Publié le 28 fév 2013Lecture 9 min
Étude FAME II - Reconnaissons avec COURAGE l’importance de l’angioplastie dans la prise en charge de l’angor stable
R. CADOR, P. DURAND, Hôpital Saint-Joseph, Paris
L’étude FAME II
L’étude FAME II (The Fractional Flow Reserve versus Angiography for Multivessel Evaluation 2) est une étude randomisée dont l’objectif initial était de démontrer, chez les patients stables et ayant des sténoses significatives sur le plan fonctionnel (évaluées par FFR), la supériorité de l’angioplastie (ATL) associée à un traitement médical optimal (TMO) sur le traitement médical optimal seul.
Entre mai 2010 et janvier 2012, dans 28 centres d’Europe et d’Amérique du Nord, 1 220 patients consécutifs ont été considérés comme éligibles car associant :
- un angor stable (ou ayant une ischémie silencieuse documentée par un test d’ischémie) ;
- au moins une sténose de > 50 % sur un vaisseau de ≥ 2,5 mm de diamètre.
Toutes les lésions angiographiquement significatives ont été évaluées par FFR.
Seuls les 888 patients ayant au moins une sténose avec FFR ≤ 0,80 ont été inclus et randomisés dans les deux groupes.
Les patients randomisés avaient en moyenne 1,8 lésion angiographiquement significative et 1,57 lésion fonctionnellement significative. La majorité des patients (> 60 %) avaient au moins une lésion de l’IVA proximale ou moyenne.
Parallèlement, les 332 patients ayant des sténoses angiographiquement significatives, mais dont aucune n’avait une FFR ≤ 0,80, ont été inclus dans un registre observationnel sous TMO seul.
Le critère d’analyse principal est un critère composite associant la survenue à 24 mois d’un décès, d’un infarctus ou d’une hospitalisation non programmée pour angioplastie urgente.
Les 447 patients du groupe ATL + TMO ont été dilatés dans 97 % des cas. La technique d’angioplastie peut être considérée comme conforme à une pratique optimale car associée dans plus de 80 % à un stent actif de dernière génération. Seuls 14 patients n’ont été traités qu’avec des stents nus et 11 avec un ballon seul.
Sur les recommandations d’un comité indépendant, le recrutement a été arrêté en raison d’une augmentation significative de survenue du critère d’analyse principal chez les patients du groupe TMO seul : 12,7 % versus 4,3 % (RR avec ATL 0,32 ; p < 0,001) (figure).
Figure. Incidence du critère d’analyse principal et des critères d’analyse secondaires.
Cette différence était principalement le fait d’une augmentation très significativement supérieure des hospitalisations pour revascularisation urgente (RR avec ATL 0,13 ; p < 0,001). La majorité de ces hospitalisations (49 et 7 dans le groupe TMO et TMO + ATL) était motivée par un angor instable sans documentation d’ischémie, la survenue d’un infarctus ou d’un angor instable avec modifications ECG intervenant dans respectivement 21 % et 27 % des cas.
Il n’a pas été observé en revanche de différence significative sur les critères d’analyse décès et infarctus.
FAME II conforte la crédibilité de la valeur pronostique de la FFR
Dans FAME II, la mesure de la FFR a permis, chez des patients pourtant symptomatiques et ayant des lésions angiographiquement significatives d’identifier 332 patients, soit près d’un tiers, n’ayant aucune lésion fonctionnellement significative. Cent soixante-six de ces derniers ont été inclus dans un registre observationnel sous traitement médical optimal.
Ces patients avaient les mêmes caractéristiques cliniques que celles des deux groupes randomisés et en moyenne 1,32 lésion dont près de 45 % concernant l’IVA proximale et moyenne. Il s’agissait cependant de lésions souvent peu serrées comprises entre 50 et 70 % dans 73 % des cas et > 70 % dans seulement 15 % des cas.
Le suivi de ces patients rappelle celui des patients de FAME et de DEFER. Leur pronostic sur un suivi de 12 mois est excellent avec aucun décès, moins de 1,8 % d’infarctus et 3,6 % de revascularisation.
Chez des patients en angor stable, la FFR permet donc d’identifier des patients à très faible risque et ne relevant pas d’une angioplastie.
Par ailleurs, chez les patients randomisés, seulement 75 % des lésions angiographiques avaient une FFR ≤ 0,80.
La revascularisation guidée par FFR a permis dans le groupe des patients dilatés de réduire le nombre de lésions traitées d’environ 20 % sans compromettre le pronostic.
Cette étude vient donc conforter, s’il en était besoin, la valeur pronostique de cette technique invasive dans sa capacité à discriminer les lésions relevant ou ne relevant pas d’un geste d’angioplastie.
La démonstration scientifique du bénéfice de la FFR couvre désormais la majorité des indications et situations cliniques observées.
La difficulté à obtenir enfin le remboursement d’une technique permettant d’améliorer le pronostic tout en réduisant les coûts pose clairement le double problème de la réactivité des agences de remboursement et de limites du respect des bonnes pratiques dès lors que nous ne disposons pas des outils pourtant jugés nécessaires dans toutes les recommandations internationales.
De COURAGE à FAME II
En 2007, lorsque sort l’étude COURAGE, un certain nombre de cardiologues bien-pensants, voire d’acteurs de la santé, croient tenir la preuve tant espérée de l’inutilité de l’angioplastie. Ils fustigent dans la presse spécialisée et grand public le nombre insensé d’angioplasties dites « inutiles » réalisées par des cardiologues interventionnels jugés « agressifs ».
