publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Polémique

Publié le 30 nov 2013Lecture 8 min

Je ne tente pas la désobstruction d’une CTO, je la réalise… Les conseils du cousin canadien

S. RINFRET, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec, Québec, Canada

« Le seul dogme que j’accepte est que les dogmes n’existent pas. »  
 
CATH’LAB m’a demandé de vous transmettre mes réflexions quant aux facteurs favorables que je juge déterminants pour commencer un programme de désobstruction coronarienne de haut volume, comme celui que j’ai le plaisir de diriger à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec. Voici mes constats et impressions.  

Il faut être convaincu que la recanalisation de la CTO est la bonne chose à faire pour votre patient  En l’absence d’essai clinique ayant démontré la supériorité de la désobstruction sur le traitement médical seul chez les patients avec CTO, nous devons nous en remettre à l’évidence observationnelle. Or, nombreuses sont les études ayant démontré une amélioration de la survie chez les patients qui ont subi avec succès une désobstruction, comme le confirme une métaanalyse que nous avons publiée il y a quelques années. Ainsi, la CTO pourrait être la seule lésion (hormis l’occlusion aiguë causant l’infarctus) qui, lorsqu’elle est ouverte, est associée à une amélioration de la survie.  Mais est-il absolument nécessaire de démontrer que l’on peut sauver des vies avec la désobstruction pour la justifier cliniquement ? Rappelons-nous qu’aucun essai clinique n’a pu montrer d’avantages de l’angioplastie sur le traitement médical seul chez les patients avec maladie coronarienne stable. Ainsi, il est plutôt injuste que l’on s’attende à une amélioration de la survie pour justifier toute procédure de revascularisation chez le coronarien stable, y compris pour la désobstruction. Ironiquement, j’attends encore le premier patient qui viendra me demander en consultation de « vivre encore plus longtemps avec ses douleurs d’angine de poitrine ». Ce que les patients demandent, dans l’immense majorité des cas, c’est une amélioration de leur qualité de vie, ce que la revascularisation peut leur apporter sans aucun doute. Et pourquoi pas les pontages ? Parce que la plupart de ces patients son monotronculaires, souvent sur leur coronaire droite, ou qu’ils ont déjà subi des pontages. Plus de 50 % des patients qui subissent une révision de pontages en salle de coronarographie auront une CTO. Plus de 75 % des patients qui me sont référés sont soit monotronculaires, soit d’anciens pontés. Ces patients sont donc de mauvais candidats chirurgicaux. Cela est particulièrement vrai lorsque la mammaire est perméable, que ce sont les saphènes renversées qui sont occluses, laissant presque invariablement derrière des CTO de la circonflexe ou de la droite. Un patient qui a déjà subi des pontages, qui a souvent vécu cinq à dix ans sans angine, et qui perd ses pontages veineux, ne va probablement pas en mourir à court terme. Toutefois, les symptômes qu’il présentera vont amputer substantiellement sa qualité de vie. Aider ces patients pour qui la cardiologie interventionnelle ne pouvait offrir de traitement efficace jusqu’à tout récemment est sans contredit le volet le plus gratifiant de mon travail. Pour terminer sur ce sujet, voici une histoire clinique typique : homme de 65 ans, stents actifs il y a cinq ans sur l’IVA, fonction ventriculaire gauche normale et angor de classe 3 sous traitement médical optimal. Une scintigraphie myocardique montre une nouvelle ischémie inférieure sur plus de 20 % de la surface du ventricule, un résultat donc à très haut risque. Il subit son cathétérisme et l’on trouve que son stent sur l’IVA est perméable, mais qu’il présente une nouvelle lésion de 80 % sur la droite. Quel sera le traitement ? Bien sûr, notre patient recevra un stent actif sur la coronaire droite, avec justesse. Mais si la coronarographie montrait plutôt, en plus d’un stent perméable sur l’IVA, des collatérales vers une coronaire droite présentant une CTO ? La probabilité est forte qu’il soit orienté vers un traitement médical. Vous comprenez donc que l’anatomie de notre patient aura déterminé le traitement, non pas l’histoire ni l’ischémie. Il faut renverser ce paradigme ; l’anatomie ne devrait pas sélectionner qui doit être revascularisé, mais plutôt la stratégie à adopter pour restaurer un flux dans le territoire ischémique. Bref, il n’y a pas de place pour le doute au moment où l’on s’est lancé pour ouvrir l’artère. Être prêt à réapprendre le métier sous un nouveau jour Lorsque j’ai plongé dans le monde de la désobstruction, j’ai d’abord été renversé par la capacité de mes mentors à ouvrir des artères que je croyais fermées a` jamais. Mon premier réflexe a été de reconnaître que je ne connaissais pas bien leurs techniques, et de leur demander en toute humilité de m’enseigner leurs méthodes. Car il s’agit d’abord et avant tout de méthodes, non pas de magie. Ce sont des techniques qui sont souvent contrintuitives mais qui, au bout du compte, s’apprennent comme toutes autres techniques. En 2013, la combinaison d’approches antérogrades et rétrogrades et de techniques de dissection-réentrée antérogrades ou rétrogrades permet d’obtenir des taux de succès de plus de 90 %, avec moins de 1 % de complications majeures, notamment de tamponnades. Pour arriver à ces résultats, le volume d’activité m’apparaît