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Polémique

Publié le 15 juin 2018Lecture 5 min

L’angioplastie en 2018 : bonne ou mauvaise humeur pour l’angioplasticien ?

Raphaël ROBERT et coll.*, CHU de Dijon

Dans cette rubrique, il est demandé à un clinicien et à son équipe une « note d’humeur » sur l’actualité dans le cadre de l’angioplastie. Mais faire le point sur les avancées et les études récentes est toujours difficile. Avant votre lecture, nous souhaiterions vous rappeler la célèbre formule de Voltaire : « Chaque science, chaque étude, a son jargon inintelligible, qui semble n’être inventé que pour en défendre les approches ».

Ces derniers mois, les débats et les discussions entre cardiologues portent sur plusieurs études qui pourraient changer nos pratiques mais surtout la perception de ces dernières par nos correspondants, nos patients et/ou nos autorités. C’est le cas de l’étude ORBITA publiée dans le Lancet en janvier 2018(1)… En effet, cet essai randomisé multicentrique (5 sites d’étude au Royaume-Uni) a évalué dans l’angor stable, en aveugle, l’angioplastie par rapport à une procédure placebo avec comme critère principal de jugement la durée de l’épreuve d’effort à 6 semaines. Il faut d’abord souligner que l’étude ORBITA est en accord avec les recommandations européennes de l’ESC, les patients devant bénéficier d’une optimisation du traitement médical avant une réévaluation et la randomisation. Les conclusions de nos collègues anglais sont simples : « chez les patients présentant un angor stable symptomatique avec une sténose significative (> 70 %) avec un test fonctionnel par FFR positif, l’angioplastie par rapport au placebo n’améliore pas la capacité à l’effort ni les symptômes ». Une lecture trop rapide de ce travail majeur pourrait avoir des conséquences importantes, un certain nombre de points méritant une attention particulière. En effet, cette étude a été réalisée en Angleterre où, comme chacun le sait, les pratiques restent particulières. • L’analyse du diagramme de flux des patients inclus dans l’étude montre que 105 patients ont été inclus dans le bras angioplastie (PCI) et 1 patient n’a pas bénéficié de la procédure. En conséquence, pour ce bras, ce sont donc 105 patients inclus pour l’analyse « en intention de traiter ». En revanche, dans le bras placebo, sur les 95 patients inclus, 4 patients ont retiré leur consentement. Ainsi, c’est 91 patients qui ont été inclus dans l’analyse finale. Mais surtout, il faut remarquer que parmi les 91 patients inclus dans l’analyse finale du bras placebo, 4 d’entre eux ont bénéficié d’une angioplastie durant la procédure, en raison de complications perprocédure. • Le niveau d’exercice prérandomisation est significativement différent entre les 2 bras, respectivement 528 (178,7) pour le bras PCI versus 490,0 (195,0) secondes pour le bras placebo. • Un 2e élément majeur est que 25 % des patients étaient en classe CCS "0 ou 1"  après l’optimisation du traitement médical. • Le 3e élément que tous les cardiologues doivent connaître dans ce travail est que l’on compare souvent ORBITA à l’étude COURAGE et que seuls des patients présentant une atteinte monotronculaire ont été inclus. En conséquence, nous sommes loin de la répartition habituelle des patients présentant une cardiopathie ischémique stable ; et de plus, il faut souligner une répartition inhomogène entre les deux groupes en termes de localisation des lésions : les patients du groupe angioplastie avaient un pourcentage de lésions ostiales ou proximales plus important, respectivement 57 % versus 37 %. En revanche, les commentaires sur l’étude ORBITA ne font jamais mention que les auteurs ont réalisé une FFR postangioplastie systématique qui montre un résultat hémodynamique extrêmement satisfaisant dans la majorité des cas. Les données en fonction de la FFR postangioplastie seraient particulièrement intéressantes mais la taille de l’échantillon et le design de l’étude ne permettront pas de répondre à cette question. Enfin, après l’étude COURAGE, les recommandations de l’ESC et de l’AHA rappellent l’importance de l’optimisation du traitement médical avant et surtout après angioplastie. Ainsi, un point remarquable de l’étude ORBITA est qu’une période systématique de 6 semaines d’optimisation médicale est intégrée dans le design de l’étude. En effet, les travaux récents de Garp portant sur 23 680 patients présentant un angor stable et devant bénéficier d’une angioplastie, mettent en évidence que seulement 33,9 % des patients sont optimisés avant le geste et 50,2 % après le geste d’angioplastie. Pour l’ensemble des cliniciens, cela pose la question récurrente de la présence et surtout de la quantification de l’ischémie sous traitement médical optimal avant tout geste de revascularisation, mais également sa réévaluation postrevascularisation. Dans l’étude ORBITA, les patients présentaient tous une lésion hémodynamiquement significative, en revanche l’étendue de l’ischémie, critère majeur d’événement cardiovasculaire sur le long terme, n’est pas disponible. Lé.tude ORBITA, et ce point est remarquable, a inclus dans son design pour le bras placebo des procédures et des comptes rendus fictifs pour optimiser l’aveugle des patients. Le problème des perceptions des patients, mais aussi des médecins, est majeur. A notre connaissance, seul le travail de M.D. Rotberg publié en 2010 a testé ce point, mais sans PCI-placebo. Ainsi, pour les 88 % des patients, l’angioplastie réduit le risque de récidive d’infarctus à 5 ans et chez seulement 33 % d’entre eux, cette technique réduit les symptômes. Or, dans ce travail, 63 % des cardiologues croyaient que les bénéfices de l’angioplastie se limitaient au soulagement des symptômes. A ce jour, en France, il est clair que peu de cardiologues remettent en cause la place de l’angioplastie dans la cardiopathie ischémique stable. Néanmoins, parmi les cardiologues interventionnels, certains en exagèrent les bénéfices implicitement ou explicitement. Ainsi, chacun doit intégrer que certains experts et tutelles mettent en évidence la sur-utilisation de l’angioplastie et du stenting pour des raisons financières pour le praticien ou lesé.tablissements. La situation particulière anglaise où a été réalisée l’étude ORBITA ne peut pas être incriminée en raison de leurs contraintes médico-administratives. En revanche, dans les pays avec des systèmes de santé en transition comme en Inde ou en Chine, les patients développent une méfiance vis-à-vis des motivations des physiciens à mesure que se développent les inégalités dans les soins de santé et que certains médias révèlent des liens étroits entre les sociétés pharmaceutiques et les médecins. Les résultats des essais COURAGE et ORBITA soulignent donc la nécessité d’un nombre plus important d’essais contrôlés randomisés (ECR) pour évaluer la place de l’angioplastie dans l’angor stable afin de mieux comprendre les avantages et ne pas provoquer une utilisation généralisée de certaines procédures. Mais chacun d’entre nous devra lire le commentaire de D. L. Brown dans le Lancet sur ORBITA : « Last nail in the coffin for PCI in stable angina? »(2), « Dernier clou dans le cercueil pour l’angioplastie dans l’angor stable ? … Qui ne partage pas à l’évidence notre opinion…   *M. JEANMICHEL, A. SAGNARD, C. VERNAY, Y. COTTIN, CHU de Dijon

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