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Polémique

Publié le 29 fév 2012Lecture 6 min

Mon patient a un score Syntax > 33 mais le chirurgien et/ou l’anesthésiste n'en veulent pas…

G. GROLLIER, Z. DAHDOUH, CHU de Caen

Le pontage aortocoronaire (PAC) est classiquement considéré comme le traitement standard d’une sténose significative du tronc commun gauche (TCG)(1,2). Cependant, plus récemment, l'angioplastie puis le stenting du TCG non protégé sont devenus possibles avec l'amélioration du matériel, des techniques d'intervention et du traitement médicamenteux. Les stents actifs, en réduisant la grande fréquence des resténoses dans ces localisations, sont particulièrement recommandés(3,4). Le choix entre chirurgie de pontage ou angioplastie avec stent actif est actuellement orienté par l’étude SYNTAX, basée sur l’extension des lésions athéromateuses.

Il existe cependant des situations où devant des scores Syntax élevés, la chirurgie n’est pas possible soit du fait de lésions non « revascularisables » chirurgicalement (calcifications diffuses), soit du fait d’un contexte polypathologique sévère ne permettant pas la chirurgie cardiaque, voire parfois l’association des deux situations. Ces cas sont relativement fréquents chez les sujets très âgés, présentant des instabilités angineuses sévères, et qui aujourd’hui, sont de plus en plus souvent coronarographiés.  Cas clinique  Il s’agit d’un patient de 81 ans sans antécédents cardiovasculaires qui présente un angor crescendo d’apparition récente. Son ECG de repos montre un bloc de branche droit complet (BBD) avec des troubles de la repolarisation d’interprétation délicate mais en partie imputables au BBD.  L’échographie transthoracique montre une bonne fonction ventriculaire gauche.  La coronarographie réalisée par voie radiale droite révèle des lésions tritronculaires sévères : sténose serrée (80 %) et calcifiée du TCG distal (figure 1) englobant l’ostium de l’artère interventriculaire antérieure (IVA), sténose intermédiaire (50 %) et longue de l’IVA moyenne, sténose significative (70 %) de l’IVA distale, sténose serrée (90 %) de l’artère circonflexe (Cx) proximale, sténose serrée (90 %) de la seconde marginale, sténose serrée (90 %) de l’ostium de l’artère bissectrice, sténose significative (70 %) de la coronaire droite ostiale (figure 2) et sténose significative (70 %) de l’ostium de la rétroventriculaire postérieure.  À partir de ces données, le score Syntax est de 35 et l’EuroScore à 3,71. Malgré ce score Syntax, le patient est récusé chirurgicalement du fait des lésions diffuses avec un lit d’aval trop calcifié. Après discussion avec le patient et sa famille et une explication précise des risques liés au geste, une angioplastie du tronc commun distal est réalisée.  La voie d’abord est de nouveau radiale droite. La sonde porteuse utilisée est une EBU 3,5 (Launcher® cathéter guide, Medtronic) 6 F. Un guide  Rotablator® est mis en place dans l’IVA et une athérectomie rotative est effectuée (figure 3) en utilisant une fraise de 1,5 mm durant 47 secondes. Après l’athérectomie rotative (figure 4), un second guide de protection est placé dans la circonflexe (Cx) et un stent actif (Taxus® Liberté® 3,5 x 16 mm, Boston Scientific) est déployé du TCG jusqu’à l’IVA proximale (figure 5).  Le résultat angiographique de l’angioplastie et du stenting réalisés sur le TCG (figure 6) apparaît acceptable, sans anomalie de flux dans le réseau circonflexe (figures 7 et 8), il est donc décidé de stopper la procédure.    L’évolution clinique est par la suite satisfaisante et le patient sort du service au bout de 48 heures sous traitement médical avec une double antiagrégation plaquettaire préconisée pendant 12 mois. Le suivi clinique du patient met en évidence une nette amélioration clinique sans récurrence douloureuse au terme de 42 mois.   Figure 1. Sténose serrée et calcifiée du TCG distal (Medina : 1,1,1). Figure 2. Sténose significative de la coronaire droite ostiale. Figure 3. Athérectomie rotative avec une fraise de 1,5 mm. Figure 4. Résultat après l’athérectomie rotative. Figure 5. Stent actif (Taxus® Liberté® 3,5 x 16 mm) dans le TCG. Figure 6. Résultat angiographique sur le TCG. Figures 7 et 8. Résultat final avec flux normal dans le réseau circonflexe. Discussion La chirurgie reste le gold standard : score Syntax > 33 et EuroScore bas… Le registre CASS(1) a clairement montré que le PAC améliore l’espérance de vie chez les patients ayant une  maladie du TCG. Le PAC est donc longtemps resté le traitement standard pour la sténose du TCG. L’étude SYNTAX a récemment montré que chirurgie et stent actif font partie égale en termes d’événements cardiaques majeurs à 3 ans lorsque le score Syntax est inférieur à 33. Lorsqu’il dépasse 33, la chirurgie fait mieux que le stenting, du moins dans l’état actuel des choses.  