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Cas clinique

Publié le 31 mai 2014Lecture 6 min

Yes we can !

A. FOURNIERa, J. NADERb, B. DOUAYc, J. LECLERCd , E. ZOGHEIBe a. Unité de soins intensifs de cardiologie, CHU d’Amiens b. Chirurgie cardiaque, CHU d’Amiens c. SAMU 80, CHU d’Amiens d. SMUR de Montdidier e. Service de réanimation chirurgicale, CHU d’Amiens

Nous rapportons ici le cas d’un patient présentant un arrêt cardiaque réfractaire extrahospitalier ayant survécu après un infarctus du myocarde. 

M. P. a 57 ans et consulte son médecin traitant pour une douleur thoracique discontinue ayant débuté à 7 h 00 du matin. Ses facteurs de risque cardiovasculaires sont marqués par un tabagisme sevré. Son seul antécédent est une sclérose en plaques diagnostiquée en 1988 et dont la dernière poussée date de 1999. À l’arrivée du SMUR au cabinet du médecin à 11 h 15, l’ECG retrouve une onde de Pardee en D2 D3 Avf et en V3r V4r avec miroir latéral en faveur d’un infarctus inférieur avec extension au ventricule droit en cours de constitution. Le patient reçoit 2 comprimés de ticagrélor, 250 mg d’Aspégic® IV, du Lovenox® 0,3 mg IV et 0,6 mg SC ainsi que 2 mg de morphine. Il est adressé à la clinique. Pendant le transport médicalisé, le patient présente un arrêt cardiorespiratoire (ACR) sur asystolie à 12 h 20 nécessitant un massage cardiaque externe (MCE), de l’adrénaline 1 mg x 12 en intraveineux et une intubation. Devant l’absence de retour à une activité circulatoire, la régulation du Samu oriente le patient vers le CHU. Le coronarographiste d’astreinte prévient l’équipe d’assistance circulatoire. En salle de coronarographie À l’arrivée en salle de coronarographie à 12 h 50, le patient est toujours massé par le médecin du SMUR (pas de planche à masser), l’activité électrique retrouve une fibrillation ventriculaire à petite maille pour lequel il reçoit immédiatement plusieurs chocs électriques (CEE) à 150 puis 200 joules (10 CEE au total). Entre les chocs, le patient récupère un rythme puis repasse en FV malgré 300 mg d’amiodarone IV, 80 mg de xylocaïne IV et du bicarbonate 42/0000. L’échographie cardiaque retrouve des ventricules gauche et droit dilatés akinétiques sans activité circulatoire, et le péricarde est sec. Le patient est installé sur la table de coronarographie avec un no flow de 0 min et un low flow de 40 min. Vu le timing, l’âge du patient, l’absence de comorbidités et l’absence de no flow, on décide la mise en place d’une ECMO. Un cathéter veineux 24 F est mis en place par voie chirurgicale en fémoral gauche et un cathéter artériel 15 F dans l’artère fémorale puis iliaque gauche. Dans le même temps, des désilets artériel fémoral 6 F et veineux 6 F sont mis en place en fémoral droit. Le patient continue à être massé par l’anesthésiste pendant la canulation. À 13 h 20, l’ECMO est en place et assure un débit cardiaque à 2 l puis progressivement 6 l à 13 h 50. Le low flow total est de 60 min. La coronarographie retrouve une sténose thrombotique serrée à 90 % de la CD proximale et une 2e sténose du 2e coude à 50- 70 % avec un flux TIMI 2 (figure A à D). La lésion est franchie par un guide PILOT 0,14 à 13 h 40. On réalise un direct stenting de la coronaire droite proximale avec un stent nu court PRO-Kinetic 3 x 15 mm avec un résultat satisfaisant et un flux TIMI 3. Vu les conditions hémodynamiques, on décide de ne pas traiter le 2e coude. Le réseau coronaire gauche ne présente pas de sténose significative. Le point ponction est fermé par un Perclose ProGlyde.   J0, sténose préoclusive de la coronaire droite. À 4 mois, resténose intrastent et sténose serrée CD2. Résultat après angioplastie avec un stent à l’évérolimus (XCIENCE 3,5 x 38 mm). L’angiographie du ventricule gauche montre une récupération complète de la contractilité de la paroi inférieure (FEVG à 65 %). Figure. La coronarographie montre une sténose thrombotique serrée à 90 % de la coronaire droite proximale et une 2e sténose du 2e coude à 50-70 % (flux TIMI 2). À 14 h 04, le rythme sous-jacent est toujours en FV et on réalise un dernier CEE à 150 J qui permettra le retour d’un rythme sinusal à 50 bpm. Les gaz du sang prélevés à l’entrée retrouvent une acidose métabolique majeure (tableau). Le patient bénéficie d’un protocole d’hypothermie externe à 33° pour 24 h.   