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Thérapeutique

Publié le 21 juil 2013Lecture 5 min

Digoxine, quelles indications ?

J.-P. ÉMERIAU, Pessac

Les digitaliques comptent parmi les médicaments les plus anciens qui sont utilisés actuellement. Si la digitoxine a disparu, la digoxine reste encore largement prescrite dans l’insuffisance cardiaque, avec plus de 20 % de malades traités, et la fibrillation atriale. 

Ces prescriptions reposent sur deux modes d’action différents sur le plan pharmacologique avec des propriétés inotrope positive (tonicardiaque) et dromotrope négative (bradycardisante). L’action tonicardiaque est liée à la stimulation des pompes (Na-K ATPase) de la membrane cellulaire des myocytes qui augmentent le calcium intracellulaire sous l’effet de la digoxine. Mais cet effet inotrope positif n’est observé que pour des posologies proches de la toxicité ! Le deuxième mécanisme d’action est une augmentation du tonus vagal par inhibition du tonus sympathique. Cet effet se traduit par un ralentissement de la fréquence cardiaque (FC) mais aussi de la conduction, avec un risque de bloc auriculo-ventriculaire. Un deuxième effet indésirable est représenté par une hyperexcitabilité ventriculaire (bathmotrope +). Compte tenu de ces propriétés pharmacologiques, que reste-t-il actuellement des indications de la digoxine ?   Insuffisance cardiaque    Depuis longtemps et plus particulièrement depuis l’introduction des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et des bêtabloquants, la question des résultats objectifs de la digoxine s’est posée. En 1997, les résultats de l’étude DIG ont apporté une réponse précise : 6 800 malades, qui présentaient une IC systolique (25 % âgés ≥ 70 ans) et qui étaient traités par diurétiques et IEC, ont été randomisés en deux groupes recevant soit de la digoxine soit un placebo. Après 3 ans, la mortalité totale était de 35 % et strictement identique dans les deux groupes. Le seul élément faiblement positif en faveur de la digoxine était une réduction de 6 % des réhospitalisations. En 2003, une nouvelle analyse de DIG a fait apparaître une surmortalité pour les malades dont la digoxinémie était > 1 ng/ml (figure). Pour toutes ces raisons, la place de la digoxine dans le traitement de l’IC systolique s’est progressivement réduite. Et dans les recommandations de la Société européenne de cardiologie en 2012, elle n’apparaît plus qu’en dernière intention quand toutes les autres possibilités thérapeutiques se sont révélées insuffisantes. L’effet inotrope + n’est plus envisagé du fait que la digoxinémie ne doit pas dépasser 1 ng/ml. Quant à l’effet bradycardisant, les bêtabloquants dans tous les cas et l’ivabradine pour les malades en rythme sinusal font aussi bien mais à moindre risque !  Dans l’IC à fonction systolique préservée (FEVG ≥ 45 %), la digoxine n’a aucune indication.    Figure. Digoxinémie et mortalité. Fibrillation atriale    Chez les malades âgés en fibrillation atriale (FA), il est important de ralentir la FC pour augmenter le remplissage ventriculaire pendant la diastole et améliorer ainsi le débit cardiaque. Mais, si la digoxine avait une place privilégiée dans cette indication, la situation n’est plus la même aujourd’hui pour plusieurs raisons.    • Premier point, chez les malades en FA, un traitement par digoxine ne doit être envisagé que si la fréquence cardiaque est accélérée (≥ 85-90/min) au repos.  • Deuxième point, il existe d’autres traitements efficaces et souvent plus adaptés. Ainsi, les bêtabloquants β1 sélectifs ont un double intérêt en cas de FA associée à une insuffisance cardiaque (IC). Sur ce sujet, il faut signaler la capacité des bêtabloquants à ralentir la fréquence cardiaque au repos et à l’effort ; ce qui n’est pas le cas de la digoxine et ce, d’autant plus que la posologie de bêtabloquant sera adaptée progressivement à la situation clinique. Autre solution, deux inhibiteurs calciques, l’isoptine et le tildiem, dont le pouvoir bradycardisant est identique à celui de la digoxine, sont aussi des antihypertenseurs efficaces. Mais, ces deux molécules sont contre-indiquées en cas d’IC associée à la FA. Dernière possibilité, l’amiodarone peut être discutée. Mais la fréquence des effets indésirables, en particulier thyroïdiens, représente une contre-indication pour ce traitement lorsqu’il est prescrit comme bradycardisant. Enfin, chez les malades en FA, l’ivabradine n’a aucune efficacité et, par conséquent, aucune indication. En revanche, chez les malades qui ont été en FA et chez lesquels un rythme sinusal a été rétabli et se maintient, la digoxine augmente la mortalité (RR : 1,42, étude AFFIRM) et, par conséquent, ne doit pas être prescrite dans ce cas.   Au total, que reste-t- il actuellement comme indication pour la digoxine ?    Une seule pour l’IC aiguë du type œdème aigu du poumon avec une FA rapide. L’objectif est de ralentir le plus rapidement possible la FC, alors qu’en dehors de la digoxine, toutes les autres solutions thérapeutiques sont contre-indiquées. La digoxine est administrée en intraveineux à raison d’une ampoule à 0,5 mg. Le lendemain, un relai per os est pris avec une posologie de 0,25 mg/j qui sera réduite en cas de petite taille (poids < 60 kg) et d’altération de la fonction rénale (clairance ≤ 30 ml/min). Mais dès que la situation hémodynamique est stabilisée, la digoxine doit être remplacée par un bêtabloquant cardiosélectif. Pour terminer, il faut rappeler que la digoxine est au 5e rang pour la fréquence de survenue des accidents iatrogènes en France, ce qui montre bien qu’elle est encore trop largement prescrite.   "Publié dans Gérontologie Pratique"

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