Chez notre patient, le score Syntax était de 35, il s’agissait donc a priori d’une indication à la chirurgie. Mais l’équipe chirurgicale a estimé que l’intervention n’était pas une bonne option du fait des calcifications diffuses des coronaires et le stenting a donc été décidé. Dans d’autres cas, le geste chirurgical peut paraître possible mais les comorbidités conduisent à récuser l’indication. Chez ce patient, l’objectif n’était pas d’obtenir une revascularisation totale et si la circonflexe a été « protégée », l’ostium n’a pas été dilaté car le flux après l’angioplastie du tronc dirigée vers l’IVA, était normal. La stabilisation clinique de l’angor nous a donné raison. Mais la qualité du lit d’aval… Le cas de ce patient âgé, qui a une bonne indication a priori au traitement chirurgical mais qui est récusé pour des raisons de qualité de lit d’aval, n’est pas une exception. Dans notre centre, plus de 70 octogénaires ont été stentés sur le TCG sur une période de 6 ans, avec nécessité d’un debulking préalable par athérectomie rotative une fois sur cinq.  Par ailleurs, un patient peut également être récusé pour des raisons extracardiaques évaluées par certains scores chirurgicaux dont le plus utilisé est l’Euro­Score. Dans ces circonstances, l’intérêt du stenting « actif » peut se poser malgré un score Syntax élevé lorsque la clinique le requiert comme dans le cas présenté. Voie radiale chez le sujet âgé… L’angioplastie du TCG du sujet âgé est traditionnellement abordée par voie fémorale comme stratégie par défaut, car elle permet un abord vasculaire de large calibre et apporte un plus en cas de besoin d’un support hémodynamique lorsque des complications surviennent dans ces cas délicats. Mais, plusieurs raisons nous incitent à utiliser la voie radiale chez l’octogénaire : - les preuves de plus en plus nombreuses de la supériorité de l’approche transradiale dans la réduction des complications hémorragiques surtout chez le sujet âgé(5) ; - le confort du patient et l’ambulation précoce ; - l’expérience des opérateurs « radialistes » dans notre institution. Octogénaires et littérature… Les octogénaires représentent un sous-groupe de patients à haut risque pour la chirurgie mais les données objectives concernant cette catégorie de patients sont rares. Nous avons récemment rapporté notre expérience(6) du traitement par angioplastie et stenting du tronc commun chez 70 octogénaires récusés par notre équipe chirurgicale pour des raisons anatomiques (calcifications diffuses) ou anesthésiologiques (risque opératoire estimé trop élevé). Le score Syntax moyen était de 28,6 ± 8,7 et l’EuroScore à 21 ± 16,7. La mortalité intrahospitalière (tableau 1) était de 11 %, la mortalité globale de 28 % et les MACCE (tableau 2) estimés à 27,4 % sur un suivi de 27 ± 24,7 mois.  Le caractère « urgent » de la procédure était associé à un taux de mortalité globale plus important et les octogénaires de sexe masculin étaient ceux qui présentaient le plus de MACCE.    Regard vers les recommandations et perspectives… Les recommandations concernant le sujet âgé manquent pour la raison simple que ces patients sont, dans la majorité des cas, exclus des études cliniques comparant chirurgie et angioplastie. Par ailleurs, ce sujet n’est en fait pas réellement abordé bien qu’il soit fréquent aujourd’hui. Dans notre série(6), nous avons conclu que l’implantation d'un stent apparaît techniquement réalisable et relativement sûre pour le traitement des sténoses du TCG chez des octogénaires qui ont été récusés pour la chirurgie et qui représentent une population à haut risque pour l’angioplastie et les événements coronaires.  Cette angioplastie pourrait être acceptée surtout lorsque c’est la seule solution possible pour cette population spécifique avec un état clinique critique comme c’est le cas pour notre patient.   Des études plus larges sont nécessaires pour pouvoir conclure à un consensus général, et dans l’attente, ces patients continueront à être traités au cas par cas… 

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