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Polémique

Publié le 28 fév 2014Lecture 5 min

A-t-on besoin de la chirurgie cardiaque pour réaliser des TAVI par voie fémorale ?

C. CAUSSIN, Institut Mutualiste Montsouris, Paris

Cette question, politiquement très incorrecte, mérite d’être posée. Depuis la première implantation en 2002 par Alain Cribier, la magie de cette technique n’a fait que se confirmer. Les évolutions techniques, en portant notamment sur la réduction de calibre des introducteurs, ont autorisé de façon raisonnable l’accès percutané réel, c'est-à-dire sans abord chirurgical. L’acte technique lui-même peut donc théoriquement être réalisé en totalité par un cardiologue interventionnel.

Le cadre réglementaire actuel définit les conditions d’autorisation du TAVI pour les centres désirant pratiquer des TAVI (Transcatheter Aortic Valve Implantation) : • Le centre doit être médicochirurgical, les plateaux techniques de cardiologie interventionnelle et de chirurgie cardiaque devant se trouver sur le même site en cas de conversion en urgence. • Une équipe est responsable du centre et doit être entres autres composée d’un chirurgien cardiaque ; elle a pour mission la sélection des patients selon les critères prédéfinis et le choix de la technique d’implantation (voie transfémorale ou transapicale). • Lors d’une procédure d’implantation par voie transfémorale, la présence de deux cardiologues interventionnels, d’un chirurgien cardiaque et d’un anesthésiste et la disponibilité d’un cardiologue échographiste sont requises.   Afin de permettre une diffusion optimale et sécurisée, les experts ont défini la formation préalable nécessaire : appartenir à un centre pratiquant plus de 200 remplacements valvulaires aortiques par an.   La loi, établie en 2008 et revue en 2011, est donc très claire : la chirurgie cardiaque pour la réalisation des TAVI par voie fémorale est indispensable.  Doit-on remettre en question ce dogme 5 ans après sa rédaction ? La possibilité d’une conversion en circulation extracorporelle (CEC) d’une procédure TAVI est la première justification à la présence de la chirurgie cardiaque sur site. Cet argument, rassurant pour les opérateurs (et les tutelles ?) est ambivalent. D’un côté, les patients sélectionnés pour bénéficier du TAVI doivent présenter un risque important de mortalité chirurgicale, et de l’autre, en cas de complication sévère, souvent avec un état hémodynamique précaire, on impose un recours à la chirurgie. Les chances de succès sont minces : si le patient survit, avait-il été bien sélectionné ? Les auteurs du registre allemand se sont intéressés à cette question. Sur 1 975 patients implantés entre 2009 et 2011, 24 conversions en CEC ont été réalisées (1,2 %). Les conversions chirurgicales ont été plus fréquentes par voie apicale (2,4 %) que par voie fémorale (1,0 %). Elles sont dues le plus souvent à des traumatismes aortoannulaires (30 %), suivis par des perforations myocardiques du VD ou du VG, des embolisations de prothèses, des obstructions coronaires ou des insuffisances aortiques aiguës. La mortalité à 30 jours après conversion en CEC était de 46 % et plus favorable lorsque la conversion était effectuée dans une salle hybride. Les auteurs insistent sur l’importance de la présence d’une équipe chirurgicale et sur de meilleures identification et prévention des situations à risque de conversion. La possibilité de mettre en place une assistance cardiaque de type ECMO sur une défaillance hémodynamique doit aussi être discutée. Si en France cette attitude n’est quasiment pas pratiquée, aux États-Unis, elle est obligatoire. L’obstruction d’une artère coronaire au cours de l’implantation de l’endoprothèse est une complication rare (1 %). Le mécanisme le plus fréquent est la bascule de la valve native devant l’ostium coronaire. L’identification des patients à risque, c’est-à-dire, ayant une implantation coronaire proche du plan de l’anneau, avec des sinus de Valsalva étroits et un épaississement calcaire de la valve est primordiale. La prévention et le traitement endocoronaire garantissent les meilleures chances de succès. Le recours à la CEC peut néanmoins être nécessaire. À côté des complications nécessitant une CEC et donc une chirurgie cardiaque sur place, d’autres complications peuvent être traitées par la présence d’un chirurgien vasculaire moins spécialisé sans CEC. Ces complications sont fréquentes, estimées selon les séries entre 5 et 25 %. À noter cependant que la très grande majorité des complications (dissection ou perforation de l’artère fémorale, échec de fermeture percutanée) sont traitées par voie endovasculaire de façon assez routinière par l’implantation d’un stent qu’il soit couvert ou non. Ces gestes d’implantations de stents par la technique du cross-over doivent être parfaitement maîtrisés par les cardiologues implanteurs, car ils doivent être effectués le plus souvent dans un contexte d’urgence. Un accident vasculaire cérébral (AVC) peut survenir au cours d’une procédure TAVI. La fréquence avec une expression clinique varie de 2 à 3 %. Le mécanisme est embolique, soit à partir de débris valvulaires ou aortiques, ou thrombotique à partir des cathéters. Dans ce contexte, la chirurgie cardiaque n’apporte aucune aide, en revanche la maîtrise des techniques neurovasculaires avec la possibilité d’utiliser une fibrinolyse in situ ou une thrombectomie mécanique peut limiter les conséquences cliniques de l’accident neurologique. Le nombre de procédures TAVI minimal recommandé par la HAS pour obtenir l’autorisation d’activité est de 24. En comparaison, il a été recommandé plus de 350 procédures coronaires annuelles pour obtenir l’aval de la HAS pour effectuer cette activité. L’argument avancé de l’expérience et de l’entraînement des équipes, pour garantir la sécurité des patients n’est plus discuté pour l’angioplastie coronaire. Le nombre de procédures TAVI réalisé en 2013 (3 707 sur 47 centres en France) comparativement à celui des angioplasties coronaires (autour de 120 000), parle de lui-même. Le nombre de procédures TAVI par centre ne sera jamais aussi élévé que celui des angioplasties coronaires. Néanmoins, le TAVI est une procédure à la fois plus complexe, avec un taux de complications beaucoup plus élevé que l’angioplastie coronaire, et l’identification rapide et la gestion des complications nécessitent une bonne maîtrise technique de la cardiologie interventionnelle, mais aussi vasculaire périphérique, voire neurovasculaire.   Dans ce contexte, le chiffre de 24 procédures par an et par équipe est probablement trop faible, pour une bonne maîtrise du geste et une gestion optimale des complications. Ainsi, l’ouverture de centres ne disposant pas de plateau de chirurgie cardiaque diluerait encore l’activité et réduirait le nombre de procédures par centre, mettant en danger la sécurité des soins. En revanche, il est constaté que les cas traités dans des centres débutants avec un proctor ont des résultats comparables à ceux traités dans des centres expérimentés. Ainsi, l’accueil d’opérateurs, dans des centres de haut volume doit probablement être encouragé pour diffuser au mieux la technique, dans des conditions de sécurité optimale.    Figure. Complication vasculaire sous forme d’une petite brèche iliaque externe droite (flèche). Le traitement consiste en l’implantation d’une endoprothèse, la difficulté étant de ne pas passer à côté d’une image très discrète. Conclusion Si l’on doit répondre à la question provocatrice : « A-t-on besoin de la chirurgie cardiaque pour la réalisation des TAVI par voie fémorale ? », la réponse est : - certainement, pour sauver les rares patients avec rupture d’anneau, - mais plus encore, pour maintenir dans les centres un volume d’activité proche des volumes habituels de cardiologie interventionnelle, pour garantir la technicité des opérateurs et la qualité des soins. 

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