publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

HTA

Publié le 11 nov 2013Lecture 9 min

Variabilité tensionnelle du sujet âgé : qu'en penser ? Que faire en pratique ?

J. AMAR, Pôle cardiovasculaire et métabolique, CHU, Toulouse

L’hypertension artérielle (HTA) du sujet âgé est caractérisée par une élévation prédominante de la pression systolique, une variabilité importante responsable d’un effet blouse blanche fréquent et important, une prévalence élevée de l’hypotension orthostatique (25% des patients après 85 ans) et un bénéfice certain, malgré un risque accru, du traitement antihypertenseur.

Physiopathologie   La pression artérielle est, de façon physiologique, susceptible de varier considérablement en quelques secondes. Cette variabilité est indispensable pour répondre aux contraintes extérieures. De nombreux systèmes concourent à cette capacité d’adaptation à court terme, notamment le système nerveux autonome  via son impact sur les structures vasculaires. Avec l’avancée en âge, cette variabilité tensionnelle s’accroît en réponse au stress et parfois de façon plus erratique. Le vieillissement vasculaire y contribue. L’augmentation de la rigidité aortique liée au vieillissement réduit les capacités d’amortissement de l’aorte, ce qui rend la pression artérielle plus dépendante des variations du débit cardiaque. L’altération des barorécepteurs, facilitée par l’athérome, la sclérose et la calcinose aortique et carotidienne, accroît encore cette variabilité et représente une source d’hypotension orthostatique.   Conséquences   Effet blouse blanche Cette variabilité accrue entraîne une majoration de l’amplitude et de la fréquence de l’effet blouse blanche. Ainsi, l’étude PAMELA(1) a montré que la différence entre la pression artérielle de consultation et la pression artérielle ambulatoire augmente avec l’âge. Or, une analyse post-hoc de l’étude SYST-EUR(2), conduite chez des patients âgés présentant une hypertension systolique pure, a mis en évidence que les sujets ayant une hypertension isolée de consultation ne bénéficiaient pas du traitement antihypertenseur. Renforçant ce message, l’étude SHEAF(3) conduite chez l’hypertendu a observé qu’à pression artérielle de consultation égale, le pronostic cardiovasculaire était prédit par les données de l’automesure sans signification péjorative d’une hypertension isolée de consultation. La variabilité exagérée de la pression artérielle du patient âgé est donc associée à une fréquence et à une amplitude accrues de l’effet blouse blanche. Sa méconnaissance expose le patient à un traitement sans bénéfice démontré à attendre.   Les recommandations françaises sur la prise en charge de l’hypertension artérielle de 2005(4) ont pris en compte ces données. Elles stipulent que chez le sujet âgé en particulier, il faut recourir à l’automesure ou à la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) pour valider le diagnostic d’hypertension et envisager un traitement.   Hypotension orthostatique L’altération des barorécepteurs, l’augmentation avec l’âge de la prévalence de maladies, telles que le diabète ou les maladies neurodégénératives, et la polymédication entraînent une augmentation de la prévalence de l’hypotension orthostatique. Ainsi, après 85 ans, un quart des sujets ont une hypotension orthostatique et 5% sont symptomatiques.   Conséquences pronostiques La valeur pronostique de la variabilité tensionnelle telle qu’elle peut être évaluée au cours d’une mesure ambulatoire de la pression artérielle sur 24 heures est connue de longue date. De plus, il a récemment été rapporté celle d’une augmentation de la variabilité de la pression artérielle inter-consultations(5). La portée pratique de telles observations est faible. Il n’y a actuellement aucun niveau de preuve solide fondé sur des essais randomisés suggérant qu’il est possible et pertinent de tenter de réduire cette variabilité inhérente au vieillissement des structures vasculaires et cérébrales.   Que faire en pratique ?   Il faut installer ou modifier le traitement antihypertenseur sur la base d’une MAPA ou d’une automesure bien conduite Il faut avant d’établir ou de modifier un traitement antihypertenseur disposer de données d’automesure de la pression artérielle ou d’une mesure ambulatoire de la pression artérielle.   