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Cardiologie générale

Publié le 08 sep 2013Lecture 5 min

Prise en charge en cardiologie interventionnelle des patients sous anticoagulants oraux

G. RIOUFOL, Service de cardiologie interventionnelle, Hospices civils de Lyon

La réalisation d’un acte de cardiologie interventionnelle (CI) chez un patient sous traitement anticoagulant oral (ACO), non rare en pratique quotidienne, est une situation clinique à risque élevé de complications. Il est nécessaire de l’avoir anticipée et d’avoir mis en place les protocoles de traitement et de surveillance clinique pour limiter ses risques.

Quel pourcentage de patients sous ACO dans le cathlab ?   En pratique quotidienne, au moins 5 % des patients arrivant dans le catlab sont sous ACO, particulièrement en situation urgente. Dans un registre contemporain de plus de 80 000 SCA, plus de 7 % des patients auront une prescription associant AVK et antiagrégants plaquettaires(1), et dans l’étude HORIZON-AMI, près de 4 % des patients auront une trithérapie anticoagulante (AVK + bithérapie antiagrégante)(2).   Indications des ACO en CI   En cas de situation clinique stable, les ACO sont prescrits près de 2 fois sur 3 pour des arythmies supraventriculaires(3,4), dans 10 % des cas pour prothèse valvulaire mécanique et dans environ 10 % pour une pathologie thromboembolique. En situation de SCA, les arythmies représentent un tiers des situations, et les prothèses mécaniques ont une proportion stable ; s’y surajoutent des indications propres au SCA : anévrysme, FEVG basse ou thrombus intraventriculaire gauche(1,2).   Procédure de CI et traitement ACO   Sauf situation clinique individuelle où le risque thrombotique est considéré comme particulièrement faible, il est classiquement recommandé de stopper les ACO avant la procédure et d’effectuer un relais par héparine ou HBPM(5). Néanmoins la poursuite du traitement ACO semble une option de plus en plus séduisante, susceptible de diminuer les complications au point de ponction (5 % versus 11 %)(6). 
Chez un patient sous ACO, le choix de la voie d’abord est fondamental, et la voie radiale doit être privilégiée(5), le risque de complication étant multiplié par 3 à 10 avec l’accès fémoral(3,6). Dans un registre danois de plus de 40 000 patients évaluant les accidents hémorragiques après IDM, une réhospitalisation pour traitement d’un pseudo-anévrysme fémoral (2 % des cas) représentait un tiers de tous les décès d’origine hémorragique, donc autant que les hémorragies cérébrales(7). 
 En dehors des complications hémorragiques au point de ponction, les accidents hémorragiques sous trithérapie sont d’origine gastro-intestinale dans 30 à 40 % des cas(4,7) justifiant d’un traitement systématique par inhibiteur de la pompe à protons(5,8). Dans 23 % des cas, un syndrome anémique sans extériorisation est retrouvé. 
 En cas de complication hémorragique sous trithérapie, le risque d’arrêt prématuré des AVK est estimé à 14 %(2). 
L’anticoagulation perprocédure dépendra de l’existence ou non d’un relais ou d’une fenêtre des ACO, avec un protocole proche de celui appliqué pour les patients sans ACO dès que l’INR est < 2. Il n’y a pas encore de recommandation claire en cas de maintien des ACO, que ce soit avec les héparines, le fondaparinux ou la bivalirudine.   Endoprothèse coronaire, traitement antiagrégant plaquettaire et traitement ACO   L’emploi quasi systématique d’une endoprothèse coronaire impose classiquement une bithérapie antiagrégante pour limiter le risque de thrombose de stent. L’association AVK-aspirine n’ayant pas prouvé par le passé la baisse de ce risque(9), une trithérapie AVK-aspirine-clopidogrel est recommandée pendant la période à risque. Celle-ci est évaluée entre 2 et 4 semaines avec un stent nu et entre 3 et 6 mois avec un stent actif, puis généralement les antiagrégants sont stoppés 5,8). 
 La prescription d’une trithérapie est associée à un risque hémorragique multiplié par 2 à 4 par rapport au traitement AVK seul(2,3,7,10) (figure) avec 1 événement hémorragique pour seulement 12 patients à traiter(7). Sous trithérapie, le risque hémorragique annuel est estimé à 16% environ(10). L’emploi d’un stent nu est donc en général recommandé(5,8) afin de diminuer la durée de la trithérapie, donc la période de haut risque hémorragique. 