L’incompréhension de beaucoup de ces derniers est grande. Leur pratique, en France, est pourtant raisonnable si on la compare à leurs collègues européens avec un taux d’angioplasties pour 100 000 habitants, inférieur au taux moyen de l’OCDE. Ils dénoncent aussi le déni de réalité que d’imaginer qu’un patient coronarien, sous prétexte qu’il aurait été dilaté bénéficierait d'une prise en charge thérapeutique et diététique moins exigente de son cardiologue traitant. Enfin, et surtout, ils regrettent que ne soit pas plus clairement affirmé que le bon pronostic des patients du groupe médical de l’étude COURAGE est dû au recours dans 32 % des cas à… l’angioplastie.
Alors qu’il fallait retenir de cette étude que certains angors stables pouvaient être contrôlés par le traitement médical, il était probablement plus simple d’affirmer que « l’angioplastie coronaire n’apporte aucun bénéfice chez les patients en angor stable ».
Les résultats de la sous-étude Nuclear COURAGE et des métaanalyses ont permis bien heureusement de tempérer cette curée et les recommandations de l’ESC sur la revascularisation en 2010 sont conformes aux pratiques de bon sens.
L’angioplastie a bien sa place dans l’angor stable, à condition que l’artère concernée soit importante fonctionnellement (tronc commun, artère interventriculaire antérieure proximale, ischémie supérieure à 10 % du myocarde) ou que le patient qui présente des symptômes persistants sous traitement médical.
Si la logique scientifique est préservée, les recommandations de l’ESC sous-entendent très clairement que l’essentiel de l’évaluation doit se faire en amont de la coronarographie dans l’angor stable.
Elle range aux oubliettes l’historique épreuve d’effort supposée incapable de déterminer l’importance de l’ischémie au profit de tests, certes plus précis mais aussi incomparablement plus chers. Bien conscients des limites et des difficultés de ces derniers, les cardiologues continuent pourtant à adresser certains de leurs patients stables sans attendre forcément les effets du traitement médical ou se contentant d’une simple épreuve d’effort positive, d’une ischémie limitée ou de leur intime conviction de clinicien.
Leur expérience et nos pratiques de cardiologues interventionnels leur donnent raison très souvent, découvrant ici une sténose subocclusive d’une circonflexe proximale importante chez un patient avec une épreuve d’effort négative, des lésions tritronculaires avec une scintigraphie à peine ischémique ou enfin une sténose serrée de l’IVA proximale révélée par… une petite ischémie basale ! Ces constatations ne sont pas la règle et sont même minoritaires, mais elles sont suffisamment fréquentes pour semer le doute et justifier le recours à l’examen qui reste la référence diagnostique et pronostique.
Ces situations mettent le cardiologue interventionnel dans une situation inconfortable, tiraillé entre le souhait (légitime) du patient d’une procédure unique et le respect des règles dites de bonne pratique.
L’étude FAME II marque-t-elle un tour nant scientifique ?
La réponse est mitigée.
Oui, si on considère que c’est la première belle étude randomisée qui montre la supériorité de l’angioplastie face au traitement médical seul dans l’angor stable. Chez des patients ayant un bon pronostic et sous un traitement maximal optimal, arriver à dégager une différence significative n’était pas certain.
Oui, car elle peut modifier l’inconscient collectif issu de l’étude COURAGE. En effet, dans FAME II, 14 patients des 441 du groupe médical ont tout de même présenté un infarctus et 20 % des patients ont été réhospitalisés en urgence dans l’année suivant la coronarographie. C’est beaucoup pour des patients à qui on a dit que leur pronostic était bon ! Et si l’angioplastie ne parvient pas à réduire les critères absolus de mortalité et d’infarctus, les complications graves inhérentes au geste observées précocement dans le groupe angioplastie sont vite équilibrées par celles survenant naturellement chez les patients non dilatés.
Les détracteurs de l’angioplastie argueront probablement que la différence ne se fait que sur un critère mineur de réhospitalisations en urgence p our revascularisation. Ce sont malheureusement les mêmes qui jugent ce critère suffisamment grave pour préférer la chirurgie à l’angioplastie chez le pluritronculaire. Alors que croire ?
Non, car l’analyse objective des résultats de FAME II permet des conclusions finalement assez proches de celles de l’étude COURAGE et en harmonie avec les recommandations de l’ESC.
Les deux études permettent de conclure qu’une décision basée uniquement sur la clinique n’a aucun sens. Environ 50 % des patients ne relèvent probablement que d’un traitement médical.
Toute la difficulté consiste donc à identifier les patients nécessitant un geste d’angioplastie.
L’étendue de l’ischémie évaluée par scintigraphie ou échographie de stress reste un excellent marqueur lorsqu’il a été réalisé avant la coronarographie.
Pour les autres patients, le bon sens permet souvent de prendre une décision semblant logique : une sténose proximale très serrée d’un des trois troncs proximaux est rarement contrôlée par le traitement médical à la différence d’une sténose d’une marginale ou d’une diagonale. Mais bon sens n’est pas science…
Conclusion
Alors pour ces patients, la FFR permet très probablement une prise en charge optimale fondée sur des données objectives mais aussi, en cas de sténoses multiples de réaliser une revascularisation parfaitement ciblée sur les lésions les plus à risque.
Pour la première fois, dans FAME II, le pronostic des patients revascularisés de première intention est superposable à celui des patients du registre ayant des sténoses non hémodynamiquement significatives. La bonne technique pour le bon patient en quelque sorte…
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