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Training

Publié le 31 mai 2016Lecture 6 min

Prise en charge anesthésique de l'angioplastie d'une CTO

L. SALMI, Hôpital Saint Joseph, Paris

L’occlusion coronaire chronique (CTO) se définit comme l’obstruction complète d’un segment coronaire datant d’au moins 3 mois. Ces lésions relativement fréquentes ont pendant longtemps été traitées médicalement ou chirurgicalement du fait de complexité des procédures percutanées associée à de faibles taux de succès et des risques élevés de complications. Les développements récents dans les techniques d’angioplastie des CTO ont suscité un regain d’intérêt pour un traitement percutané dont l’objectif est l’amélioration de la symptomatologie et du pronostic.

Cependant, la désobstruction des occlusions coronaires chroniques est une procédure complexe et longue exposant le patient à une situation d’inconfort voire d’agitation qui peut en compromettre le succès. La prise en charge anesthésique a pour but d’assurer la réalisation de la procédure dans des conditions optimales de confort et de sécurité et doit répondre aux exigences de l’évaluation préopératoire, d’un monitorage adapté et d’une surveillance postinterventionnelle. Procédure anesthésique Consultation d’anesthésie La consultation d’anesthésie est le préalable obligatoire à la prise en charge anesthésique prenant en compte le délai médicolégal de 48 heures au moins entre la consultation et la procédure. Cette consultation a pour but d’informer le patient de l’acte anesthésique prévu, d’en évaluer le risque et de répondre à ses éventuelles interrogations. Prémédication Les règles du jeûne préopératoire recommandent la prise d’une boisson claire (eau, café noir, thé, jus de fruits sans pulpe) 2 heures avant la procédure. Ce type de liquides permet de réduire le niveau d’anxiété et accroît la sensation de confort du patient. La règle du jeûne 6 heures avant la prise en charge concerne tous les solides, lait inclus. La pertinence d’une prémédication pharmacologique systématique est clairement remise en question devant un bénéfice absent ou limité et des effets secondaires non négligeables. En effet, de nombreuses études récentes menées en préopératoire de chirurgie avec anesthésie générale ne retrouvent pas de bénéfice à administrer une prémédication par benzodiazépine (lorazépam) comparé à un groupe placebo. L’évaluation de l’anxiété par un score de type APAIS objective des niveaux de stress similaires à l’exception de certains cas très particuliers de très haut niveau d’anxiété. Au-delà de ces résultats, ces études mettent en évidence les effets secondaires des benzodiazépines tels que l’amnésie, la baisse de la qualité du sommeil qui peut persister jusqu’à 1 semaine après l’intervention et un temps plus long de récupération des fonctions cognitives. En revanche, la prise de benzodiazépines est maintenue en cas de traitement au long cours et peut être reconduite le matin de la procédure par la molécule habituelle ou une benzodiazépine de durée d’action courte telle que l’alprazolam à raison de 0,25 à 0,5 mg. Une prémédication efficace reste l’échange avec le patient dans le cadre d’une relation d’accompagnement appelée aussi « hypnose conversationnelle ». Les traitements préopératoires sont maintenus jusqu’au jour même à l’exception des diurétiques pouvant induire un besoin impérieux de vidange vésicale lors de la procédure. Les traitements par ARA2 et IEC sont temporairement arrêtés afin de ne pas potentialiser une hypo­tension lors de l’angioplastie. Technique anesthésique Avant installation, il est utile de vérifier auprès du patient la vacuité vésicale voire même de mettre en place un pistolet à urines. La sensation de globe vésical peut être source d’une agitation pouvant compromettre à l’extrême le succès de la procédure. L’installation commence par la mise en place des éléments de monitorage habituels (ECG, pression artérielle non invasive et SpO2) et la vérification du bon fonctionnement de la voie veineuse. Le patient doit être confortable sur la table d’examen et les différents points