Chez près de 600 patients avec FA (score CHA2DS2-VASc > 1) et implantation d’une endoprothèse coronaire, il a récemment été montré que 70 % de la population a un risque hémorragique élevé avec un score HAS-BLED ≥ 3(11). 
 Au-delà de la trithérapie, il est important de reconnaître les situations ou les patients à risque particulièrement élevé de saignement afin de stratifier la stratégie interventionnelle : INR d’entrée élevé, utilisation d’anti-GPIIb/IIIa, lésions coronaires pluritronculaires, âge > 75 ans, sexe féminin, tabagisme et insuffisance rénale(5). 
Les seules informations disponibles concernent le clopidogrel, les nouveaux antiagrégants, comme le prasugrel ou le ticagrelor, n’ayant pas encore été étudiés significativement en coprescription avec les AVK.   Figure. Quelle place pour les nouvelles stratégies ?   Le haut risque hémorragique observé avec l’association ACO et endoprothèse coronaire (ou SCA) conduit actuellement à l’évaluation de nouvelles stratégies. 
 L’utilisation d’un ballon actif pourrait être une option par rapport à un stenting systématique. 
 Des modifications du protocole d’anticoagulation sont aussi à l’étude soit en changeant le régime antiagrégant, soit en utilisant de nouveaux anticoagulants oraux. 
Très récemment, l’étude WOEST a testé l’association AVK + clopidogrel seul par rapport à une trithérapie chez 573 patients sous AVK avec implantation d’un stent (deux tiers de stents actifs). Sous bithérapie, après un an de suivi, le risque hémorragique ainsi que la mortalité totale ont été divisés par plus de 2 (respectivement OR : 0,36, IC [0,26-0,50] et OR : 0,42, IC [0,23-0,76])(4). Le taux de thrombose de stent n’a pas été différent entre les groupes, mais le nombre de sujets étudiés ne permet pas de conclure et mérite de rester prudent. 
 L’émergence des nouveaux ACO, anti-Xa et anti-IIa, du fait de leur risque hémorragique moindre par rapport aux AVK, fait réfléchir à leur utilisation chez les patients en FA ayant besoin d’un stent. Ils représentent deux tiers des cas. Des données indirectes et préliminaires ont été récemment publiées avec le dabigatran(12). Elles suggèrent que le risque hémorragique global sous 110 mg de dabigatran plus une bithérapie antiagrégante diminue de 20 % environ par rapport à une trithérapie avec des AVK, mais que le risque reste environ 2 fois supérieur à celui de l’association à une monothérapie antiagrégante (OR : 2,31, IC [1,71-2,98]). Les études évaluant anti-Xa ou anti-IIa dans les SCA n’évaluent pas les posologies retenues pour la FA et ne sont donc pas directement transposables à la situation qui nous concerne. Néanmoins, une méta-analyse suggère que l’adjonction d’un nouvel anticoagulant oral (NACO) à une bithérapie antiagrégante multiplie par 3 le risque hémorragique par rapport à une bithérapie antiagrégante seule(13). 
 D’autres études sont en cours de recrutement : 
- ISAR-TRIPLE, évaluant une trithérapie de 6 semaines par rapport à 6 mois après implantation de stent actif ; 
 - MUSICA-2 évaluant chez des patients en FA à risque modéré (score CHADS2 ≤ 2) l’intérêt d’une bithérapie antiagrégante seule par rapport à une trithérapie ; 
 - et PIONEER AF-PCI testant le rivaroxaban avec une mono- ou une bithérapie antiagrégante contre une trithérapie avec AVK.   En conclusion   En cardiologie interventionnelle, un patient sous traitement anticoagulant oral présente un sur-risque hémorragique important qu’il est indispensable d’évaluer en amont, afin d’adapter les stratégies interventionnelles. Celles-ci sont essentiellement basées actuellement sur une voie d’abord radiale, l’emploi d’un stent nu et d’une trithérapie AVK plus double antiagrégation plaquettaire pendant un mois. Le niveau de preuve de ces recommandations reste néanmoins encore faible et basé essentiellement sur des consensus (niveau de preuve C). 
 Des stratégies dédiées sont en cours d’évaluation que ce soit par l’emploi de NACO ou par des durées plus courtes de bithérapie antiagrégante.

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