Dans cette situation, plus qu’ailleurs, il faut mettre en garde le patient contre un usage anarchique de l’automesure. Dans ce contexte de grande variabilité, un usage intempestif de l’automesure est source d’inquiétude, éventuellement d’automédication et de iatrogénie. Il faut l’expliquer au patient et proposer un protocole standardisé fondé sur la règle des 3 : 3 mesures le matin avant la prise des médicaments au petit déjeuner en position assise, au repos et au calme, 3 mesures le soir, 3 jours de suite à l’aide d’un appareil validé de préférence huméral(6).   Il ne faut pas tenter d’écrêter cette variabilité Il est vain et probablement dangereux de tenter d’écrêter les hausses de pression artérielle observées par le patient dans le cadre d’une automesure anarchique ou sur des données de MAPA. Il faut agir sur la charge globale de la pression artérielle sur 24 heures pour réduire de : - 40% le risque d’accident vasculaire cérébral ; - 30% le risque d’infarctus du myocarde ; - 60% le risque d’insuffisance cardiaque ; - 20% le risque de démence.   Il faut rappeler qu’après 80 ans, les cibles de pression artérielle sont à adapter. Il est recommandé de viser une moyenne de pression systolique d’activité de 145 mmHg ou en consultation de 150 mmHg, voire se contenter d’une baisse relative de 20 mmHg de pression systolique. La recommandation française propose dans cette tranche d’âge de ne pas aller au-delà d’une trithérapie.   Il faut rechercher une hypotension orthostatique Le dépistage La recommandation française de 2005 préconise la recherche systématique d’une hypotension orthostatique lors de la découverte d’une hypertension, avant et après toute modification de traitement, en particulier chez le patient âgé. Bien entendu, il faut aussi la dépister devant des signes fonctionnels tels que les lipothymies le matin au lever ou en période postprandiale ou de façon moins intuitive devant des douleurs au niveau des trapèzes en position debout ou une symptomatologie d’effort : malaise, angor ou dyspnée. Son diagnostic s’effectue au cabinet de consultation avec une mesure de la pression artérielle en position assise, puis debout à 1 minute et 3 minutes. Une baisse de 20 mmHg de la PA systolique et/ou de 10 mmHg de la PA diastolique établit le diagnostic.   L’importance de cette recommandation est expliquée par le risque iatrogène. La variabilité tensionnelle de la personne âgée exacerbée en situation de dysautonomie fait coexister hypotension orthostatique et paroxysme tensionnel. La mauvaise interprétation des paroxysmes tensionnels comme témoignant d’une hypertension permanente de haut degré peut conduire à l’escalade du traitement et à la chute du patient. À cet égard, il faut se rappeler que le traitement antihypertenseur est associé à une augmentation non significative de la mortalité totale dans la métaanalyse de Gueyffier(7) contrastant avec une réduction de la morbidité cardiovasculaire. Ce résultat est probablement à mettre en rapport avec une augmentation du risque iatrogène à laquelle contribue l’hypotension orthostatique. La réduction de la mortalité totale observée chez les hypertendus de plus de 80 ans inclus dans l’étude HYVET(8) ne remet pas en cause cette observation. En effet dans cette étude, peu de patients étaient en prévention secondaire, et la vie en institution ou la présence d’un auxiliaire de vie étaient des critères d’exclusion suggérant un risque iatrogène réduit pour les patients inclus. Comprendre les causes - Il faut prendre en compte le terrain et l’histoire naturelle de la symptomatologie. Ainsi une hypotension orthostatique associée à des antécédents de diabète de type 2 ou de maladie de Parkinson fait évoquer une dysautonomie respectivement par atteinte du système nerveux autonome périphérique et central.   Une hypotension orthostatique en général assez modérée chez un patient ayant bénéficié d’une radiothérapie cervicale ou médiastinale doit faire évoquer une dysautonomie par atteinte des barorécepteurs et dénervation sino-aortique. Une hypotension orthostatique d’aggravation rapide chez un patient fumeur peut faire suspecter une dysautonomie dans le cadre d’un syndrome paranéoplasique parfois associé à un cancer bronchique. L’émergence d’une hypotension orthostatique associée à des troubles cognitifs (attention et vigilance), des hallucinations essentiellement visuelles et un syndrome extrapyramidal peut suggérer une démence à corps de Lewy. L’hypotension orthostatique lorsqu’elle survient en association à des signes d’atteinte neurologique diffuse, en particulier atteinte extrapyramidale, peut s’inscrire dans le