d’appui doivent être vérifiés. La technique anesthésique appropriée doit administrer une analgésie et une sédation satisfaisantes compatibles avec le maintien d’une ventilation spontanée efficace. Le patient doit pouvoir répondre aux ordres simples tout en ayant la sensation de la perte de la notion de temps. L’agent anesthésique adapté doit avoir une action rapide et rapidement réversible avec un minimum d’effets hémodynamiques. L’utilisation en continu de rémifentanil, dont le métabolisme est indépendant des fonctions hépatique et rénale, répond à ces exigences. En effet, le délai d’action est de l’ordre de 2 minutes avec une demie-vie contextuelle de l’ordre de 4 minutes. Le mode d’administration est le mode AIVOC (anesthésie intraveineuse à objectif de concentration), qui utilise une modélisation pharmacocinétique pour obtenir la concentration plasmatique souhaitée et un niveau de concentration cérébrale précis. Le rémifentanil est préparé avec une dilution de 20 microgrammes/ml. Il est administré en mode AIVOC en démarrant avec une concentration cible au site effet de 1 ng/ml et augmenté progressivementjusqu’à obtenir l’effet souhaité tout en assurant une ventilation efficace. Le branchement est réalisé au plus près du cathéter par un robinet à 3 voies et un dispositif antireflux ou idéalement un octopus afin d’éviter une administration par bolus pouvant induire une détresse respiratoire avec rigidité thoracique (figures 1 et 2). Figure 1. Le branchement du cathéter. Figure 2. Algorithme AIVOC. L’oxygénation par Capnomask® permet un monitorage de la fréquence respiratoire. L’apparition d’une bradypnée et/ou d’une hypercapnie doit faire réduire ou arrêter l’administration de rémifentanil. Ce mode d’administration permet d’obtenir une stabilité dans le temps des concentrations cérébrales en évitant les sous et surdosages observés avec des injections discontinues. Les benzodiazépines pouvant être source d’une agitation paradoxale, elles ne doivent pas être associées au rémifentanil au risque de provoquer une détresse respiratoire. Elles sont dépourvues d’effet antalgique, en particulier sur le spasme de l’artère radiale. La sédation est arrêtée en fin de procédure (figures 3 et 4). Figure 3. La fenêtre thérapeutique. Figure 4. Monitorage de la fréquence respiratoire. Surveillance postinterventionnelle En fin d’examen, le patient est transféré en salle de surveillance postinterventionnelle (SSPI), pour surveillance des fonctions vitales et prise en charge de la douleur. Un score de sortie ou score d’Aldrete autorise le retour en chambre ou en Unité de soins intensifs de cardiologie. Conclusion L’anesthésie pour angioplastie des CTO permet de réaliser la procédure dans des conditions optimales de confort et de sécurité pour le patient. Elle doit cibler l’analgésie et fait appel à des morphiniques adaptés à une procédure longue avec un minimum d’effets secondaires et d’interactions médicamenteuses. Les benzodiazépines, sauf cas très particulier, n’ont pas de place dans ce type de procédure. Elles n’ont aucun effet antalgique et peuvent provoquer des troubles cognitifs, une agitation paradoxale et des dépressions respiratoires d’origine centrale notamment chez le sujet âgé. Les opportunités qui découlent des progrès de la cardiologie interventionnelle offrent au patient la possibilité de traiter des lésions complexes sans recourir à la chirurgie. En 2012, lors de son congrès annuel, la société française d’anesthésie réanimation (SFAR) a proposé pour la première fois une session commune avec la Société Française de Cardiologie. Cette session s’est imposée du fait de la multiplication de procédures complexes en cardiologie interventionnelle destinées à des patients de plus en plus âgés, fragiles avec de nombreuses comorbidités justifiant d’une prise en charge anesthésique. La répartition des anesthésistes réanimateurs devrait s’ajuster à ces évolutions et proposer une offre adaptée à la prise en charge de certaines procédures complexes telles que l’angioplastie des occlusions coronaires chroniques.

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