Publié le 28 fév 2013Lecture 5 min
Les résultats de l’étude FREEDOM sont-ils déjà obsolètes ?
M.-C. MORICE, ICPS, Massy, France
Quelle est la meilleure stratégie de revascularisation chez le diabétique atteint de lésions coronaires pluritronculaires ? Cette interrogation depuis longtemps en suspens a d’importantes implications cliniques chez ces patients vulnérables au pronostic sévère.
C’est pour tenter d’apporter une réponse sans ambiguïté à une question qui fait débat depuis des années qu’a été conçue l’étude FREEDOM. Il convient de féliciter sans réserve les investigateurs impliqués dans ce grand essai clinique pour leur persévérance dans la réalisation d’une étude exemplaire et de grande envergure dont les conclusions sont susceptibles de modifier la pratique quotidienne et la prise en charge du patient diabétique coronarien.
Les résultats de FREEDOM ont été présentés au dernier congrès de l’AHA et publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine(1).
Rappelons que FREEDOM est une étude randomisée multicentrique internationale conduite dans 140 centres investigateurs et dans laquelle 1 900 patients ont été inclus entre 2005 et 2010.
La population aux caractéristiques de base habituelles était constituée de patients diabétiques et porteurs de lésions pluritronculaires (2 ou 3 vaisseaux atteints), à l’exclusion de ceux avec des lésions du tronc commun, qui ont été assignés par randomisation au groupe de traitement par pontage ou par angioplastie avec stents actifs, et qui ont fait l’objet d’un suivi d’une durée moyenne de 3,8 années.
Le critère de jugement clinique primaire était un critère composite regroupant les décès toutes causes confondues avec la survenue d’un IDM et/ou d’un AVC.
Les résultats de l’étude font état d’une survenue plus fréquente des événements du critère principal dans le groupe de patients traités par angioplastie (26,6 % à 5 ans contre 18,7 % chez les patients pontés) à l’exception des AVC dont le taux à 5 ans était de 2,4 % dans le groupe angioplastie et 5,2 % dans le groupe chirurgie.
La conclusion de cette étude est donc que la chirurgie de pontage reste le traitement de référence (gold standard) pour les patients diabétiques présentant une atteinte avancée des artères coronaires.
Les limites de FREEDOM
Penchons-nous néanmoins plus avant sur cette étude et sur ses limites potentielles afin de déterminer si elle peut définitivement dicter la meilleure stratégie de traitement chez tous les diabétiques coronariens.
La méthode de recrutement des patients
Sur 32 966 patients examinés sur une période de 5 ans, 3 309 (10 %) ont été retenus pour participation à l’étude. Sur ces 10 % de patients très sélectionnés, seuls 1 900 ont finalement été randomisés. Ajoutons que parmi les patients randomisés au groupe angioplastie, 16 se sont retirés de l’étude et 43 ont été perdus de vue ; dans le groupe de patients pontés, 36 ont quitté l’étude et 51 ont été perdus de vue. On est donc là face à une population hautement sélectionnée, qui rend délicate la généralisation.
Le protocole de l’étude a été amendé à deux reprises par manque de recrutement.
Le taux final de patients inclus dans l’étude est donc très faible et inférieur à la taille de la population initialement prévue qui était de 2 400 patients. L’hypothèse statistique de l’étude n’a donc pas été respectée puisque le nombre de patients prévu n’a jamais été atteint.
En ce qui concerne les critères d’admissibilité, il faut noter que la présence de lésions dans le tronc commun constituait un critère d’exclusion, ce qui empêche d’utiliser ces résultats chez les patients multitronculaires porteurs d’une lésion du tronc commun.
Des résultats surprenants
Le score Syntax moyen des patients (26) était comparable au score des patients inclus dans SYNTAX.
La supériorité du traitement chirurgical a été confirmée dans tous les sous-groupes de patients quel que soit le score Syntax. Il est surprenant de constater que le degré du score n’a eu aucun impact sur le taux d’événements cardiaques majeurs en angioplastie, alors que dans l’étude SYNTAX, il était extrêmement discriminant, y compris dans le sous-groupe des diabétiques.
Rappelons que dans l’étude SYNTAX, aucune différence entre les deux stratégies de revascularisation n’a été relevée en termes de mortalité dans le sous-groupe des diabétiques. La supériorité de la chirurgie n’est attribuable qu’au taux de revascularisation itérative plus élevé chez les patients stentés.
Des stents de 1re génération
Enfin, les stents actifs utilisés dans l’étude FREEDOM étaient exclusivement de première génération (Cypher™ et Taxus™). Or, ces prothèses ne sont plus utilisées de nos jours.
Les stents de 2e et 3e générations à l’action beaucoup plus ciblée et plus efficace sont susceptibles d’améliorer les résultats de la revascularisation percutanée dans les sous-groupes de patients complexes tels que les diabétiques.
Conclusion
Les mérites de l’étude FREEDOM sont incontestables mais la lenteur du recrutement, la sélection excessive des patients et la comparaison de la chirurgie avec des stents qui ne sont plus utilisés aujourd’hui, diminuent grandement la portée des résultats.
Sans vouloir présumer de l’efficacité des nouvelles prothèses, on peut raisonnablement penser qu’elles permettront d’obtenir de meilleurs résultats y compris chez certains patients diabétiques.
Une réévaluation de l’efficacité comparée des deux méthodes de revascularisation avec les nouveaux outils de la cardiologie interventionnelle semblerait justifiée.
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