cadre d’une atrophie multisystématisée. Cette liste n’est pas exhaustive. - Le devenir de la fréquence cardiaque en position debout permet de s’orienter : un effondrement de la pression artérielle en orthostatisme avec en parallèle une augmentation modeste ou absente de la fréquence cardiaque oriente vers une dysautonomie. À l’inverse, une tachycardie d’adaptation franche suggère une cause iatrogène ou une insuffisance veineuse. Bien entendu, si le rythme est dépendant d’un stimulateur cardiaque, cette interprétation est caduque. - Il faut connaître l’ensemble des traitements pris. Les médicaments cardiovasculaires sont au premier rang des responsables potentiels, surtout s’ils s’inscrivent dans des combinaisons hasardeuses. Parmi toutes les classes d’antihypertenseurs, les alpha-bloquants du fait de leur mécanisme d’action sont plus « coupables » que les autres. Leur responsabilité est tout aussi engagée lorsqu’ils sont prescrits dans le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate, surtout en combinaison avec des inhibiteurs calciques. Les médicaments psychotropes peuvent aussi être incriminés tels les antidépresseurs tricycliques. Que faire lorsque hypertension et hypotension orthostatique coexistent ? - Avant tout ne pas nuire. La découverte d’une hypotension orthostatique surtout si elle est symptomatique doit conduire à alléger, voire à arrêter le traitement antihypertenseur. Là plus qu’ailleurs, il faut exiger des données d’automesure ou de MAPA pour ajuster le traitement, et surtout ne pas tenter d’écrêter des paroxysmes tensionnels. L’escalade thérapeutique dans ce contexte conduit à la chute du patient. Un travail d’éducation est nécessaire auprès du patient et de l’entourage. Le maintien d’une hypotension orthostatique symptomatique malgré l’arrêt du traitement antihypertenseur impose des mesures correctives. Il faut citer le port de bas de contention force III régulièrement changés tous les 3 mois. Cela est particulièrement efficace lorsque l’insuffisance veineuse est le facteur déterminant. On peut même alors, en fonction du contexte général et de l’état veineux, envisager une solution chirurgicale. En présence d’une dysautonomie, on envisagera l’utilisation de la midodrine, un alpha-1 stimulant. Compte tenu de sa durée d’action, la midodrine est à prendre une demi-heure avant le lever et avant le repas de midi et doit être évitée le soir pour ne pas aggraver l’hypertension nocturne qui accompagne souvent la dysautonomie. Cette prise en charge s’effectuera au mieux en collaboration avec un centre de référence dans ces pathologies neurodégénératives.   Concernant l’hypertension nocturne elle-même, il faut proposer la mise en place de cales à la tête du lit pour l’incliner de façon à limiter ce qui est avant tout une hypertension de décubitus.   En conclusion   Chez l’hypertendu âgé, le bénéfice du traitement antihypertenseur avec des objectifs adaptés de pression artérielle est démontré. L’hypertension du sujet âgé est caractérisée par une grande variabilité et la coexistence fréquente avec une hypotension orthostatique. La réduction de cette variabilité n’est pas un objectif thérapeutique, et il faut s’accommoder des paroxysmes tensionnels inhérents au stress, à la douleur, etc., qui, au demeurant, ne sont pas à rechercher. Il faut l’expliquer au patient et à ses proches. Cette variabilité accrue impose le recours à l’automesure dans des conditions standardisées ou à la MAPA pour établir ou modifier le traitement antihypertenseur. À tous les stades de la prise en charge, un dépistage soigneux de l’hypotension orthostatique est requis.   Ce qu’il faut retenir   La variabilité de la pression artérielle augmente avec l’âge et le vieillissement vasculaire. La MAPA ou l’automesure sont indispensables chez le sujet âgé pour établir le diagnostic et conduire le traitement compte tenu d’une variabilité majorée de la pression artérielle. La réduction de la variabilité de la pression artérielle du sujet âgé n’est pas un objectif thérapeutique. L’escalade thérapeutique pour écrêter les paroxysmes tensionnels conduit souvent à la chute du patient. L’hypotension orthostatique est volontiers associée à l’hypertension du sujet âgé dans ce contexte de variabilité. Elle doit être dépistée et prise en compte. La réduction du risque iatrogène a la priorité sur la baisse de la pression artérielle.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 18 sur 69

Vidéo sur le même thème