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Mise au point

Publié le 15 juin 2017Lecture 7 min

Quel avenir pour le stent biorésorbable ?

Romain ANDRÉ, Didier CARRIÉ, Hôpital de Rangueil, CHU de Toulouse

Les pionniers ont toujours été confrontés à d’immenses défis nécessitant courage et persévérance pour ouvrir une nouvelle voie d’avenir. Il en va sans doute de même pour le stent biorésorbable.

Plus de 30 ans après l’implantation du premier stent coronaire et alors que cette technique est devenue le gold standard de la revascularisation myocardique, nous rêvons toujours au « stent idéal », celui qui permettra de traiter la lésion, d’éviter recoil et resténose tout en s’effaçant progressivement avec le temps, laissant la nature reprendre sa place, mieux qu’avant, avec un calibre coronaire restauré, une vasomotricité retrouvée, le tout sans compromettre la prise en charge ultérieure en cas de progression de la pathologie athéromateuse.

Cette prothèse idéale pourrait être le stent biorésorbable, une technologie pourvoyeuse d’espoirs et faisant maintenant l’objet d’études depuis plus de 10 ans. Les données dont nous disposons aujourd’hui dépassent largement le stade des études expérimentales. Des milliers de patients ont ainsi bénéficié de l’implantation d’endoprothèses coronaires biorésorbables (BVS) dans le cadre de registres ou d’études cliniques. Les résultats initiaux étaient plutôt satisfaisants en termes de faisabilité et de sécurité avec des taux d’événements cardiaques à 1 an certes supérieurs à ceux des stents actifs conventionnels (DES), mais restant statistiquement non significatifs. ABSORB II a rapporté ainsi un taux de MACE équivalent après 1 an entre le groupe BVS Absorb et le groupe DES évérolimus (7 % vs 9 % ; p = 0,47). Il existait néanmoins déjà dans cette analyse à moyen terme une tendance à un sur-risque d’infarctus et notamment de thromboses de stent dans le groupe BVS (4 % vs 1 % ; p = 0,06)(1). Quel a été le signe d’alerte ? L’année 2016 a été marquée par deux publications majeures qui ont déterminé un tournant dans la stratégie de développement du BVS. Ainsi, en janvier 2016 G.W. Stone et al. ont décelé à partir d’une analyse poolant les données des principales études disponibles comparant le BVS au DES, qu’il existe un sur-risque d’événements cardiovasculaires dès la première année, chez les patients traités par BVS(2). Ce signal préoccupant a été confirmé par la publication lors du TCT 2016, des résultats du suivi clinique à 3 ans des patients de l’étude ABSORB II. L’étude n’a pas démontré la supériorité du BVS versus le DES à l’évérolimus sur les critères primaires angiographiques de vasomotricité, mais elle a montré un sur-risque de MACE dans le groupe BVS (10 % vs 5 % ; p = 0,04) avec un taux plus important d’infarctus (8 % vs 3 % ; p = 0,029) et de thromboses de stent notamment tardives (> 365 jours)(3). De la même manière, les résultats de l ’étude nord-américaine ABSORB III à 2 ans (2 008 patients) montrent de facon significative un taux plus élevé d’échecs sur la lésion cible (target lesion failure, TLF) de 11,0 % dans le groupe BVS versus 7,9 % dans le groupe Xience (p = 0,03) et un taux d’infarctus du myocarde (IDM) lié au vaisseau cible (target-vessel myocardial infarction) de 7,3 % versus 4,9 % (p = 0,04)(4). Les différences concernant respectivement la mortalité cardiaque et la thrombose de stent ne sont pas significatives (1,1 % vs 0,6 % ; p > 0,05 et 1,9 % vs 0,8 % ; p > 0,05). Ces résultats apparemment décevants sont vraisemblablement la conséquence d’une somme de facteurs liés à la pla teforme du BVS mais également à la courbe d’apprentissage indispensable à l’adoption de toute nouvelle technologie. Réapprendre à dilater La mise au point d’une plateforme de stent complètement biorésorbable a nécessité quelques compromis en termes de délivrabilité, de force radiaire et d’hémodynamie par rapport au DES conventionnel. La technique de revascularisation a donc dû être adaptée en conséquence. Plus imposant, moins souple, le BVS possède une moins bonne délivrabilité. Les mailles plus larges et plus épaisses du BVS (BVS : 165 x 150 µm vs DES : 60 x 90 µm) impliquent une protrusion intravasculaire plus marquée pouvant favoriser les turbulences et l’activation plaquettaire, d’où l’importance d’une apposition parfaite. Enfin, la plus faible compliance et la plus grande fragilité du stent imposent une bonne préparation de la lésion, un juste sizing de la prothèse et une postdilatation sans surdimensionner le stent pour obtenir un résultat optimal. Un strict respect de ces principes a permis d’améliorer significativement les résultats du BVS. On observe ainsi 3 fois moins de thromboses de stent parmi les patients ayant bénéficié d’une technique d’implantation optimale du BVS, en respectant la stratégie dite « PSP » (Prepare