Évolution L’évolution en réanimation chirurgicale est marquée par une débâcle diarrhéique avec rectorragie abondante à H+10. La fibroscopie œso-gastroduodénale (FOGD) retrouve une ulcération nécrotique de plus de 75 % de l’estomac et des ulcérations du bulbe. La coloscopie retrouve une colite ischémique de stade 2. D’un point de vue hémodynamique, l’évolution est curieusement bonne avec une PAM à 80 mmHg sous dobutamine 10 gamma et noradrénaline, une reprise de la diurèse et une normalisation des lactates dès H+8 ! Au niveau cardiaque, les échocardiographies itératives retrouvent une amélioration de la fonction contractile du VG, passant de 10 à 35 % et permettant de diminuer les débits de l’ECMO. Les sédations sont arrêtées et le patient a un réveil adapté. Les suites sont extrêmement simples et spectaculaires. L’assistance circulatoire est retirée à J2 et les catécholamines sont sevrées le même jour. La FOGD réalisée à J2 ne retrouve plus qu’une ulcération de 5 % de l’estomac. Le patient est extubé à J4 avec reprise d’un transit à J7, sortie de réanimation chirurgicale à J7, sortie d’Usic à J19 sans séquelle neurologique (pic de troponine 47 pg/ml, petite onde Q inférieure et FEVG à 50 % avec akinésie inférieure). Le patient rentre chez lui le 20 décembre 2013 pour un Noël en famille. Il fait un séjour en réadaptation cardiaque avec un test d'effort de sortie négatif cliniquement et électriquement sous-maximal à 75 % de la FMT (8 min, 50,9 METS). Les suites À 4 mois, le patient se représente dans notre unité de douleur thoracique (UDT) pour une douleur thoracique atypique de durée brève et une asthénie à l’effort qui l’ont conduit à écourter son séjour à la montagne ! Le test d’effort maquillé est négatif cliniquement et positif électriquement à 9 min avec un sous-décalage de 1 mm puis un staging jusqu’à 4 min de récupération. Le contrôle coronarographique réalisé à ce moment par voie radiale droite retrouve une resténose focale significative à 50-60 % intrastent et une évolution de la sténose du 2e coude de la coronaire droite. Un stent actif XCIENCE 3,5 x 38 mm couvrant les 2 lésions est mis en place avec un bon résultat final. L’angiographie ventriculaire gauche retrouve une FEVG à 65 % sans trouble de cinétique notamment en inférieur. Dans notre petite expérience, (12 ECMO sur ACR réfractaires depuis 2 ans), il s’agit du premier patient ressuscité d’un ACR réfractaire extrahospitalier postinfarctus ayant survécu sans séquelle neurologique ni cardiologique. Dans la littérature, 2 cas ont été rapportés récemment, mais il s’agissait d’ACR réfractaires intrahospitaliers(1,2). Si l’efficacité de l’ECMO dans le choc cardiogénique a déjà été démontrée dans le passé(3), et dans l’arrêt cardiaque intrahospitalier(4), sa place dans l’arrêt cardiaque extrahospitalier reste toujours débattue tant les résultats sont mauvais en dehors de cas rares d’intoxications médicamenteuses et de noyade. La sélection des patients reste difficile est doit faire l’objet de consensus nationaux et de consensus internes.   Conclusion On retiendra dans ce cas clinique que le MCE réalisé par des professionnels a été continu et efficace sans avoir eu les effets délétères assez fréquents que nous avons pu observer comme d’autres confrères avec la planche à masser (pas d’acidose respiratoire sévère ni de contusion pulmonaire, etc.) et que l’appel direct du cardiologue interventionnel par le régulateur a permis de mettre en place une équipe dédiée dès l’arrivée du patient et d’optimiser le timing. La mise en place des canules a été faite par voie chirurgicale cette fois-ci, le chirurgien étant sur place à l’arrivée du Samu, mais il vrai que depuis ce cas, nous avons été amenés 3 fois à les poser par voie percutanée sans difficulté ni perte de temps comme l’a déjà montré notre confrère le Dr Belle à Annecy(5).  La mise en place de l’ECMO en cas de suspicion de SCA doit être faite en salle de cathétérisme et non au bloc opératoire, ce qui permet de s’assurer du placement des canules grâce à la scopie, de ne pas perdre de temps pour la coronarographie et aussi de guider le chirurgien ou l’angioplasticien dans le cathétérisme de l’artère fémorale superficielle pour la revascularisation du membre inférieur. Nous espérons que ce patient sera le premier d’une longue série ! 

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