissions de CO2 de 78 % et en économisant des ressources, nous faisons notre part pour un avenir plus durable. Comme la légende du colibri(10), il est essentiel de se rappeler que même les plus petites actions peuvent avoir un effet transformateur lorsqu’elles sont portées par une vision collective et partagée… • Parce que c’est aussi en prenant soin de cette planète que vous continuez à prendre soin des autres.

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