the vessel-Sizing appropriately-Post-dilate)(5). Par ailleurs, il faut admettre que le BVS n’est pas aujourd’hui une endoprothèse « passe-partout », adaptée au traitement de toutes les lésions coronaires. Les caractéristiques de sa plateforme plus fragile, moins déformable n’en font pas un stent adapté à la prise en charge des bifurcations. Sa force radiale moins importante et sa faible compliance n’en font pas non plus la prothèse de choix pour le traitement des lésions ostiales et des lésions très calcifiées ou très fibrosantes(6). Enfin, de par l’épaisseur de ses mailles, il semble que les petits vaisseaux (≤ 2,5 mm) ne soient pas non plus une indication de choix au BVS. Réapprendre à gérer la durée d’antiagrégation plaquettaire Trouver le juste traitement antithrombotique a toujours été l’un des défis majeurs du développement de la cardiologie interventionnelle. L’ère du stenting n’a vraiment connu son essor qu’avec la mise au point d’une stratégie de double antiagrégation plaquettaire. Stratégie et durée d’antiagrégation qui ont par la suite été bouleversées par l’arrivée des stents actifs de première puis de seconde génération. Il est donc candide de penser que l’arrivée d’une nouvelle endoprothèse, totalement biorésorbable ne nécessiterait pas une remise en question profonde du choix du traitement et de la durée de la double antiagrégation plaquettaire. En effet, il semble que la résorption du BVS soit plus lente in vivo que ne le laissaient entrevoir les études initiales. En pratique, cette résorption plus lente pourrait expliquer une partie des thromboses tardives de BVS ce qui inciterait à prolonger la double antiagrégation plaquettaire pour une durée d’environ 24 mois(3-7). Cette stratégie est notamment soutenue par une récente analyse post-hoc des données d’ABSORB II qui révèlent que 80 % des thromboses tardives de BVS sont survenues sous monothérapie antiplaquettaire avec un sur-risque d’événements dans le mois suivant l’interruption de la double antiagrégation(8). Situation actuelle du BVS Les différents signaux d’alerte ont entraîné un retrait du marché du BVS Absorb (Abbott Vascular) en avril 2017. Le retrait n’est néanmoins pas définitif et le dispositif sera disponible à partir du mois de juin 2017, dans le cadre de registres cliniques aux sein d’établissements sélectionnés. Cette mise à disposition sous surveillance permettra la collecte systématique des données afin de répondre aux interrogations suscitées et de démontrer l’impact clinique positif des modifications des techniques d’implantation. Les résultats cliniques à 3-4 ans des études ABSORB III et IV seront déterminants pour la suite du développement du BVS. Enfin, la poursuite des études permettra d’évaluer l’impact clinique des améliorations à venir sur la plateforme du BVS. Le biorésorbable de demain Nous sommes aujourd’hui au début de l’histoire du stent biorésorbable et les prochaines années vont sans aucun doute être marquées par des améliorations significatives du design de la plateforme BVS Absorb (figure 1), mais aussi par l’arrivée sur le marché d’autres produits innovants dont le développement est aujourd’hui bien avancé et prometteur. Nous pouvons ainsi citer sans être exhaustifs(9) : • Le stent biorésorbable métallique au magnésium Magmaris (figure 2) (Biotronik) pour lequel une demande d’inscription sur la liste LPPR a récemment été examinée par la HAS suite aux résultats à 6 et 12 mois de l’étude BIOSOLVE II. • Le stent polymérique Fantom® (Reva Medical) qui a récemment bénéficié d’une acceptation du marquage CE suite aux résultats encourageants des études FANTOM (figure 3). • Le stent polymérique DESolve® (Elixir Medical) dont nous attendons les résultats du suivi clinique à moyen terme (étude DESolve® Nx).    Figure 1. Exemple de BVS. Figure 2. Stent Magmaris (Biotronik). Figure 3. Stent Fantom BRS (REVA Medical). Conclusion  Comme l’ont été le stent nu puis le stent actif en leur temps, le stent biorésorbable constitue une innovation majeure dans le domaine de la cardiologie interventionnelle. Il s’agit d’une technologie prometteuse mais encore jeune ce qui explique les difficultés de son développement face aux stents actifs de dernière génération. Nous devons donc prendre le temps nécessaire à la maîtrise de la technique, à l’amélioration des plateformes et répondre à la question de la durée idéale de la double antiagrégation plaquettaire. Les innovations technologiques passent toujours par des phases up and down avant de trouver leur véritable état de croisière. Même s’il ne le remplace pas, le stent biorésorbable constitue aujourd’hui, après évaluation au cas par cas, une alternative thérapeutique au DES conventionnel d’autant plus que le sujet est jeune, la lésion non calcifiée et le diamètre du vaisseau ≥ 2,5 mm. 

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