crucial et l’opérateur doit être dédié et viser une pratique d’au moins 50 désobstructions par année. Il n’est pas difficile d’atteindre ce chiffre ; les patients sont là et attendent qu’on les prenne en charge. Un patient sur cinq qui subit une coronarographie et qui a une maladie coronarienne a aussi une CTO. Laisser son égo à la porte L’apprentissage de la désobstruction est parfois douloureux. Alors que l’on est habitué à faire des angioplasties avec un taux de succès qui frôle les 100 %, on se retrouve maintenant confronté à l’échec, au terme de procédures qui peuvent parfois avoir été longues et complexes. La franchise avec soi-même est de mise. Lorsqu’un échec survient, ou pire lorsqu’une complication se manifeste, il faut adresser les causes à la source dans un processus d’amélioration continue. Les cycles d’autoévaluation, de changements conséquents et de mesure des résultats doivent être courts. Il faut être ouvert et demander la critique des pairs du métier. L’échange avec les mentors demeure crucial dans le processus. Ainsi, l’opérateur pourra gagner en expérience et se retrouver plus vite dans une zone de confort. Heureusement, la simplification des interventions non CTO s'avère l’un des « effets »les plus immédiats de l’activité CTO. La CTO est un laboratoire de difficultés, souvent combinées dans une même procédure : manque de support, lésion calcifiée qui ne cède pas, lésion que l’on ne peut traverser avec le ballon… Ces situations, lorsqu’elles sont rencontrées individuellement en dehors du contexte de la CTO, deviennent donc plus faciles à résoudre. Aimer les procédures complexes et se préparer pour la victoire Au cours des quatre dernières années à travers lesquelles mes activités professionnelles se sont concentrées sur la CTO, je me suis rendu compte que les gens qui partagent ma passion sont attirés par le défi des interventions complexes. Ils ont tous en commun la capacité à rester relativement confortables dans l’inconfort ; car c’est ce qu’il faut faire, sinon on aura tendance à abandonner. C’est ainsi que la zone de confort de l’opérateur peut s’accroître. De plus, la persévérance et la détermination sont un atout. Je répète souvent que je ne tente pas une désobstruction, au même titre qu’on ne tente pas un TAVI. Je planifie et j’exécute une désobstruction comme celui qui fait un TAVI. Bien sûr avec un risque d’échec, mais il faut se placer dans un état mental gagnant. Accepter que les dogmes n’existent pas Je dis souvent en boutade que le seul dogme que j’accepte est que les dogmes n’existent pas. Trop souvent, dans notre exercice de cardiologue interventionnel, nous pratiquons selon des méthodes apprises en formation qui ne reposent pas toutes sur de fortes assises. La pensée en dehors des cadres et l’innovation technique seront au contraire des atouts précieux dans les CTO. La technique hybride de désobstruction est en constante évolution ; elle met en valeur le changement rapide de stratégies non gagnantes vers d’autres stratégies en cours de route (par exemple d’une approche rétrograde vers une approche de dissection-réentrée antérograde), en laissant place à l’innovation technique et à l’utilisation d’outils variés.  Conclusion  La désobstruction des occlusions coronaires chroniques nécessite l’apprentissage de techniques nouvelles bien plus qu’une habileté exceptionnelle, comme cela est trop souvent perçu à tort. Elle nécessite aussi de mettre en valeur notre audace sans jamais perdre notre jugement clinique. Mais surtout, elle offre un espoir à de nombreux patients qui étaient jusqu’alors condamnés aux symptômes ischémiques.   Figure 1.  A. Lésion sévère d’un greffon veineux de vingt ans sur une CD distale qui n’irrigue que la PL. B. Injection double lors de l’intervention, montrant une CTO de la CD et une de l’IVP, collatéralisée par la branche ventriculaire droite. C. Approche rétrograde via la branche marginale droite pour ouvrir l’IVP. D. IVP maintenant connectée à la droite distale. E. Nouvelle approche rétrograde via le greffon veineux pour ouvrir la CTO de la CD. F. Technique de dissection rétrograde avec guide en boucle. G. Technique de réentrée avec ballon antégrade. H. Résultat final postimplantation de stents actifs dans la droite et occlusion du greffon par des coils. Figure 2. Homme de 56 ans avec ischémie inférieure étendue (> 3 segments) à la scintigraphie myocardique d’effort. A. Occlusion chronique calcifiée de la coronaire droite moyenne avec lit d’aval étendu visualisée par injection simultanée coronaire gauche et coronaire droite. B. Passage d’un microcathéter FineCross™ par le réseau septal et franchissement rétrograde de l’occlusion de vraie lumière à vraie lumière par guide Confianza Pro 12. C. Contrôle final après stenting avec 2 stents actifs PROMUS Element 38 mm et 28 mm. Figure 3. Femme de 77 ans en angor d’effort non maîtrisé par le traitement médical. A. Occlusion chronique de la circonflexe proximale visualisée par injection simultanée coronaire droite et coronaire gauche. B. Recanalisation par voie antérograde avec mise en place d’un microcathéter CrossBoss™ sous-intimal en aval de l’occlusion. C. Retrait du microcathéter et mise en place d’un ballon Stingray qui va permettre à un guide perforant de passer dans la vraie lumière. D. Contrôle final après stenting par Promus Element 24 mm.   

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 6 sur 10